Le gouvernement a adopté en conseil des ministres ce 19 décembre un projet de loi bancaire supposé « remédier à certaines carences du dispositif de régulation du secteur financier », identifiées lors de la crise financière qui a débuté en 2007-2008. Contrairement à l’objectif annoncé, cette loi n’apportera « qu’un ajustement à la marge » comme l’écrit Finance Watch. Succombant à la pression des lobbys bancaires, les auteurs du projet de loi ont retenu des dispositions qui vont permettre aux banques … de continuer à fonctionner comme avant la crise !
Dans son discours du Bourget du 22 janvier 2012, le candidat François Hollande déclarait vouloir « maitriser la finance […] par le vote d’une loi sur les banques qui les obligera à séparer leurs activités de crédit de leurs opérations spéculatives ». Or le projet de loi dans son titre premier (articles 1 et 2) propose de séparer les « activités bancaires utiles » des « activités bancaires spéculatives ». Il n’est plus question d’ « activités de crédit ». Ce changement de vocabulaire n’est pas innocent : il permet aux auteurs du projet de loi de déclarer utile l’activité de « fourniture de services d’investissement à la clientèle », ainsi que celle de « tenue de marché sur instruments financiers ». Ces activités, qui relèvent de la banque d’investissement et dont une grande partie est pourtant spéculative, pourront rester au sein de la banque de détail car elles sont jugées « utiles » …
Exit la promesse du candidat François Hollande de séparer la banque de détail de la banque d’investissement !
Pour Attac, cette nouvelle loi bancaire est non seulement inefficace mais dangereuse. Inefficace parce que la notion d’ « activités bancaires utiles » pourra donner lieu à de multiples interprétations et contestations de la part des banquiers. Dangereuse parce qu’elle préserve le statu quo dans les banques et maintient des relations malsaines entre la banque de détail, tournée vers le financement d’activités réelles, et la banque d’investissement, tournée vers les profits purement financiers et la spéculation.
Même la soi-disant interdiction d’opérations spéculatives, comme le trading à haute fréquence à partir d’ordinateurs et la spéculation sur les produits dérivés de matières premières agricoles, ne dépasse pas l’effet d’annonce. Car l’essentiel de ces opérations sont aujourd’hui en pratique menées au nom de la « tenue de marché », qui est justement décrétée « utile » par le projet de loi. Selon les estimations publiées par les banques elles-mêmes, cette nouvelle loi affectera moins de 5% de leur activité. Les banquiers peuvent être soulagés…
Le projet de loi prévoit dans son titre 2 un renforcement des pouvoirs des autorités de contrôle des banques et des marchés financiers. Mais que pèseront ces autorités publiques, composées pour une large part de banquiers ou de financiers, face à des mastodontes bancaires dont le poids financier et politique est considérable ? Le bilan cumulé des 3 plus grandes banques françaises est supérieur à 2.5 fois le PIB ! Seule une séparation complète de la banque de détail et de la banque d’investissement permettrait de commencer à réduire la taille des banques.
Cette séparation a été imposée aux Etats-Unis en 1933 par le Glass-Steagall Act et en France par la loi bancaire de 1944. Ce qui a limité les crises bancaires pendant les décennies qui ont suivi. Jusqu’à ce que ces lois soient abrogées dans le cadre des politiques néolibérales dont on constate aujourd’hui les résultats dramatiques. Attac appelle le gouvernement à tenir ses engagements : une réelle séparation entre activités de détail et d’investissement représenterait un premier pas pour s’attaquer au pouvoir exorbitant des banques, qui leur permet de bloquer les réformes et menace toujours la démocratie.
Attac France, le 19 décembre 2012