Sûr que lors des débats, nous aurons droit à un auto-satisfecit du gouvernement qui est déjà repris en boucle par les médias, d’autant plus facilement que droite et gauche sont d’accord sur le principe même de l’intervention.
La situation en Centrafrique pourtant dément largement le contentement de Paris. Dès le début, l’intervention française a exacerbé la crise plutôt que de l’apaiser. En effet l’offensive des anti-Balakas, dont certains groupes sont des soutiens à l’ancien dictateur François Bozizé, a commencé le 5 décembre par une attaque simultanée aux trois endroits stratégiques de Bangui, jugeant l’arrivée des Français comme une aubaine pour reprendre le pouvoir.
Si Le Drian se félicite de la stabilisation de la situation à Bangui, c’est tout simplement parce que la grande majorité des musulmans ont fui la capitale. La Seleka qui s’était emparée du pouvoir s’est disloquée, et les groupes armés remontent vers le nord du pays en semant mort et désolation comme nous l’avions déjà pressenti il y a quelques semaines [1].
De nombreuses critiques fusent, notamment celles de Human Rights Watch ou d’Amnesty International sur l’absence de protection des musulmans par les militaires français de Sangaris, à tel point que la CEEAC, la structure qui regroupe les États d’Afrique centrale « a appelé à plus d’impartialité dans le désarmement des milices ».
Des divisions communautaires contre la population
La facilité de langage qui classe les anti-Balakas comme milices chrétiennes et la Seleka comme musulmane, ne doit pas nous conduire à lire le conflit comme religieux. La présence d’amulettes et de gris-gris dont se parent les miliciens des deux côtés montrent qu’avant tout leur croyance est profondément animiste. Ensuite, beaucoup d’acteurs de la paix sont des religieux. Il est rare dans les colonnes de ce journal de rendre hommage à des dignitaires catholiques ou musulmans, surtout par les temps qui courent en France, mais force est de constater que les efforts de l’archevêque de Bangui Dieudonné Nzapalainga, et de l’imam Oumar Kobine Layama, sont méritoires et courageux.
Les divisions communautaires en Centrafrique hélas ne datent pas d’hier. Déjà en 1981 après la chute de Bokassa, le général Kolingba, cornaqué par le colonel Jean-Claude Mantion de la DGSE va prendre le pouvoir et continuer une politique ethnique, qui a été suivie ensuite par les autres dictateurs qui eux aussi ont tous bénéficié de la mansuétude et du soutien de la France.
Dans les années 2000, Bozizé le dictateur qui a été déchu, ne cessera de lancer les Forces armées centrafricaines (FACA) contre les rebelles du nord du pays qui formeront plus tard la Seleka. Sous l’œil de l’armée française, les FACA vont se rendre coupables des pires exactions contre les populations civiles créant une fracture entre le nord et le sud du pays qui explique en grande partie la situation actuelle.
Pourtant dans certains endroits, la haine ethnique ne prend pas le dessus. À Bangassou dans le sud du pays, la population a évité la violence entre les communautés en instaurant des procédures de médiation en dépit des appels à la haine de dirigeants anti-Balakas et Seleka, des appels qui montrent bien la responsabilité des dirigeants politiques dans le drame que vivent les populations de Centrafrique.
Paul Martial