Un mois après les élections du 7 juin, en Indonésie, le décompte officiel des votes n’est toujours pas achevé. La taille, certes considérable, de cet archipel du Sud-Est asiatique n’explique pas tout. La lenteur du dépouillement favorise les grandes manuvres politiciennes.
Manoeuvres
On sait que les forces d’opposition modérée l’emportent et que la figure de Megawati la fille du « père de l’Indépendance », Sukarno s’impose dans l’arène électorale ; mais il n’y aura pas de majorité parlementaire sans coalition entre plusieurs partis. Le Golkar, encore au pouvoir malgré la chute du dictateur Suharto l’année dernière, subit une défaite plus lourde que prévue ; mais il garde d’importants moyens de marchandage. La présence de l’armée dans les institutions a été réduite, mais pas éradiquée ; elle participe toujours, officiellement, au jeu politique. Dans ces conditions, et avec en perspective l’élection présidentielle, au niveau institutionnel, la transition démocratique s’enlise.
Pour autant, la situation n’est pas figée et des exigences radicales continuent à s’exprimer, venues du mouvement populaire. Dont celle d’une mise en jugement, devant une cour indépendante, du dictateur Suharto, véritable Pinochet indonésien. L’exigence, très forte dans le pays même, commence à être relayée sur le plan international avec la signature d’une pétition et à cette occasion, c’est tout un pan occulté de l’histoire nationale qui commence à émerger.
Comme le note la pétition exigeant le jugement du dictateur : « Durant les 32 ans de la présidence de Suharto, le peuple d’Indonésie a gravement souffert. Suharto est responsable de crimes contre l’humanité et de crimes politiques et économiques. Près d’un million de personnes ont été tuées durant les événements qui ont amené son accession au pouvoir en 1967. Depuis lors, près de 200000 personnes ont été massacrées à Timor oriental et des dizaines de milliers dans l’Aceh, le Lampung, l’Irian Jaya. Suharto a causé la détention arbitraire durant des années de centaines de milliers de personnes [...]. Durant trois décennies, des millions d’ex-prisonniers politiques ont été obligés de porter des cartes d’identités spéciales mentionnant leur statut, les empêchant par là de mener une vie normale... »
Mémoire
Le clan Suharto est connu pour sa corruption et son népotisme. Mais il y a plus. Son règne est fondé sur l’un des plus grands massacres du siècle, perpétré avec le consentement des puissances occidentales. Aujourd’hui, les archives commencent enfin à parler, comme le relève, dans son édition du 10 juillet, le Sydney Morning Herald : « Les documents secrets du Département d’Etat américain et de la CIA permettent de prouver que le massacre des communistes indonésiens en 1965 n’a pas été le résultat d’un soulèvement spontané mais le produit d’une campagne délibérée du général Suharto. Marian Wilkinson révèle que les archives démontrent que les Etats-Unis et l’Australie savaient ce qui se passait mais ont continué à appuyer l’armée dans sa sanglante conquête du pouvoir. »
Un fil historique, brisé par une répression sans merci, commence ainsi à être renoué entre les combats d’hier et ceux d’aujourd’hui.
En solidarité avec le PRD
Le Parti démocratique du peuple (PRD) d’Indonésie a remercié la LCR pour le soutien qu’elle lui a manifesté à la suite des très graves violences exercées à l’encontre de ses militants par la police et des milices (Rouge, 8 juillet). Saluant l’élection de nos députés au Parlement de Strasbourg, le PRD espère que cela aidera à mieux faire connaître, à l’échelle européenne, le combat du peuple indonésien.
Si la syndicaliste Dita Sari a été récemment libérée, sept cadres du PRD restent détenus après avoir été condamnés sous la dictature Suharto. Le pouvoir exige, pour les relâcher, qu’ils s’engagent à ne plus faire de politique. Il importe de poursuivre l’action pour leur libération sans condition aucune. Il s’agit de :- Budiman Sudjatmiko, 27 ans, président du PRD, condamné à 13 ans de prison.
– Garda Sembiring, 27 ans, président de l’organisation étudiante SMID pour le Grand Djakarta, condamné à 12 ans.
– Ign. Damianus Pranowo, 26 ans, secrétaire général du Centre indonésien pour les luttes ouvrières (PPBI), condamné à 9 ans.
– Jacobus Eko Kurniawan, 25 ans, responsable du département organisation du PRD, condamné à 8 ans.
– Suroso, 23 ans, secrétaire de l’organisation étudiante SMID pour le Grand Djakarta, condamné à 7 ans.
– Petrus Hari Haryanto, 26 ans, secrétaire général du PRD, condamné à 6 ans.
– I gusti Agung Anom Astika, 30 ans, responsable à l’éducation et la propagande du PRD, condamné à 4 ans.
– Pour manifester votre solidarité, vous pouvez contacter le bureau européen du PRD.