Depuis presque deux semaines de la date de la fameuse Conférence de Genève 2, qui va accoucher d’un mort-né, une guerre sans merci est livrée par des groupes islamiques et des brigades de l’Armée syrienne libre (ASL) contre l’organisation réactionnaire et fasciste affiliée à Al-Qaida, l’EIIL (Etat islamique en Irak et au Levant, ou DAESH, selon son acronyme arabe).
Il est nécessaire de rappeler que le mouvement populaire n’était pas – surtout depuis l’année dernière – uniquement soumis à la violence et la brutalité sans précédent du régime bourgeois dictatorial. Il était également soumis à une répression double des groupes islamistes armés dont le degré de fanatisme et de violence contre les militants et les activistes du mouvement populaire, et aussi contre le mouvement populaire lui-même, varie d’un groupe à un autre. En témoignent les vagues d’arrestations des gens pour toutes sortes de raisons : pratiques sociales considérées par ces groupes réactionnaires comme contraires aux enseignements de leur vision de l’islam, comme le fait de fumer des cigarettes, la tenue vestimentaire… Mais aussi les rafales de tirs contre les manifestants, leur arrestation, ou l’assassinat de nombreux militants et certains dirigeants de l’Armée libre (ASL) connus par leur engagement envers les principes de la révolution populaire. Le pire de ces violences brutales et réactionnaires ont été commises, et à grande échelle, par DAESH. Ce qui a provoqué des réactions populaires contre ce groupe mais aussi contre les groupes similaires à tel point qu’ils manquent tous de rempart populaire dévoué et protecteur. Il ne leur reste que la terreur et l’oppression comme moyens d’imposer leur contrôle sur certaines régions, notamment à Al-Reqqa, Rif Idlib et Alep. Le malaise et la colère populaire contre ce groupe ont affecté même ce qui reste des brigades de l’ASL qui tiennent encore au programme de la révolution syrienne revendiquant l’émancipation, la démocratie, l’égalité et la justice sociale.
La folle obsession de DAESH d’imposer son contrôle sur certaines régions qui ont échappé au contrôle du régime l’a amené à attaquer des brigades de l’Armée syrienne libre et même des factions islamiques réactionnaires avec qui il partage les mêmes références idéologiques. Il chasse militairement ses semblables puis tente d’imposer à la population un modèle politique, idéologique et social très réactionnaire basé sur le « principe » de « lutte contre le mal ». Ceci a conduit les autres groupes rivaux à s’unir pour faire le poids face à l’attaque de DAESH. C’est alors que l’« Armée de l’Islam » a été constituée puis le « Front islamique » en fin novembre 2013 autour d’un programme réactionnaire comparable aux thèses de DAESH. Ce Front a annoncé la couleur en se déclarant contre « la démocratie, la laïcité et l’Etat civil. Il n’y est pas allé par quatre chemins pour dire qu’il œuvrerait pour que la « souveraineté dans cet Etat revienne à Dieu, unique référence, seul et unique gouverneur qui paramètre et organise les actions des individus, de la société et de l’Etat ». Ensuite a vu le jour le « Front des rebelles de Syrie », composé de quelques factions islamiques et plusieurs brigades de l’Armée libre ASL afin d’« instaurer une bonne gouvernance islamique ». Il y a eu aussi une tentative de promotion du « Front Al-Nosra [lire Front pour la victoire du peuple du Levant, NdT] » , comme s’il était de meilleur profil que DAESH bien qu’ils sont deux faces de la même pièce : réactionnaires, aux pratiques fascistes et affiliés tous les deux à Al-Qaïda.
La guerre qui se déroule entre ces forces armées a pour but essentiel le contrôle des zones d’influence dans les régions « libérées » et l’hégémonie idéologique dont chacun des groupes rivaux tente d’asseoir et d’imposer à la population à travers des formes d’organisation médiévales, en l’occurrence lesdites « instances légitimes. Le « Front islamique », par exemple, le plus important en termes de nombre, se revendique de la pensée salafiste djihadiste prônée par le régime réactionnaire en Arabie saoudite. Pour cela, on peut affirmer sans se tromper que — excepté quelques brigades de l’Armée libre syrienne (ASL) alors affaiblie et marginalisée ces derniers mois — le vrai objectif des groupes rivaux en conflit avec DAESH n’est pas de remettre sur les rails les exigences de révolution populaire de renverser le régime et l’instauration d’une Syrie libre et démocratique. Ils sont, en tant que forces réactionnaires, animés par la rivalité idéologique, militaire et politique pour le partage quand il ne s’agit pas du monopole du contrôle des régions « libérées ».
Ce conflit sanglant dont les masses populaires syriennes payent encore une fois la facture a contribué à mettre à nu l’islam salafiste djihadiste, sur le plan intellectuel ainsi que politique. Il a permis aussi de montrer ses ravages et sa monstruosité surtout quand il arrive à imposer sa domination et passe, même pour une courte durée, à la pratique. Il y a fort à parier que plusieurs parmi ceux qui ont soutenu l’islam salafiste politique ou ceux qui restent dans ses sphères s’en écartent en se rendant compte qu’ils se sont trompés ou parce qu’ils ont été forcés de le soutenir par besoin ou contrainte.
Cependant le conflit en cours tend, d’une part, à augmenter les chances d’affaiblir les forces réactionnaires et d’autre part à rafraîchir la conscience révolutionnaire indépendante des masses. Mais aussi à précipiter un nouveau sursaut du mouvement populaire après une période de déclin l’an dernier en raison de la double répression du régime et des forces réactionnaires contre-révolutionnaires susmentionnés. Ainsi le conflit en cours ne manque-t-il pas d’aspects positifs. Il n’a pas seulement permis d’affaiblir la domination de DAESH et réduire sa répression du mouvement populaire mais il va très probablement conduire à l’affaiblissement de ses factions sœurs dans d’autres groupes réactionnaires. Nous assistons à une reprise des initiatives populaires après une amère expérience avec ces factions réactionnaires. Ces dernières se sont dévoilées en tant qu’un véritable ennemi de la lutte des masses et de leurs sacrifices pour l’émancipation.
Cette reprise du mouvement populaire est ainsi palpable à travers la recrudescence des manifestations populaires dans les régions « libérées » depuis le début du conflit contre DAESH et contre ses rivaux parmi les factions islamiques réactionnaires. Pour cela nous ne parions jamais sur la victoire de l’une de ces factions réactionnaires, mais nous comptons sur la poursuite de la révolution et sa victoire. Nous ne parions que sur le mouvement populaire révolutionnaire en plus des brigades de la résistance populaire armées dans « l’Armée libre » qui continuent à s’identifier dans les objectifs de la révolution populaire, pour sa continuité et pour le renversement de la règle de la junte au pouvoir. Dans son processus continu, il est devenu clair que la révolution fait face à des ennemis multiples. En premier lieu le régime dictatorial et ses alliés. Et en second lieu les forces réactionnaires fascistes hostiles à la révolution et leurs alliés des puissances régionales.
A cette occasion nous condamnons la position politique erronée et dangereuse de certaines structures de l’opposition libérale molle et rattachée aux pays de la région qui considère que l’élimination de DAESH, en y ajoutant aussi l’Union démocratique du Kurdistan, signifie l’élimination de toutes les forces contre-révolutionnaires, étant donné, à leur yeux, qu’une DAESH peut en cacher une autre.
Nous appelons à une large alliance contre les deux fascismes ; celui des salafistes djihadistes et du régime dictatorial sanglant, autour des slogans de la révolution syrienne pour la liberté, l’égalité, la démocratie et la justice sociale.
De même que nous sommes conscients que le chemin de la réalisation des objectifs de la révolution est encore long, difficile et qu’il connaîtra des victoires et des reculs, nous sommes absolument convaincus que la flamme de la révolution qui a poussé les masses des travailleurs et des ouvriers à s’insurger ne s’éteindra pas jusqu’à la réalisation de ses revendications d’émancipation.
Ceci impose à la gauche révolutionnaire en Syrie, qui hisse la bannière du socialisme, de travailler sans relâche dans le cadre de ce processus révolutionnaire complexe et composé pour accomplir plusieurs tâches dont les plus importantes sont l’engagement concret dans toutes les luttes des masses, en tout lieu et tout temps, pour défendre leurs revendications et leurs intérêts directs et communs ; et en même temps de construire le parti ouvrier socialiste révolutionnaire.
Tout le pouvoir et toute la richesse au peuple !
Courant de la Gauche révolutionnaire en Syrie
Damas, le 15 janvier 2014