NPA
Communiqué. Non à l’intervention militaire française en Centrafrique
L’intervention militaire française en Centrafrique a commencé. Le Conseil de sécurité des Nations unies a donné à cette opération de police internationale une prétendue légitimité en invoquant, cette fois encore, des raisons humanitaires. L’intervention aurait pour but de « restaurer l’ordre constitutionnel » et de « préparer le terrain à de futures élections », mais surtout et dans l’immédiat assurer le « désarmement, le cantonnement et démantèlement des groupes armés ».
En fait, la France intervient dans cette ancienne colonie où elle a une vieille tradition de pillage et de soutien aux dictateurs comme l’ubuesque Bokassa pour y défendre ses propres intérêts. C’est elle qui a mis en place, il y a dix ans, le président Bozizé dont le régime haï et corrompu s’écroule.
Personne ne peut rester indifférent devant le sort dramatique de la population, mais l’intervention militaire commanditée par les grandes puissances impérialistes ne résoudra rien bien au contraire. Son but n’est pas de mettre fin aux exactions et aux pillages des bandes armées de la Seleka. Cette intervention obéit aux mêmes objectif que celle au Mali. Dans les deux cas comme dans le reste de l’Afrique il s’agit de maintenir l’ordre des grandes puissances alors que le régime politique qu’elles ont mis en place n’a plus aucun pouvoir. Pour le gouvernement Hollande-Ayrault, il s’agit de préserver les privilèges de la vieille puissance coloniale qu’est la France, ceux des multinationales françaises, les Areva, Bolloré et autres Total.
L’intervention militaire ne peut entraîner pour la population que de nouvelles souffrances, de nouveaux drames.
Hors d’Afrique les troupes françaises.
NPA, Montreuil, le 5 décembre 2013
Gauche anticapitaliste
Communiqué de la GA. Il faut une force de paix en Centrafrique mais ce n’est pas à l’ancienne puissance coloniale d’intervenir.
Depuis le renversement du président F. Bozizé, en mars 2013, par une coalition, la Séléka, dirigée par Michel Djotodia, la situation ne cesse de se détériorer.
Des bandes armées, issues souvent de la Séléka, rançonnent la population, se livrent à des massacres qui, peuvent prendre un tour religieux : musulmans contre chrétiens. En retour, des milices d’autodéfense chrétiennes se livrent à des représailles sanglantes.
Le population vit dans la terreur et manque de tout.
Le Conseil de sécurité a donné son feu vert à cette intervention sous mandat de l’ONU. La résolution donne aux forces françaises toute latitude pour « prendre les mesures nécessaires » afin de soutenir la force africaine, la Misca.
F. Hollande va, de nouveau, assumer le rôle de gendarme de l’Afrique.
1600 soldats français seront à pied d’œuvre pour une mission de plusieurs mois.
F. Hollande voit dans cette intervention une réaffirmation de la puissance de la France au moment où, suite au Forum des entreprises africaines et françaises, la France compte bien développer ses échanges, ses exportations avec ce continent. Le gouvernement table sur 200 000 emplois créés en cinq ans si les exportations étaient multipliées par deux.
Nous refusons cette intervention.
Ce n’est pas l’intervention militaire de la puissance néo-coloniale, qui s’est accommodé des dictateurs en place depuis des décennies, qui permettra de rétablir des conditions de vie normale pour la population.
Il faut mettre fin au rapport de domination de la France sur ses anciennes colonies.
Pour faire face à la catastrophe humanitaire qui est en route, pour protéger la population des exactions et des massacres, il faut une force de paix et d’interposition internationale, sous mandat de l’ONU, de l’Union africaine, mais sans l’ancienne puissance coloniale.
Le 8 décembre 2013.
PCF
Centrafrique / Opération Sangaris : « La vérité est que la France n’a pas l’esquisse d’une solution politique »
Comment en est-on arrivé là ? Alors que les troupes françaises se positionnaient à Bangui dans le cadre de l’opération Sangaris, les flambées de violences inter-communautaires et les affrontements entre groupes « rebelles » ont fait plusieurs centaines de morts. Un niveau de violence qui en dit long sur le désastre en cours en république Centrafricaine. Deux soldats français ont été tués dans la nuit du 9 au 10 décembre.
Le feu vert du Conseil de sécurité de l’ONU à une intervention de la France en soutien à la force africaine, présente dans le pays vise à mettre fin aux exactions. La présence militaire à Bangui et dans les grands axes stratégiques devrait jouer un rôle dissuasif, au grand soulagement évident, pour l’instant, des populations. Mais qu’en sera t-il ailleurs dans ce pays plus grand que la France ?
Depuis de longs mois, des associations, des ONG ont tiré la sonnette d’alarme. En mars dernier, lorsque la Séléka a pris le pouvoir, avec l’accord tacite de la France et l’implication du Tchad, le pays était déjà au bord du gouffre.
Quelles mobilisations et quelles actions ont été menées ces dernières années sur le plan diplomatique, stratégique, et d’influence sur les pays voisins pour empêcher l’effondrement ? Aucune. La seule réponse est d’avoir attendu l’incendie généralisé pour procéder à ce que la France sait le mieux faire, intervenir militairement.
Mais dans quel objectif ? Cette lourde question reste sans réponse. Par le passé, l’armée française est en effet déjà intervenue des dizaines de fois. Depuis 124 ans, Paris occupe, fait et défait les régimes de Centrafrique. Lors de la colonisation, d’abord, d’une violence extrême, puis au travers de la Françafrique. On comprendra dès lors qu’il ne peut y avoir de blanc seing.
La confiance n’est pas de mise quand bien même l’intervention s’apparente aujourd’hui à une opération de sécurisation. Car les mêmes acteurs qui ont failli – dont les pays de la sous-région – prétendent apporter une solution.
Certes, la France s’engage sous couvert des Nations unies, au travers d’une résolution qu’elle a écrite. La vérité est que la France n’a pas l’esquisse d’une solution politique, au-delà des discours convenus et de la promesse d’organiser au plus vite des élections. Elle va en Centrafrique pour rétablir un « minimum d’ordre » dans la région et reprendre la main sur la plan économique, tout cela en lien avec l’Union européenne et les États-Unis. Dans ce contexte, l’annonce d’une présence « temporaire » des militaires français s’apparente à une fable. Cette façon de gérer le conflit ne peut conduire qu’à perpétuer l’instabilité, la violence et l’échec.
La résolution du conflit est possible à la condition de prendre le contre-pied des motivations réelles qui ont conduit à cette intervention. Il s’agit de mettre au placard les vieux réflexes. Paris doit se désengager sur le plan militaire et agir pour une solution politique en faveur de la reconstruction du pays et de sa souveraineté. La France doit travailler à une véritable action multilatérale permettant de s’attaquer aux causes réelles qui ont conduit à la déstabilisation du pays, de mettre fin aux tensions régionales et de lutter contre la pauvreté, dans ce pays qui regorge de richesses.
Centrafrique : La France doit se désengager sur le plan militaire et agir pour une réponse multilatérale
« J’ai demandé à la France d’intervenir pour sauver les institutions ». Cette phrase d’une brûlante actualité a été prononcée il y a 17 ans, le 20 mai 1996 par Ange Félix Patassé, dictateur de Centrafrique, prédécesseur de l’actuel despote Michel Djotodia. Depuis « l’indépendance » du pays, les relations entre Paris et Bangui n’ont été qu’une succession de coups tordus, parmi les plus rocambolesques et dramatiques de la Françafrique. Du couronnement délirant de Bokassa, autoproclamé empereur, en passant par les diamants offerts à Giscard. Les uns après les autres, les dictateurs ont été choisis et maintenus par Paris pour le plus grand malheur du peuple. Lorsque le 24 mars dernier, la Seleka, coalition rebelle mêlant grand banditisme et absence de projet politique, a pris la capitale, Bangui, personne n’a trouvé à redire. Surtout pas la France qui ne s’est pas inquiétée de voir un régime défait et remplacé avec le soutien d’un ami de la Françafrique, le dictateur tchadien Idriss Déby.
Mais depuis, l’effondrement s’est accéléré à tel point que la situation menace de dégénérer en affrontements interconfessionnels. La crise risque de s’étendre à toute la sous-région et d’en faire un terrain favorable au terrorisme. Quand le chaos se généralise, il devient gênant : c’est ce moment que choisissent les grandes puissances pour intervenir.
Une chose est sûre : il n’y a pas à tergiverser. Il faut agir pour protéger les populations, premières victimes des violences. La France vient de soumettre au Conseil de sécurité un projet de résolution qui autorise la force panafricaine présente en Centrafrique (Misca) à se déployer pour une période initiale de 6 mois. A quelques jours du Sommet de l’Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique, le ministère de la défense annonce la présence d’un millier de militaires français. Paris est à la manœuvre pour perpétuer et renforcer sa présence.
La vraie question qui se pose est celle du court terme. Pour faire quoi ? Pour recommencer un cycle de domination-effondrement ? La France a une responsabilité écrasante dans cette tragédie. Elle est disqualifiée et a perdu toute légitimité. Elle a une dette considérable envers le peuple de Centrafrique. Elle doit plaider pour une solution politique en faveur de la reconstruction du pays et de sa souveraineté, et agir pour un mandat d’une force d’interposition de l’ONU qui s’inscrive dans cette perspective. Pour être cohérente et entendue, la France doit se désengager sur le plan militaire, rompre avec la politique de domination contenue dans le Livre blanc 2013 de la défense. Elle doit mettre fin au détachement Boali chargé actuellement d’assurer la sécurité de l’aéroport, des ressortissants étrangers, dont les français, et des « lieux à haute valeur ajoutée » pour reprendre l’expression du ministère de la défense, c’est-à-dire le site d’extraction d’uranium d’Areva. Cette responsabilité doit être assurée dans le cadre du mandat des Nations Unies. La France devra agir pour mettre un terme aux dominations extérieures, favoriser une réponse multilatérale sous l’égide des Nations unies et de l’Union africaine et engager une logique sans précédent de coopération et de co-développement. Voilà où doit se situer le terrain de l’offensive, il en va de l’avenir de la Centrafrique.
* Textes publié sur le site du PCF.
Parti de Gauche
Editos : La Centrafrique et l’Armorique
Le gouvernement a-t-il tort d’intervenir au Centrafrique ? Non. A la différence de précédentes opérations militaires dans lesquelles la France a été hélas engagée, celle-ci s’inscrit pleinement dans le cadre du droit international puisque le conseil de sécurité de l’ONU a donné unanimement le mandat à notre pays d’appuyer la force africaine de la Misca chargée de protéger les civils et « stabiliser » le pays. La situation humanitaire désastreuse en Centrafrique plaide également pour une intervention. Pour autant, n’oublions pas que la politique étrangère est de la politique concentrée. Dès lors qu’un ou plusieurs Etats interviennent au-delà de leurs frontières, fut-ce au nom du droit international ou de l’urgence humanitaire, c’est toujours de politique qu’il s’agit. Et même de politique intérieure. La France n’y fait pas exception. L’actualité a télescopé l’intervention en Centrafrique avec le « pacte d’avenir » pour la Bretagne. Bingo ! Ce que fait Hollande à Bangui n’est pas indépendant de ce qu’il fait à Brest. Je mélange tout ? On va voir que non.
L’Etat centrafricain s’est effondré. On ne peut pas dire qu’il était bien solide. Les régimes qui s’y sont succédé ont tous vécu à l’abri de la puissance française, qui a légitimé ou empêché divers coups d’état pour garder le contrôle du gouvernement. Mais tout ceci ne fonctionne plus pour la raison que la France contrôle des gouvernements… qui ne contrôlent plus rien. L’idée que l’on pourrait se contenter d’un petit tour conclu par l’installation de personnages plus performants que ceux en place est donc une vue de l’esprit. Il faut reconstruire un Etat ce qui ne se fera pas en quelques mois. Ceci ne se fera pas surtout sans affronter les causes de sa destruction : les politiques néolibérales et leur terrible cocktail de privatisations et libre-échange. Bref le drame centrafricain n’est pas une fatalité locale mais le résultat d’une logique globale, qui affleure plus vite et violemment aux endroits les plus fragiles. Mandela que tous célèbrent désormais avait dénoncé les ravages du libre-échange sur l’Afrique. Dès lors que les barrières douanières ont été abattues, les paysans locaux ont été ruinés par les exportations de l’agro-business. L’industrie est trop fragile pour prendre le relais. Alors toute la société se défait. La Centrafrique est donc malade du modèle agricole qui vacille aujourd’hui en Bretagne. Et on ne peut aider l’Afrique tout en continuant à défendre les aides à l’exportation pour les poulets bretons comme le fait le pacte présenté par Ayrault.
C’est légitime, le gouvernement n’interviendrait pas si nos intérêts nationaux n’étaient pas en jeu. En l’espèce, il s’agit notamment de l’uranium. L’alimentation énergétique de notre pays dépend de cette ressource que notre sous-sol ne produit guère. La Centrafrique dispose du gisement de Bakuma et de frontières stratégiques avec des voisins dotés du précieux minerai. Tant que le nucléaire restera la première source de production d’électricité dans notre pays, la France devra contrôler des gouvernements qui détiennent la clé des mines africaines. Bien sûr nous pourrions faire autrement : organiser la transition énergétique pour nous passer d’uranium. Il faudrait pour cela développer les énergies renouvelables et notamment celles tirées de la mer. Cela ouvrirait pour le coup un vrai avenir à la Bretagne, région qui compte un tiers des côtes françaises. Relocalisation de l’économie et planification écologique, deux ruptures qui permettraient une autre politique en Afrique… et en Armorique.
François Delapierre,
Secrétaire national du Parti de Gauche