Les élections du 24 novembre rompent avec le schéma d’affrontement entre deux partis traditionnels qu’à connu le Honduras depuis un siècle et demi. En effet, le Parti libéral, qui traditionnellement disputait le pouvoir au Parti national, paie le prix de sa participation active à la planification du coup d’État de 2009, par la défection d’une partie conséquente de ses militants. Deux candidats se disputent les suffrages de la majorité des électeurs. D’un coté, l’ancien président du Congrès Juan Orlando Hernandez, pour le Parti national et de l’autre, pour le Parti LIBRE (Liberté et refondation) Xiomara Castro, épouse du président Zelaya, déposé à la suite du coup d’État.
Avant le scrutin, plusieurs analyses s’accordaient sur le fait que quelque soit le gagnant, un changement profond serait inéluctable, que ce changement ne se ferait pas sans un grand dialogue national capable d’impliquer toutes les forces politiques du pays, enfin que la position des détenteurs du pouvoir économique et des forces armées serait déterminante pour atteindre (ou non) un fragile équilibre.
Avant le scrutin, le prêtre Ismael Moreno, directeur de Radio progreso – qui dépend de l’Equipe de réflexion, de recherche et de communication animé par les jésuites – voulait croire à la réussite de discussions apparemment menées en amont des élections par les deux principales forces politiques en lice. Mais à l’heure du dépouillement des voix, ce scénario qui se voulait optimiste pourrait céder la place à un autre bien plus inquiétant, que le père Ismael Moreno, en bon jésuite, n’avait pas exclu du champs des possibles.
Les bureaux de vote ont fermé á 17 heures finalisant un scrutin qui, dans la majeure partie du pays, s’est déroulé dans le calme.
Toutefois, derrière cette atmosphère apparemment « bon enfant », la tension, alimentée par le climat de polarisation extrême qui a marqué la campagne, était perceptible, principalement parmi les sympathisants de LIBRE. Les menaces (qui ont parfois été mises à exécution), les tracasseries administratives dont nombre d’entre eux ont fait l’objet, ainsi que les nombreuses irrégularités constatées dans le registre électoral, ou encore l’absence de fiabilité du système de transmission des résultats (également souligné par les observateurs de l’Organisation des Etats américains -OEA- ) ont conforté le soupçon qu’une fraude, orchestrée au plus haut niveau, était en préparation.
Dès 18 heures, les premiers résultats urne par urne diffusés par radio TV Globo semblaient pourtant très favorables à Xiomara Castro, lui conférant, dans de nombreux cas, une avance considérable sur son principal rival. À 19 heures, selon Radio Globo, les sondages à la sortie des urnes confirmaient cette tendance. Pourtant, peu après, les premiers pourcentages annoncés par le Tribunal suprême électoral (TSE), faisaient état d’abord d’une différence minime entre les deux candidats puis, vers 20 heures, d’un avantage confortable du candidat du Parti national Juan Orlando Hernandez (34,15%) contre 28,45% pour Xiomara Castro. Parallèlement des informations faisant état d’annulations injustifiées de votes, de subornation de scrutateurs ou d’actes transmis avant la fin du scrutin commençaient à se multiplier.
C’est en se fondant sur ces éléments et sur les failles constatées du système de transmission des résultats que les dirigeants de LIBRE ont d’abord appelé leurs militants à défendre leurs suffrages et à rester présent dans les bureaux de vote. Plus tard dans la soirée, alors que le TSE déclarait disposer de résultats consolidés pour 42% des bureaux de votes, le candidat du Parti anti-corruption (PAC), Salvador Nasralla, un présentateur-vedette de télévision arrivé en 4e position, s’est dit prêt à féliciter le vainqueur à condition que sa victoire ne soit pas entachée de fraude. Pour sa part, l’ ancien président José Manuel Zelaya, en sa qualité de coordinateur de LIBRE, annonçait que les résultats officiels ne correspondaient pas avec les chiffres recueillis par son parti. Il dénonçait qu’au moins 20% d’entre eux manquaient de toute consistance. En élisant de nouveaux dirigeants, les Honduriens espéraient sans doute se débarrasser du lourd fardeau de la violence et de l’insécurité qui constitue déjà leur quotidien. S’y ajoute désormais celui de l’insécurité politique. Nul ne peut désormais prédire quand et dans quel état le pays sortira de la zone de turbulences dans laquelle il semble avoir été engagé.
Hélène Roux, 25 novembre 2013