L’image du Rom nomade tient plus du mythe que de la réalité. Les premiers Roms sont arrivés en France autour du xive siècle. C’est donc une vieille immigration. Il y a actuellement en France environ 500 000 Roms, dont la quasi-totalité est de nationalité française.
Il n’y a en fait pas plus de 15 000 Roms de nationalité étrangère en France, essentiellement roumains et bulgares. Ces Roms sont des migrants économiques, qui fuient la dégradation de leurs conditions de vie dans leur propre pays.
Combattre la stigmatisation et la discrimination
Les Roms sont donc des citoyens européens depuis 2007, mais de seconde zone. Ils sont en effet victimes en France comme dans une dizaine de pays européens d’un statut transitoire réservé aux Roumains et aux Bulgares depuis l’entrée de ces deux pays dans l’Union européenne et ce jusqu’à fin 2013. Leur accès au travail est entravé (liste de métiers réduite, autorisation de travail à demander avec quasiment un an de traitement des dossiers), ce qui en pratique rend quasiment impossible leur accès à un emploi. Ils ont le droit de circuler librement mais, au-delà de trois mois de séjour en France, ils doivent justifier de ressources suffisantes et d’une assurance maladie. N’ayant pas accès au travail, ils ne peuvent pas justifier de ressources, et de ce fait deviennent expulsables.
Privés de travail et n’ayant pas droit aux prestations sociales, ils ne peuvent pas non plus accéder au logement. Ils ne peuvent survivre que dans des camps illégaux, environ 400 bidonvilles en France, qui sont régulièrement détruits par la police, à la demande des propriétaires, privés ou publics. À ces destructions s’ajoutent les expulsions du territoire français qui représentent le tiers des reconduites d’étrangers à la frontière.
Interdits de travail, forcés de survivre dans des bidonvilles, contraints au travail au noir, à la récupération ou à la mendicité, maintenus dans la misère et l’insécurité, ils sont victimes d’une discrimination qui les prive des droits les plus élémentaires : accès aux soins, droit au travail, au logement, à la scolarisation des enfants.
C’est cette politique qui en fait des parias qui est inacceptable, pas leur présence en France. C’est elle que nous devons combattre en défendant l’intégration des populations roms, avant tout par le droit au travail et leur accès aux droits qui sont ceux de tous les travailleurs européens.
La continuité d’une politique d’exclusion
Manuel Valls a annoncé jeudi 14 mars la poursuite du démantèlement des camps illégaux de Roms, en ajoutant que l’intégration ne peut concerner qu’une minorité car « les occupants de campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution » et
de conclure « Les Roms ont vocation à rester en Roumanie, à y retourner ».
Ces propos ne sont pas sans rappeler ceux de Sarkozy à l’été 2010 annonçant le démantèlement de la moitié des camps en trois mois ou ceux de Claude Guéant en 2011 sur la « délinquance roumaine »… Pour le collectif la Voix des Roms, avec ce « concentré de mensonges », Valls « annonce un durcissement de la politique à laquelle nous assistons depuis 2003, lorsque Sarkozy devint ministre de l’Intérieur (...) Objectivement, Valls fait du Sarkozy et malheureusement ce n’est pas une surprise ».
En matière de chasse aux Roms, en fait de « changement », il s’agit surtout de continuité avec la droite. Près de 12 000 Roms ont été évacués de squats en 2012, dont les deux tiers après la mise en place du nouveau gouvernement Hollande-Valls. Sur les 63 évacuations réalisées entre juillet et fin décembre, seules 15 ont été accompagnées d’un relogement partiel. Le candidat Hollande avait pourtant dit « on ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution ». Ce que Hollande dénonçait pendant la campagne, il le fait réaliser maintenant par Valls.
Expulsions : une politique du chiffre mais sans politique d’intégration
En 2006, Sarkozy a mis en place l’ARH (aide au retour humanitaire) consistant à donner 300 euros par adulte et 100 euros par enfant pour les candidats au départ volontaire (réduit depuis mars 2013 à 50 euros par adulte et 30 euros par enfant). Ces « départs volontaires » de Roms ont surtout servi sa politique du chiffre. En 2003 il y a eu 2 000 expulsions de Roms ; depuis 2007, il y en a 8 000 à 9 000 par an, ce qui représente environ 30 % des objectifs chiffrés d’expulsions d’étrangers. Le record a été atteint en 2009 avec 10 000 expulsions, ce qui a entraîné une protestation du Parlement européen réclamant la suspension de ces retours forcés, contraires au droit européen.
Ces expulsions sont coûteuses, inutiles et absurdes puisque, européens, les Roms peuvent revenir légalement en France une fois les aides au retour perçues. Le coût direct et indirect de cette politique avoisinerait les 100 millions d’euros par an, qui auraient pu être utilisés à des actions d’insertion… Le collectif Romeurope souligne d’ailleurs que seuls dix projets d’insertion ont été validés en 2011, pour un montant de 36 000 euros. Il existe des fonds européens pour l’intégration des Roms qui n’ont été que très peu utilisés en France.
Le changement dans la continuité
Le 22 août dernier, Jean-Marc Ayrault a promis une nouvelle politique d’intégration vis-à-vis des Roms. Côté logement, rien de concret, juste un répertoire des hébergements d’urgence. La seule véritable mesure est la fin de la taxe que devait payer un patron embauchant un Rom. La liste restreinte de métiers accessibles a été un peu élargie, mais l’essentiel des mesures contraignantes restent en place jusqu’à fin 2013. Sans travail, sans revenu, les Roms restent donc condamnés à la précarité…
Cette politique flatte les préjugés racistes en faisant des Roms, des étrangers en général, des boucs émissaires de la crise. Une manœuvre de diversion contre la fraction la plus pauvre, la plus précarisée, alors que les mesures d’austérité vont s’aggraver pour toute la population. Hier, tous les partis de gauche s’indignaient du discours de Sarkozy contre les Roms. Aujourd’hui, les notables socialistes applaudissent Valls.
Vrai ou faux ? Halte aux idées reçues !
Rom signifie « homme » alors qu’ils sont souvent considérés comme des « sous-hommes »…
1 Les Roms sont des nomades qui ne peuvent vivre comme tout le monde : FAUX
– Seulement 2 % des Roms vivant en Europe seraient du voyage. Ce sont les persécutions d’hier (exterminés durant la Deuxième Guerre mondiale) et d’aujourd’hui (expulsions et reconduites à la frontière) qui les obligent à se déplacer.
– Les mêmes groupes familiaux se déplacent de bidonville en bidonville sur le même territoire : par exemple, une grande partie des Roms présents à la Porte de Paris (93) viennent d’autres villes du département où parfois leurs enfants ont été scolarisés.
– Vivre en bidonville ne relève pas d’une caractéristique culturelle. Rappelons-nous des bidonvilles de Saint-Denis, de Nanterre ou de Champigny-sur-Marne dans lesquels vivaient des Algériens, des Portugais ou d’autres populations immigrées dans les années 60.
– Les Roms eux aussi aspirent à vivre dans un logement décent. Le droit au logement doit s’appliquer à tous, français ou immigrés, quelle que soit la nationalité.
2 Les Roms sont des voleurs qui ne veulent pas travailler : FAUX
– En tant que Roumains ou Bulgares, les Roms sont victimes de lois discriminatoires au sein de l’Union européenne. L’accès à l’emploi leur est difficile sans carte de séjour ! Pourtant les Roms, comme les sans-papiers, travaillent. Ils sont nombreux à travailler dans le bâtiment, le ménage ou autre…
– Ils ont en outre la particularité (comme d’autres populations pauvres) de récupérer des déchets, en particulier les métaux, qu’ils peuvent ensuite revendre. C’est ce qu’on appelle familièrement les chiffonniers, les ferrailleurs, les biffins… Certains Roms sont contraints par la pauvreté et les difficultés administratives à jouer de la musique dans le métro ou à mendier.
– Mendier pour survivre n’est pas un choix, mais une contrainte économique qui touche à la fois les Roms, mais aussi tous ceux qui sont frappés par la crise et le chômage. Par ailleurs, affirmer que les Roms sont des voleurs, alors qu’il ne s’agit que de certains individus, est tout simplement raciste.
3 Les Roms ne veulent pas s’intégrer : FAUX
– Les premières demandes des Roms sont la mise à disposition de poubelles, l’accès à l’eau et la scolarisation des enfants. Ce sont les axes de lutte des Roms et de leurs comités de soutien.
Les collectivités territoriales ne donnent souvent pas accès à ces services de base. Il en résulte des amoncellements d’ordures et une prolifération de rats qui sont sources de maladies.
– Ce sont des discriminations inacceptables en France à notre époque. D’ailleurs, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) du Conseil de l’Europe a condamné la France pour la quatrième fois le 21 janvier 2013 pour « violations manifestes de droits et d’accès aux droits des populations Roms ».
À Bordeaux, une illustration de la précarité des Roms
Il y aurait environ 600 Roms sur la Communauté urbaine de Bordeaux dans une dizaine de squats. Ils sont majoritairement originaires de la même ville bulgare de Pazardjik. Ils ont fuit la misère et les discriminations en espérant travailler, scolariser leurs enfants et avoir accès à des soins médicaux hors de prix pour eux en Bulgarie…
Les premiers sont arrivés au début des années 2000 quand, pour finir dans les délais le chantier du nouveau tramway, la mairie a fermé les yeux sur ces travailleurs sans papiers surexploités par les sous-traitants… D’autres sont arrivés avec l’intégration de la Bulgarie à l’Europe qui a fait naître en eux l’espoir d’une vie meilleure ailleurs… espoir vite déçu à cause de ce régime transitoire qui rend le marché du travail inaccessible aux Roms bulgares. Depuis, les squats se sont multipliés, bougeant au gré des expulsions et des reconstructions…
Exclusion, expulsion
L’ARH n’y a rien changé malgré son succès statistique. Sur la CUB, il y a eu en 2012 une moyenne d’un charter tous les trois mois, avec 332 Bulgares sur les 8 premiers mois, et pourtant le nombre de Roms est resté stable. Certains Roms sont venus pour profiter de l’effet d’aubaine de l’ARH mais les autres sont condamnés à faire des aller- retour entre Bordeaux et la Bulgarie depuis plusieurs années… parce qu’ils veulent vivre en France comme le leur reconnaît le droit européen, mais ce que l’État français leur dénie.
À côté de cette politique d’exclusion, la mairie de Bordeaux a mis en place deux médiateurs et une structure, la Mous, chargée d’étudier au cas par cas les familles « méritantes » qui se voient proposer une aide à l’intégration. Mais outre que ce traitement au cas par cas ouvre la porte à toutes les formes d’arbitraire administratif, il ne concerne qu’une dizaine de familles sur les 600 Roms bordelais. Pour les autres, c’est l’éternelle menace d’expulsion, avec tout le travail des associations et la scolarisation des enfants remis en cause.
En solidarité avec les Roms, une mobilisation autour de RESF a eu lieu récemment (voir Tout est à nous ! N°185). Car loger 500 à 600 Roms sur une agglomération de 800 000 habitants ne devrait pas poser un problème insurmontable. Pas plus que 15 000 à l’échelle d’un pays de 70 millions d’habitants.
Dans l’Essonne, une sinistre exemplarité
Trois campements de Roms en moins d’un mois évacués et détruits par les bulldozers, des dizaines de familles encore une fois dispersées et condamnées à l’errance, Manuel Valls, ancien maire d’Évry, veut faire de « son » département une vitrine pour sa promotion de ministre de l’Intérieur. Inflexible mais seulement avec les plus vulnérables et sans défense.
Vigneux le 11 mars, Moulin-Galant le 28 mars, Ris-Orangis le 3 avril : à chaque fois, c’est le même scénario. Arrêtés d’expulsion prononcés par les maires souvent PS des communes sur lesquels sont situés les campements, au nom de « la sécurité et de la santé » de leurs habitantEs , promesses faites aux militantEs des associations de solidarité avec les Roms de relogement suffisamment proche pour ne pas interrompre la scolarité des enfants, et intervention de dizaines de CRS pour expulser les familles qui n’avaient pas voulu quitter le campement !
Sans solution de relogement
En fait de « solutions », ce sont des petits bouts de papier données aux familles, portant l’adresse d’un hôtel à plusieurs kilomètres de là quand ce n’est pas à l’autre bout de la région parisienne, Aubervilliers par exemple. Cet hébergement est limité à trois nuits et il est parfois lui-même insalubre. Pour les enfants qui avaient pu être scolarisés après un combat difficile, tout est à recommencer. Pour les familles, pas d’autre solution que de trouver un autre campement où reconstruire un bidonville, de quoi s’abriter contre le froid, faire la cuisine, etc.
Particulièrement révoltante, la destruction du campement de Ris-Orangis que les associations de solidarité avaient rendu plus vivable en amenant des copeaux de bois permettant de limiter la boue et en construisant une grande salle en bois couverte ainsi que des toilettes sèches. Tout a disparu, écrasé par les bulldozers.
La mobilisation contre ces expulsions a du mal à faire face au nombre et à la rapidité d’exécution des évacuations. Elle permet au moins d’affirmer les droits des Roms contre le cynisme des autorités, leurs mensonges et le racisme qu’ils autorisent.
Dans le 93, une mobilisation unitaire
Voici des extraits de la plateforme revendicative départementale de soutien aux Roms. Elle est entre autres signée par AL, EÉLV, la Fase, la GA, la LDH, le MRAP, le NPA, le PG, Romeurope, l’union syndicale Solidaires et La Voix des Roms.
Nous exigeons de l’État :
– l’arrêt immédiat du harcèlement policier et des destructions des bidonvilles sans solution pour leurs habitants ; la mise en œuvre de la circulaire du 26 août 2012 imposant aux préfectures la recherche de solutions alternatives permettant leur résorption.
– la fin des expulsions du territoire français ;
– la fin du régime transitoire qui empêche les ressortissants de Roumanie et de Bulgarie, pourtant citoyens européens, d’accéder à l’emploi ;
– l’arrêt des discriminations et l’accès aux droits fondamentaux (séjour, emploi, logement, santé, éducation), notamment en favorisant l’utilisation de tous les fonds disponibles au niveau européen ;
– la réquisition par l’État de logements vides, qui représenteraient une solution temporaire digne pour les mal-logés dont les familles roms, et un plan ambitieux de construction de logements, pour pallier leur manque flagrant notamment en Île-de-France, et qui concerne l’ensemble de la population.
Nous exigeons des collectivités territoriales (communes, département, région) :
– un engagement public au côté des Roms menacés d’expulsion et une intervention directe auprès des propriétaires, souvent publics, tels que Réseau ferré de France ou la Ville de Paris ;
– une concertation au niveau régional et une implication dans la construction de solidarités locales indispensables pour mieux répartir les efforts et pour que, tous ensemble, nous obtenions des engagements et financements de l’État ainsi que de l’Union européenne ;
– lorsque d’autres moyens ne sont pas possibles, des services minima assurés aux familles, par la mise à disposition de terrains viabilisés (accès à l’eau potable, à l’électricité, à des toilettes propres, au ramassage des déchets…) afin de permettre des conditions de vie dignes ;
– la mise en place de la scolarisation des enfants, l’accès aux soins, dans des structures de droit commun (PMI, dispensaires…), la domiciliation des personnes ;
– la recherche de solutions locales en collaboration avec les familles concernées, dans le respect de leurs droits et libertés ;
– la participation des Roms à tous les aspects de la vie des communes, afin de favoriser un exercice normal de leur citoyenneté et ainsi faire reculer les préjugés racistes.
Dossier réalisé par le NPA de Gironde, Seine-Saint-Denis et Essonne