La vice-consule indienne qui avait été arrêtée à New York, début décembre, pour avoir sous-payé son employée de maison et menti sur ses conditions de travail, a pu regagner son pays, vendredi 10 janvier, après avoir bénéficié de l’immunité diplomatique. L’arrestation de Devyani Khobragade avait provoqué une mini-crise diplomatique entre Delhi et Washington. Quelques heures avant son départ, elle a toutefois été inculpée pour fraude au visa et fausses déclarations.
La justice américaine reproche à la diplomate indienne d’avoir versé un salaire mensuel de 573 dollars (419 euros) très en dessous du salaire minimum légal aux Etats-Unis, et de lui avoir fait signer un faux contrat de travail destiné à obtenir un visa des autorités américaines, pour un salaire mensuel de 4 500 dollars.
D’après l’acte d’accusation, la domestique travaillait entre 15 et 18 heures par jour. Sa patronne lui avait également demandé de ne pas tomber malade en raison des frais médicaux élevés aux Etats-Unis. En lui confisquant son passeport, elle l’empêchait de quitter son travail pour revenir en Inde.
Le 12 décembre, Devyani Khobragade a été arrêtée et envoyée en prison alors qu’elle venait de déposer ses enfants à l’école, puis libérée sous caution au bout de quarante-huit heures. Dans un courrier adressé aux médias indiens, la diplomate avait fait part de son humiliation d’avoir été « menottée de façon répétée, d’être déshabillée et fouillée au niveau des cavités corporelles et de subir des prélèvements, le tout en compagnie de criminels et de toxicomanes ».
ARRESTATION « IGNOBLE ET BARBARE »
Son arrestation a suscité la colère dans son pays d’origine, et Shivshankar Menon, le conseiller national à la sécurité l’a même qualifiée d’« ignoble et de barbare ». Une indignation qui a fait passer au second plan le sort subi par l’employée de maison. Sa famille, qui s’est sentie menacée, a dû quitter le pays pour se réfugier aux Etats-Unis. En Inde, les domestiques sont régulièrement victimes d’abus. Mardi 7 janvier, ils ont manifesté, dans la plus grande indifférence.
La réponse de l’Inde à l’arrestation de sa diplomate a été immédiate. Delhi a bloqué les importations d’alcool, exemptées de taxe, dont bénéficie l’ambassade américaine, et a retiré les barricades de sécurité qui la protègent. L’Inde est parvenue à rapatrier la vice-consule en lui assurant une immunité diplomatique complète, par une nomination à un poste dans sa mission permanente auprès des Nations unies.
Cet épisode pourrait avoir de sérieuses conséquences sur les relations entre les deux pays, qui s’étaient pourtant réchauffées. Les Etats-Unis ont désigné l’Inde comme le pays pivot de leur nouvelle stratégie en Asie. Mais Delhi s’est toujours méfiée de l’attitude de Washington perçue comme dominatrice. Dans un éditorial publié samedi, le quotidien Times of India déplorait que la « faiblesse du leadership politique ait laissé le service diplomatique dicter ses conditions » concluant que « les affaires étrangères sont trop importantes pour être confiées aux seuls diplomates ».
Julien Bouissou (New Delhi, correspondance)