Deux journalistes et 5 religieux sommairement abattus par des soldats indonésiens, des milices poursuivant leurs exactions au Timor-Est et continuant à contrôler les camps de réfugiés à Timor-Ouest, des maisons incendiées par centaines, des villes et villages souvent détruits à 80 %, des populations qui n’osent toujours pas quitter leurs refuges montagnards, la disette et l’épidémie qui menacent... Images d’un désastre annoncé et d’une terrible réalité présente : la politique de la terre brûlée mise en uvre par des forces revanchardes.
L’indépendance
Dix jours après l’arrivée des troupes australiennes, le Timor oriental vit encore dans l’insécurité la plus grande. Or, le temps presse. Chaque jour qui passe, les souffrances humaines s’aggravent. Et la saison des pluies approche, qui rendra l’acheminement des secours beaucoup plus difficile. La force d’intervention internationale ne prend que très lentement le contrôle effectif du territoire. Il y a, à cela, des raisons pratiques, mais aussi politiques. L’Onu et les puissances occidentales temporisent, pour ne pas se confronter plus avant avec le pouvoir indonésien. C’est en particulier le cas de la France, où le Premier ministre est resté remarquablement discret sur cette question, où les déclarations présidentielles s’avèrent très en deçà de ce qui s’est dit dans d’autres pays occidentaux, où les diplomates ont tout fait pour limiter les sanctions européennes prises à l’encontre de Djakarta (comme l’interruption temporaire des livraisons militaires).
Le 28 septembre dernier, aux Nations unies, le leader indépendantiste Xanana Gusmao a clairement posé le problème de fond. Selon les accords du 5 mai dernier, l’indépendance du Timor-Est ne saurait être acquise avant un vote de l’Assemblée consultative du peuple, à Djakarta, prévu en novembre prochain. Mais comment respecter un tel calendrier après les massacres de septembre ? Gusmao a appelé l’Indonésie à transférer immédiatement l’autorité sur le territoire aux Nations unies ; et l’Onu à combler le vide politique au Timor oriental sans plus attendre le bon vouloir d’une institution indonésienne. Le sort du Timor-Est ne doit plus dépendre des accords du 5 mai et son indépendance doit être pleinement reconnue dès maintenant.
En Indonésie
En Indonésie même, la crise de régime rebondit, tant sur le plan économique que politique. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont récemment durci leur position vis-à-vis de Djakarta. Non pas tant à cause des massacres au Timor, mais parce que la présidence Habibie est directement frappée par un scandale financier de très grande ampleur, celui de la Banque Bali qui devait jouer un rôle pivot dans la restructuration du système bancaire national mais où les malversations et détournements se sont multipliés.
L’intervention des militaires dans la vie politique indonésienne reste aussi au centre de la crise institutionnelle. A la mi-septembre, des manifestations avaient été organisées pour protester contre les violences policières et militaires à l’appel, notamment, de l’Alliance des journalistes indépendants, du Parti démocratique du peuple (PRD), de l’Association des étudiants islamiques (HM) et de diverses organisations non-gouvernementales.
Or, le 23 septembre, l’état-major a fait adopter, par un Parlement croupion et par acclamation, une loi sur la sécurité nationale permettant à l’armée de se voir plus facilement accorder les pleins pouvoirs dans une province ou dans l’ensemble du pays. A la suite d’une nouvelle vague de manifestations de masse dans de nombreuses villes du pays, et de violents affrontements dans le centre de la capitale, le président Habibie s’est vu obligé de surseoir à la promulgation de cette loi, reculant ainsi temporairement face à la mobilisation des forces démocratiques.
Appel à la solidarité
Ces dernières manifestations ont réuni des dizaines de milliers de personnes. Elles ont été à plusieurs reprises violemment réprimées par l’armée et la police. Il semble même que des « snipers » aient assassiné des manifestants en leur tirant dessus à froid, en un acte de terreur délibéré. On compte au moins
7 morts à Djakarta, dont un enfant de 9 ans. Plus de cent étudiants ont été blessés, souvent gravement, et sont soignés dans les hôpitaux.
Vu l’évolution de la situation en Indonésie, le PRD a lancé, le 24 septembre, un appel à la solidarité : « nous appelons la communauté internationale et vos partis ou organisations respectifs à soutenir la lutte contre le militarisme en Indonésie en envoyant des pétitions et des déclarations condamnant les brutalités militaires aux ambassades ou consulats », en organisant des manifestations devant les représentations indonésiennes et en s’adressant aussi aux parlements nationaux pour qu’ils interviennent.
Plus que jamais, la solidarité internationale doit se mobiliser conjointement en défense du peuple est-timorais et des forces démocratiques, populaires, indonésiennes.
Note
1. L’Association Agir pour Timor a ouvert un compte spécial pour
la campagne d’aide à la population timoraise. Envoyer vos dons à : SOS Timor,
Crédit mutuel Ile-de-France, Libre réponse n°75987, 75443 Paris Cedex 09.