Seuls 26% des Français ont fait (6%) ou ont l’intention de faire un don (20%) pour venir en aide aux Philippins frappés par le typhon Haiyan. Ces chiffres s’inscrivent en très net repli par rapport à ceux enregistrés il y a trois ans, lors du tremblement de terre à Haïti.
A l’époque, 49% des personnes interrogées avaient donné ou avaient eu l’intention de donner, soit 23 points de plus qu’aujourd’hui. Le décrochage en termes de don est particulièrement marqué parmi les plus jeunes : – 31 points parmi les 18-34 ans contre une baisse de 18 points parmi les 65 ans et plus. Si le contexte de crise économique et de forte tension sur le pouvoir d’achat en France peut en partie expliquer cette moindre générosité, ce sondage confirme surtout les tendances de dons constatées en France, tant en matière de catastrophes climatiques (rarement mobilisatrices sauf quand elles frappent durement en France) qu’en ce qui concerne les malheurs des Philippins, cause qui ne mobilise pas au-delà d’une cible très « pointue ».
Dans l’esprit de beaucoup de donateurs français, les Philippines cumulent deux freins aux dons : non seulement ce pays n’appartient pas à la sphère de générosité des Français, mais en plus, à l’instar de plus en plus de pays africains, les Philippines apparaissent comme un zone désespérée et désespérante (misère endémique, population passive, dirigeants corrompus, catastrophes à répétition), où le don va disparaître dans un puits sans fond. Par comparaison, il y avait une vraie identification au sort des victimes du tsunami asiatique de 2004 (images familières de dépliants de vacances, pays en voie de développement économique…), quant à Haïti, elle fait partie de la sphère de responsabilité des donateurs français. Enfin, bien que paraissant désespérée et désespérante, la situation de la corne de l’Afrique pouvait encore susciter chez les donateurs réguliers français un certain sentiment de devoir d’aide en 2011.
Ces éléments peuvent expliquer que malgré son ampleur et le nombre de victimes, l’ouragan philippin de 2013 n’est pas en train de provoquer une « bulle de générosité » comparable au tsunami asiatique de 2004 ou au tremblement de terre en Haïti de 2010.
Selon ce que nous appelons le « Théorème de Vaccaro » (selon lequel la capacité de mobilisation planétaire d’ampleur en faveur de victimes fortement identifiables de catastrophes d’ampleur exceptionnelle instantanément hyper médiatisées, met en moyenne 5 ans à se reconstituer), la prochaine bulle de générosité mondiale devrait survenir vers 2015 (Kosovo 1999 - Tsunami 2005 – Haïti 2010). Sera-t-elle suscitée par une catastrophe environnementale ?
Dans le détail, les intentions ou les dons déjà effectués sont plus fréquents parmi les seniors (41% de donateurs contre 20% seulement parmi les moins de 35 ans), tranche d’âge qui constitue toujours le cœur battant des donateurs, et auprès de laquelle, on l’a vu, le mouvement d’érosion et/ou de lassitude par rapport aux autres catastrophes a été moins marqué. Pour autant, ce mouvement d’attrition touche également le noyau dur des donateurs réguliers toutes causes confondues, puisque 56% d’entre eux n’envisagent pas de donner pour les Philippines. La mobilisation des donateurs occasionnels qui donnent lors de catastrophes naturelles permettra peut-être de limiter les pertes puisque 85% d’entre eux ont déjà donné (31%) ou ont l’intention de le faire (54%).
Les images, photos et reportages constituent et de loin les principaux « stimuli » du don (cités par 63% des personnes interrogées ayant donné ou envisageant de le faire) devant l’appel au don lancé par les ONG (21%), le fait que l’on se sente proche de ce pays ou de cette population (10%), ou l’appel au don effectué par le pape François – celui-ci ne recueillant que 6% de citations auprès des donateurs. Ce score est néanmoins significativement plus élevé parmi les catholiques pratiquants : 28% chez qui l’appel du pape a raisonné quasiment autant que les reportages et les images (31%). De la même façon, et sans doute en raison de l’identité catholique des Philippines, la proximité avec le pays et cette population est assez fortement ressentie parmi les pratiquants : 25% (contre 7% parmi les sans-religion).
Assez logiquement, le stimulus spectaculaire que représentent les images, les photos et les reportages a joué un rôle d’autant plus déterminant auprès des interviewés les moins ancrés dans la pratique régulière du don. Ainsi, 100% qui ne donnent jamais et 80% de ceux qui déclarent donner rarement citent cet élément comme principale motivation, contre 65% des personnes donnant généralement lors de catastrophes et 55% des donateurs réguliers. A l’inverse, c’est parmi ces derniers que l’appel au don lancé par les ONG a le mieux fonctionné : 27% de citations, contre 14% parmi les donateurs lors des catastrophes et 11% auprès des donateurs occasionnels.
Pour l’infographie et le lien avec le rapport complet, se reporter à l’article original.