Un peu plus d’un an après le 3 octobre 2012, les travailleurs indonésiens ont lancé leur deuxième grève nationale. Selon les syndicats, cette grève de deux jours aura réuni 2 millions d’ouvriers, du textile à l’électronique. Elle a affecté les zones industrielles du pays dans 20 provinces sur 34 (l’Indonésie est habitée par 270 millions de personnes sur un archipel de plus de 13 000 îles). Ils demandent une augmentation de 50 % du salaire minimum.
Celui-ci varie d’une région à l’autre. Le salaire minimum est fixé de manière tripartite par le gouvernement de la province, le patronat et les syndicats. À Jakarta, où la vie est la plus chère d’Indonésie, il est actuellement de 2,2 millions de roupies, soit environ 145 euros. Il a augmenté de 44 % l’an dernier mais les syndicats réclament de le porter à 3,7 millions de roupies en 2014. L’inflation, notamment due à l’augmentation des prix du pétrole, ronge les revenus. Elle a été de plus de 8 % en septembre. À Jakarta, des travailleurs ne peuvent plus payer leurs loyers et doivent aller vivre sous les ponts.
Outre la fin de la politique de bas salaires, les autres revendications sont l’abolition de la politique des contrats temporaires et un système universel de santé.
Solidarité inter-entreprise
La grève est à l’initiative de la Confédération indonésienne des syndicats de travailleurs (KSPI) et prévue pour août. Mais finalement, c’est une coalition de plusieurs confédérations et alliances syndicales locales qui s’est constituée patiemment et qui a programmé une grève nationale les 1er et 2 novembre. L’échéance a été fixée par rapport au planning des négociations sur les salaires.
Le mouvement national a été précédé par différentes actions ouvrières, s’étalant du 28 au 30 octobre, dans toute l’Indonésie. Des militants, des ouvriers ont préparé la grève en sillonnant les zones industrielles. C’est plutôt un succès. À KBN Cakung, à Jakarta, là où plus de 71 usines textiles existent, presque toutes ont arrêté leur production vendredi 1er novembre. Dans le sud de Sulawesi et sur la côte nord de l’île de Java, des routes ont été bloquées et l’accès aux villes de Makassar et Sémarang a été paralysé. Dans l’est de Java, c’est le siège du gouvernement de la province qui a été occupé. À Bekasi, proche de Jakarta, ou à Batam, les travailleurs en grève ont été attaqués violemment et blessés par des membres de l’organisation paramilitaire Pemuda Pancasila. Cette organisation, qui faisait le sale travail du régime sous la dictature de Suharto, est composée de voyous notoires et de petits délinquants et a toujours des liens étroits avec les différentes factions de l’armée et de la police.
Depuis la fin de la dictature en 1998, le mouvement ouvrier indonésien et ses organisations se reconstruisent. La plupart des actions se font hors temps travail. La solidarité inter-entreprise se développe, les ouvriers se déplacent d’usine en usine pour les faire débrayer. L’habitude d’arrêter le travail reprend.
Les associations d’employeurs, les médias, le gouvernement, propagent l’idée que l’environnement économique est incertain et surtout brandissent la menace de la fuite des investisseurs et la délocalisation dans d’autres pays d’Asie en cas d’augmentation des salaires.
Le mouvement de grève nationale a été un signe que la classe ouvrière indonésienne prend confiance en sa propre force.
Christine Schneider