« En juin 2013, le Conseil fédéral a adopté les axes de la réforme prévoyance vieillesse 2020. L’objectif principal de ce projet est de maintenir le niveau des prestations. » Voilà ce que l’on peut lire dans la documentation fournie par le Conseil Fédéral. Cela semble changer des sempiternelles annonces de la droite patronale sur le « on ne peut plus payer les retraites vu l’augmentation de l’espérance de vie, il faut travailler plus longtemps et diminuer les rentes ».
Serait-ce un virage à gauche grâce au « socialiste » Berset ? Clairement non, et ces mesures sont inacceptables pour plusieurs raisons : le passage de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans est une manière provocatrice de concevoir le maintien du niveau des prestations ; la rente de veuve sera diminuée de 25 %, et limitée aux femmes qui ont un enfant ayant droit à une rente d’orphelin ou nécessitant des soins ; le taux de conversion, qui détermine le montant de la rente, sera diminué de 12 %, passant de 6,8 % à 6 %.
Il est clair que l’allongement de l’espérance de vie implique une augmentation du financement des retraites. Cela fait des années que je clame que cela est possible : l’espérance de vie augmente de 0,5 % par année, le PIB de 2 % en moyenne depuis 2003. On crée chaque année 4 fois plus de richesse supplémentaire que ce qui est nécessaire pour compenser l’augmentation de l’espérance de vie ! De plus cette augmentation des richesses produites est très inégalement répartie, participant fortement à l’augmentation des inégalités. Et le projet Berset reproduit ces inégalités dans son financement. En effet, pour l’AVS, il divise par 2, (de 19,5 % à 10 %) le financement de la Confédération pour le remplacer par une augmentation de la TVA, dit autrement il remplace la moitié d’un financement par un impôt quand même progressif par l’impôt le moins progressif qui soit. Toujours pour l’AVS, il introduit une sorte de frein à l’endettement. Pour le deuxième pilier, il compense les pertes liées à la diminution du taux de conversion par une augmentation des cotisations, payées à parts égales par les salarié.e.s et les patrons. Donc il programme une diminution des salaires réels des travailleurs.euses. Rappelons qu’en 2009 les employeurs ont payé en moyenne 60 % des cotisations. Il maintient un taux de rendement très bas accordé au capital accumulé par les salarié.e.s. Il est de 1,5 % en 2013, comparé aux 21 % du SMI, qui est le gain moyen la même année des actions suisses !
Et tout cela pour « sauver » un mauvais système. Contrairement à ce qu’en dit la propagande bourgeoise, c’est le deuxième pilier qui est malade. Un assuré qui avait 40 ans en 2003 se retrouve avec une retraite diminuée de 49 % en 2028, suite aux multiples diminutions touchant ce 2e pilier. Et cette retraite n’a aucune garantie d’être indexée. Pour l’AVS, le Conseil fédéral avertissait en 1997 que la catastrophe était annoncée, que ses caisses seraient vides en 2010. Ce « vide » s’est révélé être 40 milliards ! Le 2e pilier divise ses prestations par 2, l’AVS les maintient depuis sa création et les améliore, voilà le constat qui correspond à la réalité. Et c’est le « malade » qui assure en moyenne les 60 % de la retraite totale.
Cette comparaison montre que le système de la capitalisation, obligatoire pour les entreprises privées, a beau plaire aux banquiers, il est une catastrophe pour les travailleurs.euses : il ne donne aucune garantie pour l’indexation des rentes, ce qui est fondamental pour une prévoyance vieillesse sociale. Il favorise la primauté des cotisations, un système où la rente est calculée (taux de conversion !) à partir du capital accumulé par chaque assuré individuellement. C’est ainsi ce dernier qui assume seul les risques boursiers, il ne sait pas à l’avance quelle sera sa retraite, et ce système interdit toute solidarité.
A l’opposé l’AVS, qui est basée sur la répartition (les actifs.ives payent pour les retraité.e.s), convient à la primauté des prestations, un système qui détermine le montant de la rente en fonction du ou des derniers salaires, donc qui garantit une certaine continuité des revenus, et permet facilement l’indexation parallèle des actifs et des retraité·e·s. Et l’AVS montre qu’elle permet la solidarité.
La solution est de donner la priorité à la répartition, avec une fusion de l’AVS et du deuxième pilier dans un système de répartition avec fond de réserve. Une telle fusion permettrait :
• d’introduire une véritable solidarité : rentes minimum de 3500 francs et maximum égal à 3 fois ce montant ? ;
• de réaliser l’objectif d’une rente égale à 80 % du dernier salaire. On arrive ainsi à des prestations vieillesse supérieures en moyenne de 13 % à la situation actuelle, avec le maintien intégral des droits actuellement acquis par les travailleurs.euses ? ;
• d’éliminer des inégalités entre les travailleurs.euses, tous traités selon les mêmes principes, avec entre autres la répartition 2 tiers/1 tiers entre l’employeur et les salarié.e.s, ce qui est loin d’être impossible puisque l’employeur paye actuellement le 60 % du financement.
Des projections, certes simplifiées, montrent qu’un tel système tient financièrement la route.
C’est le contenu d’un projet d’initiative voté par le congrès de SolidaritéS et proposé à la discussion à l’ensemble des forces de gauche.
Michel Ducommun