Les cloches sonnent à l’heure de la prière du soir et les Coptes [1] jeûnent avec les musulmans pour le Ramadan alors que les médias étatiques font entendre un chant au sujet de l’héroïque bataille nationaliste et l’unité du peuple égyptien, autant des musulmans que des chrétiens. Mais, seulement un jour plus tard, des partisans du président déposé tentèrent d’entrer dans trois églises dans le village de Degla dans la province de Minya, y lançant des pierres et des cocktails Molotov, et tirant contre l’église Mary Girgis à Port-Saïd. Les familles cherchèrent l’aide de la police et des forces de sécurité, mais ne reçurent aucune réponse.
Vous pourriez être choqué par cette attitude de la police et des forces de sécurité. Après tout, ils ont dispersé le peuple hier afin de le protéger contre le « terrorisme potentiel ». Où sont-ils donc maintenant ?
Où se trouvait, en fait, la police tout au long de l’ère Morsi alors que des crimes étaient commis contre les Coptes d’Egypte dans le but de procéder à leur expulsion forcée ? Pas une seule personne de la police ne considère comme étant son rôle d’arrêter quelque crime que ce soit contre les Coptes, sauf lorsqu’ils avaient lieu contre les funérailles de martyrs particuliers. Où se trouvaient-ils lors du règne du Conseil militaire et à l’époque de Moubarak ?
Et qu’en est-il de nos médias libres et indépendants qui documentent les crimes des Frères musulmans mais qui ne mentionnent pas les crimes confessionnels se déroulant dans le Sinai, tel le meurtre de trois Coptes, dont un prêtre ? Qu’en est-il des menaces actuelles d’extrémistes contre les Coptes ? Ou peut-être que les médias retournent au confessionnalisme, faisant suite à leurs provocations contre les Coptes lorsque des chars leur passaient dessus à Maspero [lors d’une manifestation de Coptes devant les bâtiments de la télévision, à Maspero, 28 personnes furent tuées et 212 blessées par l’armée et les forces de sécurité en octobre 2011, les médias d’État, ont été accusés d’avoir tenu un discours incitant à la haine contre les chrétiens dans leur couverture des violences].
Le confessionnalisme des Frères musulmans et de leurs alliés n’est bien sûr pas nouveau dans la mesure où ils étaient partisans de conflits confessionnels tout au long de la période du Conseil militaire.
Ils maintinrent leur rhétorique inflammatoire tout au long de la présidence de Morsi. Et maintenant, depuis le 30 juin, les Frères musulmans persistent dans ces crimes, attaquant des églises et scandant des slogans confessionnels lors de leurs marches.
Le régime est à la fois créateur et protecteur du confessionnalisme, l’invoquant toujours comme une couverture devant la nudité de sa corruption, de la même façon que le régime de Moubarak le fit avec l’Eglise des Saints afin de couvrir ses manipulations des élections de 2010. Ils le firent pour disperser les rangs des révolutionnaires, de la même manière que le Conseil militaire le fit lors de ses attaques successives contre les églises, à commencer par l’incident d’Atfih [en mars 2011 ; l’église de cette localité fut détruite par les flammes après que, lors d’une bagarre, le père et un parent d’une jeune femme musulmane ayant une relation avec un chrétien furent tués] et se terminant avec le massacre de Maspero. Ils utilisent une rhétorique confessionnelle attisant les haines, présentant tout opposant comme un ennemi de l’islam, de la même manière que le régime Morsi le fit.
Le régime continuera de feindre l’ignorance sur la question des Coptes et l’Etat continuera de se voiler la face devant les crimes confessionnels jusqu’à ce que se produise une catastrophe. A ce moment, nous assisterons à la scène traditionnelle entre un prêtre et un cheikh échangeant des formules plaisantes préconçues, ce qui ne fera rien pour empêcher que ces crimes ne se reproduisent.
L’une des premières priorités de l’Etat est de protéger les Coptes et leurs lieux de prière et non de tolérer leur expulsion. Ou le « mandat » d’hier reçu des manifestations n’inclurait-il pas cette clause ?
Au cours des dernières semaines, nous avons fait l’expérience, avec des preuves incontestables, que l’Etat et ses institutions ne se préoccupaient guère de notre sang, lequel a été répandu sous les yeux de la police et de l’armée alors qu’elles gardaient leurs distances, plus d’une fois, regardant sans ciller.
La question le plus importante est toutefois que cette expérience a fait la démonstration que les masses sont à même – malgré un coût élevé pour elles – d’empêcher les attaques contre les quartiers au moyen de leurs comités populaires, qui doivent improviser en raison de la négligence intentionnelle de l’armée et de la police pour protéger leurs quartiers et domiciles.
Nous devons désormais organiser nos comités populaires afin de nous protéger des attaques continues et mettre sous pression les appareils d’Etat négligents de façon à ce qu’ils prennent leurs responsabilités de protéger le peuple selon les dispositions de la loi – et cela sans qu’il soit nécessaire de recourir au « mandat » de quiconque.
Les chars de l’armée se sont arrêtés hier sur la rue Mohammed Mahmoud, au Caire, devant un graffiti rendant hommage au martyr Mina Daniel [activiste copte, âgé de 20 ans, tué le 9 octobre 2011 lors des manifestations devant Maspero], afin de rappeler à ceux qui ont oublié qui étaient ses meurtriers et pourquoi il est devenu un martyr et à quelles fins ; afin de rappeler son rêve inachevé ainsi que son sang dont personne n’a été tenu responsable.
Mina est mort mais lors de l’occupation de la place Tahrir qui renversa Moubarak, il chanta avec son ami musulman « La révolution est douce et belle lorsque tu es avec moi », reconnaissant que la révolution ne pouvait revendiquer la victoire sans leur unité. Il savait que sa liberté et sa dignité ne pouvaient devenir réalité sans une révolution contre le régime dictatorial de Moubarak.
Allons jusqu’au bout du chemin dans lequel Mina s’est engagé, reconnaissant notre ennemi lorsqu’il change de visage. Souvenons-nous de sa lutte et réalisons son rêve.
Socialistes Révolutionnaires, 28 juillet 2013