Actuellement, seuls deux des 50 réacteurs du pays sont en exploitation : les n°3 et 4 de la centrale d’Ohi, située dans la préfecture de Fukui sur la côte centre-ouest du Japon, qui ont été remis en fonctionnement en juillet 2012. Les autres sont arrêtés sine die en attendant que soit confirmée leur sûreté sur la base de normes plus sévères en cours d’élaboration par une nouvelle instance de régulation nucléaire.
De nouvelles normes de sûreté en cours d’élaboration
En janvier, l’autorité japonaise de régulation nucléaire (NRA) a présenté un projet de durcissement des normes de sûreté des centrales atomiques. Parmi les mesures : des équipements permettant de garantir le maintien des moyens de refroidissement des réacteurs et des piscines en cas de très grave accident et la présence d’un centre de secours situé à distance des réacteurs pour conserver le contrôle des installations y compris si ces dernières sont en partie détruites ou inaccessibles.
Les 26 réacteurs à eau bouillante du pays – la même technologie que ceux de Fukushima – devront en outre être équipés de systèmes de ventilation dotés de filtres, afin d’une part d’empêcher l’accumulation d’une pression excessive dans l’enceinte de confinement, et donc limiter le risque d’explosion, et d’autre part d’éviter d’importants rejets de particules radioactives dans l’environnement. Ces propositions doivent être soumises aux commentaires publics avant d’être éventuellement amendées, pour une mise en application prévue en juillet.
En parallèle, le régulateur a aussi élaboré de nouveaux plans de prévention et de secours avec les régions hébergeant des installations nucléaires, explique le Japan Times. Les zones d’évacuation autour des centrales ont ainsi été élargies de 10 à 30 km, impliquant de fait 21 préfectures et non plus 15 dans la gestion de crise. Les habitants vivant dans un rayon de 5 km autour des centrales se verront remettre des pastilles d’iode, afin de prévenir des cancers de la tyroïde. Les populations devront par ailleurs évacuer les zones en cas de débit de dose dépassant les 500 microsieverts par heure – un seuil plus strict que celui de l’Agence internationale de l’énergie atomique qui recommande 1 000 microsieverts.
Dernière étape : des évaluations de sûreté doivent être effectuées dans chaque réacteur par l’autorité sur la base de ces nouveaux critères et ce, dans un délai de trois ans. Outre le passage en revue des résultats des « tests de résistance », l’autorité est notamment en train de procéder, avec des experts-géologues extérieurs, à des examens du sous-sol de cinq sites nucléaires soupçonnés d’être bâtis au-dessus ou à proximité de failles géologiques actives.
La relance des réacteurs en question
C’est la question qui brûle toutes les lèvres : à l’issue de ces contrôles renforcés, certains des réacteurs pourront-ils redémarrer avant la fin de l’année ? Rien n’est moins sûr, selon le ministre de l’industrie Toshimitsu Motegi, qui qualifie la relance des sites atomiques d’« imprévisible ». « Même si certains réacteurs remplissent les conditions de sûreté, il y aura des procédures additionnelles ultérieures, dont celles d’obtenir l’approbation de la population locale », indique un fonctionnaire de l’Autorité de régulation nucléaire, cité par l’AFP.
L’agence de presse Kyodo avait quant à elle indiqué, sur la base d’une enquête auprès des compagnies, qu’aucun réacteur ne devrait être relancé cette année à cause des délais et contraintes réglementaires. « Les travaux de mise aux normes pourraient prendre plusieurs années. Surtout, la rédéfinition des failles sismiques actives, qui prend en compte les mouvements au cours des 400 000 dernières années et non plus 130 000, pourrait empêcher défintivement le redémarrage des 17 réacteurs concernés », ajoute Sophia Majnoni, chargée des questions nucléaires à Greenpeace France.
La récente découverte, par le régulateur, de défauts dans les systèmes anti-incendie d’une bonne dizaine de réacteurs pourrait aussi repousser leur redémarrage de plusieurs années, avait affirmé début janvier le journal nippon Mainichi.
Quant aux deux réacteurs d’Ohi en activité, ils devraient être arrêtés pour maintenance en septembre, ce qui risque d’entraîner une nouvelle période « nucléaire zéro » comme le Japon en a déjà connu une en mai et juin 2012.
La construction de nouvelles centrales envisagée
En octobre, Electric Power Development a indiqué avoir repris les travaux – suspendus à la suite de l’accident de Fukushima – sur le site d’Oma, au nord de l’archipel, après avoir reçu le feu vert du gouvernement. Le réacteur devra toutefois répondre aux nouvelles exigences de sécurité des autorités avant d’être autorisé à fonctionner.
Ce réacteur ne sera peut-être pas le seul. Fin décembre, la presse japonaise indiquait ainsi que le premier ministre japonais, Shinzo Abe, envisagerait, malgré l’opposition d’une grande partie de la population, la construction de nouvelles centrales pour remplacer les plus anciennes, avec des technologies de pointe garantissant a priori une meilleure sécurité.
Le gouvernement de droite arrivé au pouvoir fin décembre 2012 grâce à la victoire écrasante du parti libéral-démocrate (PLD) affiche une position pro-nucléaire, essentiellement pour des raisons industrielles et économiques. Il a annoncé son intention de revoir le projet d’abandon de l’énergie atomique d’ici à 2040 imaginé par le précédent gouvernement. Si la part de nucléaire souhaitée à cet horizon n’est pas connue, elle sera toutefois inférieure aux 50 % visés avant l’accident.
Une réduction drastique de la consommation d’énergie
Comment le Japon fait-il actuellement pour se passer de réacteurs qui fournissaient plus du quart de l’électricité avant l’accident de Fukushima ? Le public et les entreprises ont d’abord été forcés de réduire drastiquement leur consommation en attendant la remise en service ou l’augmentation de puissance de centrales thermiques au gaz naturel ou autre carburant.
Mais surtout, le Japon se retrouve tributaire des importations de ces hydrocarbures qui lui coûtent une fortune et ont fait basculer dans le rouge le solde de ses échanges commerciaux. Conséquence : les compagnies d’électricité ont fortement augmenté leurs tarifs. Pour réduire cette dépendance à l’énergie nucléaire ainsi qu’aux ressources fossiles, plus d’une centaine de projets de parcs solaires a été présentée, pour une puissance totale équivalent à celle d’un réacteur de puissance moyenne.
Audrey Garric
Une autorité de sûreté nucléaire plus indépendante
La nouvelle autorité japonaise de régulation nucléaire (NRA), mise en place en septembre, est constituée d’un comité de 5 membres et d’effectifs administratifs et techniques de 500 personnes. Elle s’avère, à la différence de la précédente, statutairement indépendante du gouvernement et, en particulier, du ministère de l’industrie. Sa transparence se matérialise notamment par la diffusion sur Internet de ses réunions et de ses conférences de presse. Mais lors de sa création, des critiques avaient fusé dans la presse sur les choix de ces cinq membres compte tenu de leur passé professionnel dans le secteur de l’énergie nucléaire.