En cette troisième année de la révolution populaire syrienne qui a fait d’énormes sacrifices, il s’avère clairement qu’elle reflète une lutte de classe acharnée et aiguë. Une lutte qui mobilise les classes populaires, à leur tête les travailleurs, les masses laborieuses et les pauvres des milieux urbains et ruraux, pour affronter un pouvoir bourgeois tyrannique coalisé autour d’une junte corrompue qui sert les intérêts d’une classe bourgeoise dont la force et l’avidité ont atteint durant la dernière décennie des proportions ahurissantes. Ceci avec la mise en œuvre de politiques libérales antisociales qui ont conduit à l’appauvrissement de plus d’un tiers de la population du pays accompagnées par un déni absolu des libertés publiques, notamment la liberté d’opinion, d’expression, d’organisation partisane et syndicale, le droit de manifester…
La classe ouvrière syrienne, estimée à six millions de travailleurs/euses, a subi toutes les formes de répression et de domestication durant les quatre dernières décennies. Elle a été dépouillée de son droit de former des syndicats autonomes et d’exprimer ses revendications et ses droits, et ce, en subordonnant l’Union générale des travailleurs aux cercles du pouvoir et en encadrant l’exercice syndicale sous le slogan de « syndicalisme politique » à travers un réseau de dispositifs de contrôle et de répression comprenant divers services de sécurité répressifs et la bureaucratie syndicale dont la plupart des membres sont inféodés au pouvoir et aux organisations du parti Baas, mais aussi aux directions des partis communistes opportunistes qui font allégeance au régime bourgeois dictatorial et dont le rôle se résume à étouffer tout mouvement de lutte de la classe ouvrière.
Cependant la classe ouvrière syrienne n’a pas abdiqué à la répression et aux tentatives de domestications. Il a été enregistré, notamment durant les cinq années précédant le déclenchement de la révolution populaire, une reprise remarquable de la lutte des travailleurs dans tous les secteurs en signe de protestation contre les politiques néolibérales du pouvoir, où le mécontentement et la contestation ont atteint jusqu’aux rangées moyennes et inférieures de la bureaucratie syndicale.
En dépit de la répression et la violence brutale du régime à l’encontre des masses révoltées, l’expulsion de dizaines de milliers de travailleurs et la destruction ou la fermeture de plus d’un millier d’usines et d’installations, le renoncement à la construction de plus de trois milles installations industrielles, la classe ouvrière a initié de nombreuses manifestations au cours des deux dernières années. Parmi ces mouvements de protestation, on peut citer les deux grèves dans le port de Tartous au début de 2011, la manifestation des travailleurs société mélasse de filature et tissage au début du mois de février de la même année et les sit-in des travailleurs des services techniques à Alep devant le siège du Premier ministre le 29 juin 2011, la protestation des travailleurs intérimaires dans les départements et directions de la province de Damas dans la même période, la grève des travailleurs de l’hôpital national d’al-Malikiyya et la protestation des travailleurs des fileries d’Alep ou ceux de la cimenterie d’Adra. En l’année 2012, une autre série de manifestations de travailleurs ont été organisées, entre autres la grève des camionneurs transporteurs de gaz dans le site pétrolier et gazier d’al-Ramilan dans la ville d’al-Hasakah au début janvier 2012, la protestation des travailleurs des égreneuses de coton à Idlib, la grève des chauffeurs des minibus à Damas et la société, la protestation des travailleurs de la société de filage à Jableh, celle des ouvriers de nettoyage à Kameshli, la grève des employés du Croissant-Rouge palestinien qui a commencé au début du mois d’vril 2012 et a duré un mois, le sit-in des travailleurs des imprimeries à Dar Al-Baath, le 27 juillet 2012, pour protester contre les travailleurs Plast Ryan dans l’endosperme en Juillet 2012, le mouvement de protestation des travailleurs d’al-Rayyan Plast dans la ville d’al-Suwayda, celui des travailleurs de la société Rima, le sit-in dans le bâtiment de l’Union des travailleurs dans la province de Damas et la protestation des travailleurs d’Ebla Hotel.
Etant donné que les travailleurs et les ouvriers constituent la classe sociale qui dynamise la révolution, les lieux de leur existence et résidence sont devenus les bastions de la révolution et des protestations, mais aussi la première victime de la brutalité du régime. Rien d’étonnant que la grande majorité des milliers des martyrs viennent de ces couches défavorisées et que les régions et banlieues qui fussent détruites et écrasées sont essentiellement des zones ouvrières et des fiefs des pauvres et des masses laborieuses. Par ailleurs une importante partie des travailleurs se sont retrouvés sans travail suite à la mise à l’arrêt de centaines d’usines ou licenciés. Alors qu’une autre partie constitue la force de frappe principale dans le processus révolutionnaire et la résistance populaire armée, en particulier dans les zones industrielles et ouvrières comme Damas, Alep et Homs.
Le pouvoir de la clique dirigeante a essayé par tous les moyens d’empêcher la classe ouvrière de contester en usant sa qualité et nature sociales. Par la destruction des zones industrielles, la fermeture de nombreuses usines et le licenciement de dizaines de milliers de travailleurs, le régime tendait à démanteler la capacité de la classe ouvrière à mener l’action révolutionnaire en tant que classe et aussi démanteler sa capacité réelle de paralyser et renverser le régime bourgeois sur la base d’une alternative sociale qui lui est diamétralement opposée.
Nous appelons les travailleurs et les ouvriers à mettre la main sur les usines et les installations industrielles et agricoles qui ont été fermées par l’Etat ou les capitalistes, et de les gérer eux-mêmes à travers des conseils ouvriers autonomes. Une telle initiative sera un saut qualitatif dans le contexte de radicalisation de la révolution socialement où la constitution de ces conseils s’accompagnera de mécanismes d’autodéfense, ce qui permettrait à la révolution de faire un pas essentiel sur le chemin de ses perspectives sociales.
Il n’y a pas de révolution démocratique radicale, ou plutôt pas de révolution sociale, sans un rôle déterminant et autonome des travailleurs et des masses laborieuses. Œuvrons à constituer des conseils de travailleurs et d’ouvriers dans chaque usine et chaque installation, avec des fractions de résistance ouvrière armées partout.
Pour un pouvoir des travailleurs et des masses laborieuses .... Tout le pouvoir et toutes les richesses au peuple !
Courant de la gauche révolutionnaire en Syrie
Damas, le 1er Mai 2013