Khaled El Sayed anime la direction du Front de la voie de la révolution. Ce mouvement a été fondé après l’éviction du président Morsi, le 3 juillet 2013, à la suite des manifestations géantes et de l’installation d’un pouvoir intérimaire sous tutelle de l’armée. Il s’oppose à la fois aux Frères musulmans et au pouvoir militaire, qu’il accuse de vouloir liquider la révolution en contrecarrant ses revendications (pain, liberté, justice sociale, dignité) et en arrêtant ses militants. Le projet de Constitution soumis au référendum est, aux yeux du mouvement, un outil du maintien de la tutelle de l’armée sur l’État et de la poursuite des injustices sociales des régimes de Moubarak et Morsi.
Hany Hanna : Quels sont les enjeux du référendum sur la Constitution ?
Khaled El Sayed : Tout indique que la participation sera élevée. L’État, les chaînes de télévision et les hommes d’affaires ont dépensé des millions de livres pour faire passer cette nouvelle loi fondamentale. Celle des Frères musulmans était aussi passée avec au taux de participation élevé. Cela n’a pas empêché des millions de personnes de descendre ensuite dans la rue pour la faire tomber. Ce sera le cas aussi pour cette Constitution, qui est celle des militaires, des résidus du régime de Moubarak et de leurs alliés. C’est là l’enjeu.
Pourquoi pensez-vous que ce nouveau texte n’a pas d’avenir ?
Khaled El Sayed : Parce qu’il ne vaut pas plus que la Constitution des Frères musulmans. Il fait de l’armée un État dans l’État, prévoit le jugement des civils par les cours martiales et favorise les hommes d’affaires aux dépens des pauvres et des citoyens aux revenus modestes.
Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Khaled El Sayed : Deux exemples. D’abord, l’effort financier prévu par la Constitution pour la santé (moins de 4 % du budget de l’État) ou l’éducation (moins de 3 %) est très inférieur aux subventions à l’énergie pour les industriels. Ensuite, la Constitution ne garantit pas la liberté syndicale et empêche par là les travailleurs de défendre leurs droits en organisant des grèves et des sit-in. Elle favorise au contraire le syndicat officiel.
Comment avez-vous trouvé la campagne électorale ?
Khaled El Sayed : Unique, d’une certaine façon ! Car, il n’y a qu’ici qu’on arrête les partisans d’une des réponses proposées aux électeurs. Cela ne se voit nulle part ailleurs. C’était une campagne très répressive.
Vous appelez à voter non. Pourquoi pas l’abstention ?
Khaled El Sayed : Parce qu’il ne faut pas céder à la facilité. Le non est un refus des articles négatifs de la Constitution. Il permet aussi de communiquer avec les citoyens. Enfin, ce n’est pas l’abstention, mais le non qui peut construire une alternative, une troisième voie différente du régime de Moubarak, de celui des Frères musulmans ou des militaires.