Cebu, la capitale « solide » du centre des Philippines, avec quelques immeubles de plus de dix étages, cache bien ses plaies. Les panneaux publicitaires démontés par précaution, sont encore pliés mais, mardi 12 novembre, cinq jours après le passage du typhon Haiyan – que tout le monde ici appelle Yolanda –, tout ou presque semble être rentré dans l’ordre sur cette île… En revanche, à quelques centaines de kilomètres de là, sur celle de Leyte, c’est l’horreur. Le Manilla Bulletin, le journal national, décrit des scènes de fin du monde dans Tacloban, la capitale : cadavres accrochés aux branches d’arbres, corps démembrés et éparpillés parmi les collines de décombres qu’il faudra des mois pour dégager.
L’aide peine toujours à arriver dans les zones dévastées. Les touristes, surtout des plongeurs, continuent d’affluer et d’encombrer le modeste hall de l’aéroport international de Cebu. Mais les plus attendus sont les secouristes et les médecins, ainsi que les cargaisons de vivres. « Nous aidons l’armée philippine à organiser les secours et les rotations d’avion à destination de Tacloban », indique un militaire de la marine américaine.
Les Etats-Unis, qui ont déjà envoyé des dizaines de marines, ont annoncé un renforcement de leur présence. Le Pentagone a ordonné au porte-avions George-Washington, qui était à Hongkong avec ses 5 000 marins et plus de 80 aéronefs, de faire route vers l’archipel.
A Cebu, une équipe du ministère de la santé assure l’accueil des médecins « volontaires ». Une soixantaine est déjà arrivée du Japon, de Belgique, du Luxembourg et de France.
Au centre de coordination du ministère de la santé, le directeur, Jaime S. Bernardas, estime que le principal problème reste les communications. « Nous ne savons presque rien d’autre que ce que nous apprenons des gens qui reviennent de Tacloban », dit-il, expliquant que « les médicaments envoyés passeront derrière la nourriture et l’eau, deux priorités absolues ».
Selon lui, l’hôpital régional de Tacloban est seulement opérationnel à 20 %-30 %, comme les autres structures sanitaires de la ville.
Venue du ministère de la santé à Manille, Paulyn Rossel-Ubial ajoute que la situation à Tacloban est très dangereuse. « Nos propres personnels ont été dévalisés. On leur a volé leur riz. Ils dépendent désormais comme tout le monde des distributions de survie », déclare-t-elle.
DES MORTS DÉPOUILLÉS
Un couvre-feu a été mis en place à Tacloban où les récits des personnes évacuées font état d’une situation désespérée par endroits, avec des cas de braquages, de vols et de dépouillement des morts. Lundi, l’ONU a affirmé que 10 000 personnes avaient été tuées dans la seule ville de Tacloban.
Toutes les stations d’essence auraient été détruites, les deux principaux centres commerciaux pillés. Dimanche, le président philippin, Benigno Aquino, a annoncé que le gouvernement national prenait le contrôle de la situation sur place, en soutien aux autorités locales frappées, elles aussi, par la catastrophe. Le chef de l’Etat a indiqué que sur les 290 policiers de la ville, seuls 20 avaient pris leurs fonctions. Plus de 300 policiers et de 800 militaires auraient été envoyés en renfort pour empêcher les pillages, dégager les routes, restaurer les communications et s’occuper des cadavres.
Des fosses communes ont été creusées dans plusieurs villages. 500 personnes ont été enterrées dimanche à Basey, ville située juste en face de Tacloban, sur l’île de Samar. Selon l’administrateur de Tacloban, Tecson Lim, si quelques centaines de corps ont été ramassés, la majorité était encore sous les débris.
Pour Richard Gordon, président de la Croix-Rouge des Philippines, aucun doute : l’archipel n’a pas les ressources nécessaires pour faire face à un désastre pareil. « Les Etats-Unis ainsi que d’autres gouvernements doivent mettre au point un plan majeur de secours », estime-t-il. « L’état des lieux des besoins est vite fait », a indiqué un responsable de l’Unicef, Nonoy Fajardo ; ils « ont besoin de tout ».
Selon un journaliste du Wall Street Journal, lundi soir, la route entre l’aéroport de Tacloban et la ville était dégagée mais aucun camion apportant secours et vivres ne semblait l’avoir déjà empruntée. Le déploiement des secours risque d’être retardé. Car l’approche d’un nouveau typhon a obligé les autorités à déclencher une nouvelle alerte de niveau 1. Ce qui a empêché le décollage de l’un des avions-cargos de l’aéroport de Cebu.
Florence de Changy (Cebu, Philippines, envoyée spéciale)