Ces derniers temps, l’Italie a été touchée par une agitation sociale sous forme de blocages de routes, occupations de places et de manifestations « surprise ». Les acteurs de ces manifestations sont des couches sociales qui ont peu l’habitude de ce type de lutte...
Il s’agit de secteurs de la petite et moyenne bourgeoisie frappés de plein fouet par les retombées de la crise sur leurs revenus : des commerçants, des marchands ambulants, des artisans, des routiers, des petits paysans. Ceux-ci ont été rejoints par d’autres franges populaires plus ou moins aux marges de la société, dont des jeunes des quartiers périphériques, des chômeurs et aussi des étudiants, principalement des écoles techniques et professionnelles, c’est-à-dire des enfants de cette classe sociale.
Les effets du déclassement
Six années de crise économique et de réponses gouvernementales qui ont provoqué la récession, ont entamé leurs certitudes économiques et sociales, les entraînant dans la pauvreté et le déclassement. C’est un coup dur pour la petite et moyenne bourgeoisie qui est une classe sociale fondamentale pour garantir le consensus autour de la classe dominante et la politique gouvernementale de la droite et, dans une certaine mesure, du centre-gauche.
L’agitation a été organisée et dirigée par certaines associations corporatives et par un comité organisateur avec des mots d’ordre généraux contre les impôts, contre tous les hommes politiques, les parasites (en ciblant les fonctionnaires), les syndicats qui ne défendent que les travailleurs qui ont un emploi tout en profitant des indemnités de chômage. C’est une réponse générale et vague (même si un des animateurs est allé jusqu’à réclamer un gouvernement des forces armées et des juges), bien qu’elle traduise une souffrance bien réelle.
Les forces de droite et d’extrême droite, à partir des individus qui font partie de ce comité organisateur de la grève, sont bien présentes et actives, et ont orienté la dynamique de la protestation (et beaucoup des mots d’ordre) dans les rassemblements et manifestations où règne une certaine confusion. Celles-ci sont remplies de petits commerçants et de jeunes chômeurs des quartiers qui ont trouvé dans les manifestations un lieu pour se défouler et pour exprimer leur colère.
Une radicalisation qui peut être un danger
Sur les places, on a clairement vu les liens que ces organisations de droite entretiennent avec des secteurs de la police. Il s’agit d’un phénomène qui montre le potentiel de radicalisation à droite de secteurs de la petite bourgeoisie et du « sous prolétariat » qui peut devenir un danger pour la classe ouvrière, elle aussi durement frappée par la crise et la politique gouvernementale. Depuis trop longtemps, celle-ci a été privée d’un grand mouvement de lutte qui soit capable de construire une alternative sociale et politique concrète. Dans tout cela, les responsabilités des directions syndicales, complices des gouvernements des banques et de la grande bourgeoisie, sont immenses.
C’est la faiblesse et l’inefficacité des actions des directions syndicales et politiques qui ouvre la voie à ce type de protestation. La question ne peut pas être évacuée en prétendant que ces mobilisations peuvent être une vraie lutte positive contre les politiques d’austérité et les gouvernements qui les appliquent. On ne peut pas non plus écarter ces mobilisations en les considérant comme uniquement le fruit d’un complot (destructeur ?) monté par des groupes fascistes. Une idée se répand actuellement dans les têtes pensantes » de la « gauche » gouvernementale, comme quoi tout va bien et que le système est menacé dans sa stabilité, soit par la subversion des mouvements écologistes de gauche, soit par le complot de la droite. Cette idée est erronée et dangereuse car c’est le système, en crise, lui-même qui produit les crises sociales et politiques.
La classe ouvrière doit avoir ses objectifs propres
Seule une reprise des luttes de la classe ouvrière pour ses propres objectifs, pour la sauvegarde des conditions de vie et de travail des classes populaires, peut avoir la force de polariser des secteurs de la petite bourgeoisie ou du moins de les neutraliser dans le combat contre le patronat.
Mais pour que cela arrive, il faudrait une reprise décisive du mouvement ouvrier et syndical qui sache aller au-delà de la stratégie actuelle du Parti démocrate (centre gauche) et des directions syndicales, qui ont subordonné les travailleuses et les travailleurs à la grande bourgeoisie. Pour cette raison, la classe ouvrière – et les forces de la gauche anticapitaliste doivent y contribuer de toutes leurs forces – doit commencer dès maintenant sa propre lutte, sa propre révolte de classe contre les gouvernants, contre la bourgeoisie.
Diego Giachetti (Turin)