Dans ses Thèses sur le concept d’histoire, Walter Benjamin dénonce l’effet pervers du culte du travail associé à une foi naïve dans le progrès technique : « Rien ne fut plus corrupteur pour le mouvement ouvrier allemand que la conviction de nager dans le sens du courant. Il tint le développement technique pour le sens du courant. De là, il n’y avait plus qu’un pas à franchir pour s’imaginer que le travail industriel représentait une performance politique. Avec les ouvriers allemands, sous une forme sécularisée, la vieille éthique protestante de l’ouvrage célébrait sa résurrection [...]. Cette conception du travail ne s’attarde guère à la question de savoir comment les produits de ce travail servent aux travailleurs eux-mêmes aussi longtemps qu’ils ne peuvent en disposer. Elle ne peut envisager que le progrès de la maîtrise sur la nature, non les régressions de la société. »
Benjamin est l’un des rares à avoir mesuré les dégâts politiques de la sacralisation du travail. Dans Le Droit à la Paresse, célèbre brochure écrite en 1883 à la prison Sainte-Pélagie, Paul Lafargue s’était déjà indigné du grossier contresens dont la pensée de Marx faisait l’objet. Il y dénonçait « la passion moribonde du travail poussé jusqu’à l’épuisement des forces vitales de l’individu ». Ce culte du travail constituait à ses yeux « une étrange folie », une « religion de l’abstinence », générant des « corps débilités », des « esprits rétrécis » et des êtres mutilés.
À la fin du XIXe siècle, ces imprécations n’avaient rien de surprenant. Elles s’inscrivaient dans une tradition critique opposant le travail forcé au “ bon plaisir ” de l’activité créatrice. Dans la Situation des classes laborieuses, Engels donnait le ton : “ Si l’activité productive libre est le plus grand plaisir que nous connaissions, le travail forcé est la torture la plus cruelle et la plus dégradante. Rien n’est plus terrible que de devoir faire du matin au soir quelque chose qui vous répugne. Et plus un ouvrier a des sentiments humains, plus il doit détester son travail. Pourquoi travaille-t-il ? Pour le plaisir de créer ? Par instinct naturel ? Nullement. Il travaille pour l’argent, pour quelque chose qui n’a rien à voir avec le travail en soi, il travaille parce qu’il y est forcé. La division du travail a du reste encore multiplié les effets abêtissants du travail obligatoire. ”
L’appel de Lafargue à vaincre « la double folie des travailleurs de se tuer au travail et de végéter dans l’abstinence », à « mater la passion extravagante des travailleurs pour le travail », n’avait donc rien d’hétérodoxe : « Il faut que le prolétariat foule aux pieds les préjugés de la morale chrétienne, économique, libre penseuse, il faut qu’il retourne à ses instincts naturels, qu’il proclame les Droits de la paresse, mille fois plus nobles et plus sacrés que les phtisiques Droits de l’homme, concoctés par les avocats métaphysiciens de la révolution bourgeoise ; qu’il se contraigne à ne travailler que trois heures par jour, à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit. » Sa brochure connaît aujourd’hui un regain de popularité et un spectaculaire succès éditorial. Cette redécouverte peut aussi bien exprimer une protestation contre la privation d’emploi des uns et l’excès de travail des autres (le travailleur overworked), que le renoncement à vaincre la fatalité d’un chômage envahissant.
Crise ou fin du travail ?
De Jeremy Rifkin à Viviane Forrester, le thème de la disparition du travail est dans l’air du temps. André Gorz a même hasardé le pronostic péremptoire selon lequel « il n’y a et il n’y aura plus jamais assez de travail. » [1] De quoi parle-t-on au juste ? Du travail en général, au sens large, anthropologique, du terme ? Ou d’un travail spécifique, historiquement déterminé : le travail salarié ?
La disparition ou la fin du travail au sens anthropologique ne veulent rien dire. Chez Marx, le travail au sens large désigne « toute activité humaine permettant d’exprimer l’individualité de celui qui l’exerce », ou encore « toute dépense de force humaine » (du cerveau, des nerfs, des muscles, des sens, des organes), « abstraction faite de son caractère utile ». Il apparaît donc : a) comme la médiation entre l’humanité et la nature qui fait d’un produit naturel un objet social ; b) comme un convertisseur d’énergie, permettant la reproduction et le développement de l’espèce par la transformation des énergies naturelles et la diversification des besoins sociaux.
Ce développement ne connaît pas de limite historique a priori. Le travail appelé à les satisfaire ne saurait donc être réduit à une forme historique et à un volume donné. Car, « pour les mortels, la vie facile des dieux serait une vie sans vie. » [2]
Faisons un rêve : « Supposons que nous produisions comme des êtres humains : chacun de nous s’affirmerait doublement dans sa production, soi-même et l’autre. 1) Dans ma production, je réaliserais mon individualité, ma particularité. J’éprouverais en travaillant la joie de manifester l’individualité de ma vie, et en contemplant l’objet que j’aurais produit, je me réjouirais de reconnaître ma propre personne comme une puissance qui s’est actualisée, comme quelque chose de visible, de tangible, d’objectif. 2) L’usage que tu aurais de ce que j’ai produit, et le plaisir que tu en retirerais, me procureraient immédiatement la joie spirituelle de satisfaire par mon travail un besoin humain, de contribuer à l’accomplissement de la nature humaine, et d’apporter un autre ce qui lui est nécessaire. 3) J’aurais conscience de servir de médiateur entre toi et le genre humain, d’être éprouvé et reconnu par toi comme un complément à ton propre être et comme une partie indispensable de toi-même, d’être reçu dans ton esprit et dans ton amour. 4) J’aurais la joie que ce que produit ma vie servît à la réalisation de la tienne, c’est-à-dire d’accomplir dans mon activité particulière l’universalité de ma nature, ma sociabilité humaine. Alors, nos productions seraient autant de miroirs où nos êtres rayonneraient l’un vers l’autre. » [3]
Ce texte magnifique de Marx résume la conception anthropologique du travail assimilé aux effusions amoureuses, où les êtres « rayonnent l’un vers l’autre » et se reçoivent réciproquement dans leur esprit et dans leur amour.
“ Supposons ”, donc. Faisons un rêve ... Et réveillons-nous !
Car dans la société réellement existante, nous ne produisons pas encore comme des êtres humains. Le travail effectif n’est pas un travail amoureux érotisé, mais un travail contraint, aliéné : le travail abstrait, correspondant, selon le vocabulaire taylorien, à la « loyale journée de travail » de « l’homme moyen ». Réduit à un temps de travail uniforme et indifférencié, ce travail est, dit Marx, “ pour ainsi dire dénué de toute qualité ”.
Cette notion de travail abstrait « s’est élaborée parallèlement à celle du temps abstrait, comme la physique et l’astronomie l’employaient de façon de plus en plus précise grâce à l’horlogerie. Le temps de la physique mesuré par les horloges est une abstraction. Mesuré par le temps, le travail empruntait à son instrument de mesure un caractère essentiel, l’abstraction. » [4] Le travail abstrait résulte donc de l’échange marchand généralisé : « L’indifférence à l’égard du travail déterminé correspond à une forme de société dans laquelle les individus passent avec facilité d’un travail à l’autre et où le genre déterminé de travail est pour eux fortuit, donc indifférent. Là, le travail est devenu, non seulement comme catégorie, mais dans la réalité même, un moyen de créer la richesse en général, et a cessé de ne faire qu’un avec les individus en tant que détermination au sein d’une particularité. Cet état de choses a atteint son plus haut degré de développement dans la forme d’existence la plus moderne des sociétés bourgeoises. C’est là en effet que l’abstraction de la catégorie “travail”, “travail en général”, travail sans phrase, point de départ de l’économie moderne, devient vérité pratique ». [5]
C’est ce travail salarié et ce rapport salarial, où le temps de travail abstrait est la mesure de toute richesse sociale, qui sont en crise. Cette crise fut prévue de longue date : « Le vol du temps de travail d’autrui, sur lequel repose la richesse actuelle, apparaît comme une base misérable à celle nouvellement développée, qui a été créée par la grande industrie elle-même. Dès lors que le travail sous sa forme immédiate a cessé d’être la grande source de la richesse, le temps de travail cesse nécessairement d’être la mesure de la valeur d’usage [...]. D’un côté donc, [le capital] donne vie à toutes les puissances de la science et de la nature, comme à celles de la combinaison et de la communication sociale, pour rendre la création de richesse relativement indépendante du temps de travail qui y est affecté. De l’autre côté, il veut mesurer au temps de travail les gigantesques forces sociales ainsi créées et les emprisonner dans les limites requises pour conserver la valeur comme valeur déjà créée. » [6] Cette page extraordinaire annonçait, il y a cent cinquante ans, la crise de la loi de la valeur devant résulter du développement des puissances de production : lorsque les formes médiates du travail (la part de travail et de savoir accumulés au fil des générations) l’emportent sur les formes immédiates, et lorsque la création de richesse devient relativement indépendante du temps directement affecté à leur production, la mesure de la richesse par le temps de travail devient littéralement « misérable ».
Constatant que « le produit national devient un véritable bien collectif », dont la gestion relève d’une justice distributive et non plus commutative, René Passet rejoint ce diagnostic. Lorsqu’il écrit que « le temps de travail reste encore la base sur laquelle les revenus sont distribués » bien que le temps de travail “ ait cessé d’être la mesure de la richesse créée ”, André Gorz se contente de paraphraser Marx. À une confusion près : le temps de travail demeure la mesure sociale de la richesse créée, mais une mesure de plus en plus irrationnelle. On ne saurait donc confondre crise de la loi de la valeur et disparition du travail au sens général du terme : « Tel est le fait de l’évolution présente. Elle rend caduque la loi de la valeur. Elle exige de fait une autre économie, dans laquelle les prix ne reflètent plus le coût du travail immédiat, de plus en plus marginal, contenu dans les produits et les moyens de travail, ni le système des prix la valeur d’échange des produits. Les prix seront nécessairement des prix politiques, et le système des prix le reflet du choix par la société d’un modèle de consommation, de civilisation et de vie. » [7] À la différence de la plupart des critiques superficiels du travail et des faux prophètes de sa disparition, la position de Gorz est cohérente. Si la prétendue « fin du travail » traduit en réalité une crise de la loi de la valeur, une autre logique devient nécessaire. Parler de « prix politiques » relevant de choix démocratiques au lieu d’automatismes marchands, c’est aller au cœur du malaise : la planification et l’autogestion doivent prendre le pas sur le marché.
Pourtant, au moment où ses effets irrationnels sont de plus en plus criants, « pour la première fois dans l’histoire du capitalisme, la vieille loi de la valeur de Marx, à travers les migrations de capitaux d’une branche ou d’une entreprise à l’autre, joue non plus seulement à moyen ou long terme, mais à court terme (...). La mondialisation des marchés financiers, couplée aux progrès décisifs des techniques informationnelles, signifie très concrètement que, pour la première fois dans l’histoire du capitalisme, les rentabilités des grandes entreprises de la plupart des pays de la planète sont, au moins potentiellement, comparées quotidiennement par une multitude d’opérateurs financiers qui peuvent décider de sanctionner des écarts trop flagrants. » [8] La brutalité et la durée de la crise viennent de là.
La « crise du travail » n’est autre que la crise spécifique du travail exploité et des rapports capitalistes de production. Le discours médiatique ordinaire se complaît à dénoncer l’archaïsme de la critique marxienne de l’économie politique : à l’heure des réseaux, des ordinateurs, et des robots, le temps de travail ne jouerait plus aucun rôle de mesure sociale. Force est de constater, bien au contraire, que la réduction du rapport social au temps de travail abstrait demeure la règle. Qu’il s’agisse de l’âge de la retraite, de l’annualisation du temps de travail, de la réduction de la semaine de travail, du paiement des heures supplémentaires, de l’aménagement des horaires ou des rythmes scolaires, du travail dominical, du rapport entre temps légal et temps effectif de travail, de la « gestion par stress », la lutte autour de la mesure « misérable » du temps de travail reste acharnée. L’opposition entre patronat et syndicats sur les lois Aubry l’a encore vérifié. Le cas spécifique des cadres illustre bien ces contradictions : alors que leur travail est réputé « intelligent » et difficilement quantifiable, le décompte de leur temps de travail en jours et non plus en heures permet un allongement discrétionnaire de leur temps quotidien d’astreinte effective.
Réglé par le jeu du marché, le temps de travail abstrait moyen rend de plus en plus mal compte de l’hétérogénéité et de la complexité d’un travail socialisé. La part du « travail mort » (celui des générations passées accumulé sous forme de moyens de production, de techniques et de savoirs) est de plus en plus importante. Le coût social du travail s’éloigne ainsi de son coût immédiat évalué par le marché [9]. La disparition annoncée du travail abstrait constitue cependant une extrapolation arbitraire : dans sa soif de profit, même s’il doit mobiliser une quantité croissante de travail mort pour le mettre en valeur, le capital a toujours besoin de travail vivant.
La réduction de la part du travail industriel directement productif par rapport à la somme du travail collectif et au développement des services n’annonce donc pas la fin du travail. Elle manifeste seulement une modification historique de sa composition. Mais les gains de productivité réalisés dans la production de biens marchands ne sont pas transférables dans les secteurs de services, comme la santé ou l’éducation, aux mêmes conditions de rentabilité et de profit. On ne soigne pas un malade et on n’éduque pas un enfant en dix fois moins de temps lorsqu’on fabrique une automobile ou un téléviseur en dix fois moins de temps. À moins de réorganiser radicalement ces services publics selon la stricte logique marchande, avec des secteurs rentables privatisés et des secteurs d’assistance minimale charitable. Le développement spectaculaire des services marchands met en évidence la poursuite d’un tel objectif à travers la contre-réforme libérale.
Du « rêve toyotiste » au cauchemar néolibéral
Les « rêves toyotistes » d’un travail autonome, intelligent, et recomposé, ont fait long feu. Le travail se transforme bien plus lentement (et contradictoirement) que ne l’annonçaient, il y a quelques années encore, les prophètes euphoriques de l’entreprise conviviale et flexible. L’organisation taylorienne du travail a effectivement régressé dans les industries de process (cimenteries, sidérurgie, pétrochimie). Les formes néo-tayloriennes se développent en revanche massivement dans certains secteurs de services (l’hôtellerie, l’alimentation, le secrétariat), mais aussi dans l’habillement et le bâtiment. De 1984 à 1993, le pourcentage de salariés soumis à des contraintes de rythmes dues au déplacement automatique d’une pièce ou d’un produit est passé de 3 % à 6 % ; le pourcentage soumis à la cadence automatique d’une machine, de 4 % à 7 % ; à des normes ou délais court, de 19 % à 44 % ; aux demandes immédiates de la clientèle, de 39 % à 58 % ; au contrôle étroit de la hiérarchie, de 17 % à 24 %. Globalement, « la charge mentale » des travailleurs est partout en hausse.
L’évolution générale remet en cause la distinction légale entre le travail et le travailleur : ce dernier tend désormais à vendre non plus sa force de travail pour un temps légalement déterminé par un contrat, mais sa personne même. De nouvelles formes de dépendance personnelle dans le travail font leur apparition (vendeuses flexibles au temps fractionné, astreinte à domicile, routiers, etc.), où le salarié est contraint de se vendre lui-même selon les caprices du marché. L’impératif “ d’employabilité ” selon lequel il faut commencer par « savoir se vendre » exprime très crûment cette aliénation renforcée.
Alors que Gorz a commencé par déclarer imprudemment que « la crise a réussi à surmonter la crise du régime fordiste », il doit finir par admettre que « les conditions de croissance endogène ne sont pas réunies » et constater un « retour en force du taylorisme” . L’hypothèse d’un modèle toyotiste de rechange apparaît donc pour l’heure infirmée par les faits. Il semble même difficile, estime Thomas Coutrot, de “ trouver trace d’un nouveau compromis fordiste ”. Fût-il »néo« , le fordisme semble plutôt évoluer vers un »régime néolibéral« hybride de mobilisation de la force de travail et de coopération forcée soumis à la pression extrême des marchés financiers mondialisés. Le conflit inhérent au rapport salarial est donc loin de disparaître : on ne peut demander à la fois aux salariés de se comporter en »sujets dans leur travail« et de demeurer »des objets dans leur emploi", en acteurs sur le court terme et en pions dociles des stratégies industrielles ou financières à long terme.
Les enjeux de ce débat sur la crise et l’avenir du travail sont très concrets. Paul Lafargue exhume un texte de Napoléon du 5 mai 1807 : « Plus mes peuples travailleront, moins il y aura de vices. Je suis l’autorité, et je serais disposé à ordonner que le dimanche, passé l’heure des offices, les boutiques fussent ouvertes et les ouvriers rendus à leur travail. » La polémique sur le travail dominical ne date décidément pas d’hier ! Inversement, de patrons éclairés estimaient la journée de douze heures excessive et recommandaient sa réduction à onze heures : ayant expérimenté cette mesure depuis quatre ans « dans nos établissements industriels, nous nous trouvons bien, et la production moyenne, loin d’avoir diminué, a augmenté ». Le « donnant-donnant » (temps de travail contre flexibilité), cher aux bureaucraties patronales et syndicales, a lui aussi une longue histoire !
La réduction du temps de travail, ne représente pas à elle seule une panacée. Elle ne peut devenir efficace dans la lutte contre le chômage qu’intégrée à un dispositif général de réorganisation du travail, des horaires, de la formation, et à condition d’être régulièrement indexée sur les gains de productivité. Pour que cette logique l’emporte sur celle de la flexibilité chère au patronat éclairé et au syndicalisme jonquille, un solide rapport de force est nécessaire. La rhétorique de la résignation fait au contraire de nécessité vertu : le chômage de masse serait ainsi devenu une fatalité, le travail une denrée rare, au mieux intermittente, au pire introuvable. D’autant plus séduisante pour les exclus qu’elle semble répondre à leur lassitude de courir après un emploi improbable, l’idée de déconnecter les revenus du travail fait en partie écho à cette impuissance intériorisée.
Plusieurs questions sont ici confondues. Sans accepter l’idée d’une disparition du travail au sens large (anthropologique), on peut imaginer sa transformation dans le sens d’une réduction des emplois stables à vie au profit d’emplois alternés. Il y aurait alors des intermittents du travail, comme il y a déjà des intermittents du spectacle : « L’usage du travail tend à devenir une séquence d’embauches, de reconversions, d’attentes, de nouveaux emplois ; il faudrait donc considérer que la véritable capacité de travail est devenue la possibilité de suivre ces itinéraires. Le salaire deviendrait un salaire de la disponibilité, dû tout autant pendant les périodes d’attente d’emploi que pendant l’emploi lui-même. » [10]
Qui garantirait ce « salaire de disponibilité » ? Certains auteurs (comme ceux du rapport Boissonnat) suggèrent à un groupe d’employeurs utilisant en fonction de leurs besoins un pool de main d’œuvre commune. Cela signifierait une flexibilité accrue et une dépendance renforcée de la personne. Une autre solution parfois envisagée consisterait à établir un statut du travailleur ne relevant plus d’une entreprise particulière, mais de "l’Etat en tant que coopérative de travailleurs”. Cela impliquerait une socialisation et d’une redistribution généralisée du revenu, à l’exact opposé des tendances dominantes de l’heure, marquées par la fiscalisation des cotisations sociales (à travers la Contribution sociale généralisée), par l’exonération systématique du salaire indirect dû par le patronat sur les bas salaires, par le recul du principe de solidarité et de péréquation au profit du coupe épargne-fiscalité.
Alors que certains spéculent sur un hypothétique revenu universel, la socialisation du salaire est en recul constant. “ Au bout de ce processus, annonce Bernard Friot, on trouve la double proposition d’une allocation universelle et de fonds de pension. Ce modèle qui prend acte de la dualisation de la société sur la base de l’effondrement du salariat exprime une démission collective particulièrement préoccupante. ” [11] Les versions les plus courantes du revenu de citoyenneté, comme « droit au revenu inconditionnel universel » ou comme « revenu social primaire distribué égalitairement et de façon inconditionnelle », partent en effet de l’idée que « l’idéologie du plein emploi salarial est le plus grand obstacle à un dénouement positif de la crise »[12]. C’est pourquoi, elles admettent logiquement que « la garantie d’un revenu inconditionnel n’augmente que faiblement les chances de trouver un emploi salarié ». En offrant un revenu de survie à défaut d’un emploi, il s’agit bien de faire de nécessité vertu.
Loin de tuer l’emploi, comme d’aucuns le prétendent, la cotisation sociale, en tant que salaire indirect socialisé, le constitue et le consolide. La péréquation partielle du salaire entre employeurs et sa socialisation par la cotisation sociale font en effet de l’emploi l’institution centrale de la solidarité salariale. L’extinction de la cotisation sociale liée au salaire implique au contraire un “ retour aux formes présalariales du travail dans une lutte régressive contre le chômage” . Le clivage de l’exploitation, opposant travail salarié et capital, est remplacé par le clivage entre riches et pauvres, la solidarité par la charité publique ou privée. Jouant sur les divisions entre opprimés, la “ lutte contre l’exclusion ” risque alors de se retourner contre le salariat et contre sa cohésion. Tenir bon sur le caractère de salaire indirect de la protection sociale, c’est au contraire, affirme Bernard Friot, “ opposer la citoyenneté salariale à la citoyenneté libérale. ”
Au « revenu d’existence », Gorz préfère prudemment la notion de « revenu suffisant ». A quel niveau se situe la suffisance en la matière (celui du SMIC ? du RMI ? l’ASS ?) et qui en est le juge ? Dans une logique libérale, les exercices de chiffrage d’une allocation universelle remplaçant les minima sociaux aboutissent à institutionnaliser une nouvelle plèbe d’exclus, voués dans le meilleur des cas au RMI et aux jeux télévisés. La carotte du revenu universel se transforme alors en machine de guerre contre la sécurité sociale. Deux joyeux économistes se sont essayé, élucubrations fiscales à l’appui, à évaluer le financement d’un revenu universel à 2 400 f par an, pour conclure qu’une formule moins ambitieuse à 1200 f par an poserait déjà « un sérieux problème » : « Permet-elle de remotiver ceux qui touchent déjà le RMI et dont certains sont difficiles à réintégrer dans le marché du travail ? » On peut en douter. D’autant que « tout dépend de l’analyse que l’on fait du phénomène du chômage... » [13] On ne le leur fait pas dire !
Conscient du danger, André Gorz ne reconnaît pas à la revendication du revenu universel une valeur pratique de mobilisation, car elle n’est « pas réalisable immédiatement ». Il lui attribue seulement une « valeur heuristique, permettant de souligner pédagogiquement »le non-sens d’un système qui réalise des économies de temps de travail sans précédent, mais fait du temps ainsi libéré une calamité", parce qu’il ne sait ni le répartir, ni répartir les richesses produites ou productives, ni reconnaître la valeur intrinsèque du loisir et du temps pour les activités supérieures. Cette pédagogie hasardeuse risque de coûter fort cher si elle décourage les chômeurs et les exclus de la lutte immédiate pour le droit à l’emploi ou à un revenu proche du seul minimum social concevable : le salaire minimum.
L’opposition entre droit au revenu et droit à l’emploi devient carrément perverse lorsqu’elle invoque le postulat selon lequel le problème ne serait plus désormais l’exploitation, mais l’exclusion. Comme si la seconde n’était pas la conséquence de la première ! Comme si toutes deux n’étaient pas l’envers et l’endroit du rapport salarial ! Ce discours justifie le rejet d’une prétendue « crispation travailliste » sur la revendication du plein emploi et sur la défense des droits acquis. La version libérale du revenu universel aboutit alors à une monétarisation généralisée des rapports sociaux au détriment d’un développement du service public et d’espaces de gratuité soustraits à la logique marchande. Un revenu garantissant un droit effectif à l’existence entrerait en effet en contradiction directe avec le sacro-saint droit de propriété. Gorz est lucide à ce sujet : « Pensée jusqu’au bout de ses implications, l’allocation universelle d’un revenu social suffisant équivaut à une mise en commun des richesses socialement produites. À une mise en commun, non à un partage. Le partage vient après. » [14] Tout le problème est alors de construire le rapport de force permettant de l’imposer.
Un marché sans rapports marchands ?
On retrouve à propos de la coopération et de la multiactivité, les mêmes difficultés que pour l’allocation universelle. Il s’agirait, selon Gorz, de « créer des espaces ambivalents », de sorte que chacun puisse appartenir à des coopératives d’auto-production et développer une économie de troc favorisant la production directe de valeurs d’usage. Ces enclaves micro-économiques non-marchandes coexisteraient avec la régulation marchande macro-économique : « A la différence des Bourses du travail britanniques du XIXe siècle, qui étaient basées sur le troc de travail, les cercles de coopération n’abolissent donc pas la monnaie ni le marché, mais ils abolissent le pouvoir de l’argent, les aveugles lois du marché. » [15] Cette suppression du pouvoir de l’argent et de la cécité du marché ..., dans le respect du marché, tient du prodige. Gorz se contente de préciser que la monnaie locale ne pourrait servir à l’enrichissement, au profit personnel et à l’enrichissement privé des uns au détriment des autres, comme si la pression du marché ne devait pas venir à bout les meilleures intentions. Happées par la logique de la concurrence lorsque le rapport de force général se détériore, maintes coopératives ouvrières en ont fait la triste expérience.
Rêvant d’une monnaie locale qui limiterait la propriété privée et le pouvoir d’achat de chacun « à ce qu’il peut retirer du bien commun pour son usage personnel et les besoins de sa famille », Gorz verse dans l’utopie d’une société pré-capitaliste de petits producteurs indépendants. Sa formule d’une « monnaie-temps » ou d’une « monnaie-travail », opposée à l’argent officiel, retombe dans les vieilles illusions du paiement direct en bons horaires de travail sans transaction marchande. Non thésaurisable, cette « monnaie-temps à péremption courte et à convertibilité limitée » n’aurait cours que « dans le cercle qui l’émet ».
Dans Misère de la Philosophie, Marx pourfendait le mythe proudhonien d’une répartition « transformant tous les hommes en travailleurs immédiats échangeant des quantités de travail égales ». Cela reviendrait à décréter l’abolition de la valeur au lieu de créer les conditions de son dépérissement effectif. L’échange direct de quantités de travail entre travailleurs immédiats est une mauvaise robinsonnade fondée sur l’espoir illusoire de débarrasser l’échange individuel direct de tout antagonisme social. Dix ans plus tard, la Contribution de 1859 critique l’idée de John Gray, selon laquelle le producteur recevrait un reçu attestant d’une quantité de travail contenue dans la marchandise et libellée directement en temps de travail. Cette suggestion fait l’impasse sur la question cruciale de savoir pourquoi la valeur s’exprime en prix : Gray « se figure tout simplement que les marchandises pourraient se rapporter directement les unes aux autres comme des produits du travail social. » Il rêve du retour à une économie de troc où le mystère de la marchandise se dissiperait par enchantement. Les marchandises doivent être reconnues comme « du travail social général ». Or, on ne peut reconnaître comme “immédiatement social« , comme »temps de travail d’individus directement associés", le temps de travail contenu dans les marchandises, si ce n’est dans une société communiste où la planification et la démocratie autogestionnaire réaliseraient cette association.
Dans la Critique du Programme de Gotha, Marx est encore revenu sur cette question des bons de travail. Il envisage l’hypothèse d’une société communiste où le producteur recevrait « l’équivalent exact de ce qu’il a donné à la société par son travail ». Formellement égalitaire, ce principe n’aboutirait en réalité qu’à une égalité primitive profondément inégalitaire. Seule une gestion collective démocratique du surproduit social permettrait en effet une redistribution sociale équitable : la médiation marchande et monétaire ne saurait donc disparaître au profit d’un simple échange direct entre producteurs, mais seulement au profit d’une régulation politique par le biais de la délibération démocratique.
Stavros Tombazos résume fort bien le fond de cette polémique à rebondissements sur les bons de travail : « Si la valeur est dédoublée en valeur et prix, le même temps de travail se présente à la fois comme égal et inégal à lui-même, ce qui est, sur la base des bons de travail, impossible. » [16] La monnaie est la forme même de ce dédoublement. Il ne saurait être dépassé sans que le soit aussi la régulation marchande. Gorz en est bien conscient : « Il existe une nécessité et un problème des médiations entre chaque communauté locale et la société, et entre les communautés elles-mêmes et les sociétés elles-mêmes ; ces problèmes et ces médiations sont ceux du politique, de la politique qui ne disparaîtra pas par enchantement au profit des rapports communicationnels et consensuels des communes. » [17] Dire que la médiation politique l’emporte sur la médiation marchande, c’est viser en effet un tout autre horizon stratégique que le modeste objectif des « espaces ambivalents ».
Qu’il s’agisse d’allocation universelle ou de multi-activité coopérative, on retrouve donc la même ambiguïté. Abstraites des conditions concrètes de la lutte et des rapports de forces, les réponses s’avèrent à double tranchant : elles peuvent aussi bien s’inscrire dans une perspective libératrice, au-delà du capitalisme, que servir de béquilles aux réformes néolibérales.
Au-delà du travail ?
Les formules confuses sur la disparition du travail ne sont pas innocentes. Elles nourrissent les équivoques selon lesquelles « le véritable travail n’est plus dans le travail » et « la société du travail est morte ».
La vie, désormais, serait ailleurs. Les pathologies du non-travail rappellent pourtant quotidiennement l’importance de la socialisation par le travail. Invoquant la fameuse « névrose du dimanche », Daniel Mothé a maintes fois critiqué « le mythe du temps libéré » : à travail aliéné, loisir aliéné, meutes sportives, jeux télévisés, peluches interactives, et tamagushis domestiques [18]. Dans l’acte de travail, « l’activité pratico-sensorielle » est désormais réduite à « une pauvreté extrême », constate Gorz. Il en conclut que le travail n’est plus « mise en forme appropriative du monde objectif » et que la société de travail est devenue « un fantôme survivant fantômatiquement à son extinction ».
Il faudrait désormais « oser vouloir l’Exode de la société du travail ». Exode ou Exil ? Vers quelle terre promise ? Cette manière de déserter la bataille pour le droit à l’emploi, considérée comme un vain baroud d’arrière-garde, repose sur une redoutable confusion. Quel est, en effet, l’autre ou l’ailleurs du travail ?
Le repos ? Le loisir ? La « paresse », aurait répondu Lafargue !
C’est au XVIe siècle seulement que les termes de travail et travailler (dérivés du sinistre tripalium) ont remplacé ceux d’ouvrer ou de labourer. Ce changement de vocabulaire traduisait un changement social. L’avènement du travail salarié détermine par contrecoup les modalités et le statut du non-travail. Le repos (que certaines études médicales nomment significativement « dé-fatigue ») correspond alors plus ou moins au temps nécessaire à la reconstitution de la force de travail. Au-delà, le loisir serait une part de temps libéré, de temps pour soi. Le loisir aliéné de consommation reste pourtant la fidèle image inversée du travail aliéné.
La « paresse » rêvée par Lafargue évoquerait plutôt une forme contemporaine et plébéienne de « l’otium » des anciens, dont la traduction (oisiveté, désœuvrement, activité désintéressée ?) est malaisée. Il ne s’opposait pas au travail, mais au souci de la vie intéressée, au negotium. Jean-Claude Milner le définit non comme un temps simplement délié des contraintes du travail (repos ou loisir), mais comme un temps devant soi, le temps à soi des libertés et de la culture, des lettres et des arts, de l’amitié, de l’amour et du plaisir. Intégrant les œuvres de la culture aux marques de la classe de loisir et au rituel de l’échange marchand, la société de profit mêle inextricablement repos, loisir et otium. À la différence du loisir, le temps sans équivalent marchand de ce dernier serait celui de l’activité créatrice, du bon plaisir, un « temps retrouvé ».
Cette recherche du temps perdu rejoint celle de la « vie active » selon Hannah Arendt. Pour elle le travailleur universel a perdu le sens de l’œuvre (changée en travail), de l’usage (changé en consommation), et de l’action. Sa démarche s’articule autour du divorce entre vie active et vie contemplative, et de la double critique de la contemplation platonicienne et de la valorisation moderne exclusive du travail. Le travail tire alors son caractère spécifique de la nature transitoire des choses produites pour subsister. Alors que l’œuvre représente le règne du durable et le signe propre de l’appartenance humaine au monde, il correspond à ce titre à la naturalité biologique de l’espèce. L’action, serait enfin la seule activité qui mette « directement en rapport les hommes » et correspond au fait que ce sont des hommes au pluriel, et non l’homme en général, qui habitent le monde.
Le travail permet la survie de l’individu et de l’espèce. L’œuvre confère une durée à la futilité de la vie mortelle et à la fugacité du temps humain. “ Dans la mesure où elle se consacre à fonder et maintenir des organismes politiques ”, l’action “ crée la condition du souvenir, c’est-à-dire de l’Histoire ”. En transformant l’œuvre en travail, la modernité capitaliste aurait détruit le sens de l’action et rendu le monde inhabitable : « C’est l’avènement de l’automatisation qui, en quelques décennies probablement videra les usines et libèrera l’humanité de son fardeau le plus ancien et le plus naturel, le fardeau du travail, l’asservissement à la nécessité. Mais »le souhait se réalise, comme dans les contes de fées, au moment où il ne peut que mystifier. C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté.« Le vertige saisit Hannah Arendt, à l’idée de cette société de »travailleurs sans travail« , privés de la »seule activité qui leur reste« : »On ne peut rien imaginer de pire ! « [19] Ce péril va de pair avec la crainte »que la politique disparaisse complètement du monde« . L’actualisation radicale du »seul élément utopique« subsistant chez Marx serait le seul moyen de les conjurer : »Que l’émancipation du travail à l’époque moderne, non seulement échoue à instaurer une ère de liberté universelle, mais aboutisse au contraire à courber toute l’humanité pour la première fois sous le joug de la nécessité, c’est un danger que Marx avait bien aperçu lorsqu’il soulignait que le but de la révolution ne pouvait être l’émancipation déjà accomplie des classes laborieuses, et qu’elle devait consister à émanciper l’homme du travail. Au premier abord, ce but paraît utopique, le seul élément strictement utopique de la doctrine de Marx.« Les progrès de l’automatisation font pourtant que »l’on peut se demander si l’utopie d’hier ne sera pas la réalité de demain. " [20]
Alors que les romantiques opposaient au travail salarié aliéné la sacralisation de l’œuvre, alors qu’Hannah Arendt lui oppose « la vie active » des Grecs, il s’agit de concevoir le dépassement effectif de ce mode travail historiquement déterminé. Le développement des forces productives tend à en réunir les conditions concrètes. L’incorporation du travail intellectuel au travail complexe socialisé réintroduit dans un nombre croissant de travaux une part de création susceptible capital contrarie et neutralise cette tendance. L’intuition émancipatrice de Marx n’apparaît cependant plus aussi « utopique » qu’il a pu sembler : « Dès l’instant où le travail commence à être réparti, chacun a une sphère d’activité exclusive et déterminée qui lui est imposée et dont il ne peut sortir ; il est chasseur, pêcheur ou berger ou critique critique, et il doit le demeurer s’il ne veut pas perdre ses moyens d’existence ; tandis que dans la société communiste, où chacun n’a pas une sphère d’activité exclusive, mais peut se perfectionner dans la branche qui lui plaît, la société réglemente la production générale, ce qui crée pour moi la possibilité de faire aujourd’hui telle chose, demain telle autre, de chasser le matin, de pêcher l’après-midi, de pratiquer l’élevage le soir, de faire de la critique après le repas, selon mon bon plaisir, sans jamais devenir chasseur, pêcheur ou critique. » [21]
Le travail aliéné, la division du travail, la loi du marché et la propriété privée forment le carré infernal du capital. On ne saurait échapper à l’aliénation du rapport salarial sans poser en même temps la question de l’appropriation sociale, de la planification démocratique de l’économie, et du bouleversement de la division du travail.
Le dogme du travail libérateur et la prophétie de la fin du travail ont des défauts symétriques. Le premier fait abstraction du son caractère historiquement déterminé du travail et n’envisage que sa dimension anthropologique. La seconde fait abstraction de ses potentialités créatrices pour ne retenir que son caractère aliéné et aliénant. Dans « l’intrication de l’action et du travail », les dimensions anthropologiques et historiques sont inextricablement combinées. Malgré l’aliénation salariale, le travail demeure par conséquent un procès de socialisation "forcément ambivalent” .
Il ne s’agit pas de refuser cette contradiction, mais de s’y installer pour la travailler. Si faiblement, si sourdement que ce soit, le « besoin du possible » qui différencie l’activité humaine de la plénitude immédiate, simplement animale ou végétative, persiste sous la chape du travail contraint. Il est le signe de la finitude humaine en même temps que d’une irrépressible capacité à « aller plus loin »
Pour le pire, souvent. Pour le meilleur, parfois.
Notes
1. André Gorz, Misère du présent, richesse du possible, Galilée 1997, p. 97.
2. Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Agora 1994, p. 157.
3. Karl Marx, Manuscrits de 1844, § 22.
4. Pierre Naville, Le Nouveau Léviathan, Paris, Anthropos, tome II, p. 407
5. Karl Marx, Contribution à la Critique de l’économie politique, Paris, Editions sociales, p. 170. Voir aussi Jean-Louis Bertocchi, Marx et le sens du travail, Paris, La Dispute, 1996.
6. Karl Marx, Manuscrits de 1857-1858, Paris, Editions sociales, tome II, p. 192.
7. Ibid. p. 148
8. Thomas Coutrot, L’entreprise néo-libérale, nouvelle utopie capitaliste, La Découverte 1998, p. 223-224
9. Gorz invente à ce propos la notion que “ composition organique du travail ” exprimant le rapport entre travail vivant et travail mort dans le procès de travail ; ce rapport serait une composante de la tendance générale à l’élévation de la composition organique du capital.
10. André Gorz, op. cit., p. 90.
11. Bernard Friot, Puissances du salariat, Paris, La Dispute, 1998, p. 265.
14. Jean-Marc Ferry, L’allocation universelle, pour un revenu de citoyenneté, Cerf 1996, p. 151.
15. François Bourguignon et Yoland Bresson, Le Monde, 8 avril 1997.
16. André Gorz, op. cit., p. 148.
17. Ibid., p. 169.
18. Stavros Tombazos, Les temps du Capital, Paris, Cahiers des Saisons, 1994.
19. André Gorz, op. cit.., p. 176.
20. Voir notamment, Daniel Mothé, « Le mythe du temps libéré », et « Temps libre et discriminations socioculturelles », in Le travail, quel avenir, collectif, Folio 1997.
21. Hannah Arendt, op. cit., p. 37-38.
22. Ibid., p. 181-183.
23. Karl Marx et Friedrich Engels, L’Idéologie allemande, Paris, Editions sociales, 1968, p. 63.
24. De même, la soumission au principe de rendement ne parvient pas à effacer toute inspiration ludique du sport de compétition : si le spectacle sportif se réduisait à l’exploitation disciplinaire du corps et à la mise en scène de son dressage, il serait vite incapable de remplir sa fonction sociale de communion consensuelle.