AccueilliEs par les gaz lacrymo à leur arrivée au Mondial de l’auto, les salariéEs des boîtes en lutte ne se sont pas laisséEs démoraliser. Mardi 9 octobre, près de 2 000 salariéEs déterminéEs e sont retrouvéEs à la Porte de Versailles devant l’entrée du Mondial de l’automobile à partir de 10 heures. Ce rassemblement, en prélude de la manifestation appelée par la CGT l’après-midi, était à l’initiative des syndicats CGT et Sud de PSA.
Les manifestantEs étaient bien décidéEs à crier leur colère dans l’enceinte de la vitrine du grand business automobile. Des salariéEs de PSA d’Aulnay, de Sochaux, de Poissy, de Mulhouse, des métallos du Nord-Pas-de-Calais, celles et ceux de Fralib, Licenci’elles, Goodyear, Renault Cléon, Preventiglass, Michelin, Thales, Air France, Sanofi, Technicolor, Presstalis et bien d’autres encore, venuEs dénoncer la fermeture d’entreprises, les licenciements et la mise en place d’accords emplois-compétitivité.
Les arrivées de cars, de trains, de voitures se sont étalées sur plus d’une heure au gré des embouteillages et des tracasseries des forces de l’ordre. Mais le gouvernement Hollande-Ayrault-Montebourg avait décidé de présenter sa version du dialogue social : un quartier entièrement bleui et militarisé par les cars de gardes mobiles, des centaines de CRS déguisés en Robocop. Les flics de Valls, après la chasse aux immigrés et aux Roms, ressemblent décidemment de plus en plus à ceux de Sarkozy et Hortefeux.
De ce fait, nous avons passé la fin de matinée à tenter de bousculer les grilles du Mondial entre deux arrosages de gaz lacrymogène. La colère des manifestantEs n’entamait pas leur détermination. Entre deux « assauts », les représentantEs des entreprises affirmaient tour à tour les revendications essentielles des manifestantEs : refus de voir les emplois liquidés au nom de la rentabilité du capital, les conditions de travail dégradées au nom de la productivité, les salaires bloqués au nom de la baisse du « coût » du travail. Mais surtout, toutes et tous affirmaient la nécessité de la coordination des mobilisations. Pourtant les organisations syndicales (fédérations, confédérations) étaient non seulement absentes mais avaient plus ou moins ouvertement combattu l’idée même d’une mobilisation au Mondial de l’automobile. Pourtant les difficultés des luttes dans chaque boîte laissent parfois peu de temps et de place à la construction du tous ensemble. Par leur présence, en réponse à l’appel des PSA, les salariéEs présentEs montraient que la rencontre de ceux et celles qui se battent, qui refusent les politiques patronales et gouvernementales, est possible dès maintenant. Les discussions, à peine perturbées par les allers-retours entre les grilles derrière lesquelles s’étaient réfugiées les forces de défense de l’ordre social, tournaient autour de cette préoccupation : comment construire la mobilisation « tous ensemble » qui fera ravaler son insolence à un patronat protégé par les sbires gouvernementaux. Malgré l’impossibilité de faire notre tour du Mondial, la majorité des manifestantEs sont partiEs gonfléEs à bloc vers la place d’Italie, pour insuffler colère et détermination aux cortèges de leur région.
Robert Pelletier
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 165 (11/10/12).
Le 9 octobre, une étape vers les convergences ?
Plus d’une semaine après la visite des Ford et des PSA au salon de l’auto, des centaines de salariéEs de l’automobile et de l’industrie se donnaient rendez-vous le 9 octobre devant le salon de l’automobile en ce jour de mobilisation pour l’emploi avant la manifestation de l’après-midi qui a regroupé plusieurs milliers de salariéEs. Cette mobilisation répondait à l’appel des Fédérations européennes de l’industrie, relayée en France uniquement par la CGT.
La centrale syndicale de Montreuil qui n’avait pas appelé à manifester contre le TSCG, le 30 septembre, voit son secrétaire Bernard Thibault hausser le ton pour la première fois depuis l’arrivée de Hollande à l’Élysée, sur fond de guerre de succession à la tête de la CGT et de pression des équipes militantes.
Cette rentrée connaît une explosion des chiffres du chômage, chaque jour une annonce de plan social vient renforcer l’inquiétude des salariéEs.
À la pointe de l’actualité depuis cet été, PSA dont le site d’Aulnay doit fermer, mais aussi Sanofi et ArcelorMittal mettent en lumière l’incapacité totale du gouvernement, ne serait-ce que pour limiter les licenciements.
Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a beau occuper les caméras, en concurrence le ministre des expulsions Manuel Valls, ses annonces ne concernent que des éternelles réunions qui n’ont pour but que de réduire la taille du plan social et d’offrir de meilleures conditions de départs. À aucun moment ce dernier qui se gargarise d’avoir sauvé 15 000 emplois, ne remet en cause le droit des actionnaires et patrons de licencier y comprisles licenciements boursiers.
C’est dans ce climat de dégradation de l’emploi à vitesse grand V que la CGT a organisé cette première journée de mobilisation « pour la défense de l’emploi et de l’industrie ».
La confédération Montreuilloise devait bien reprendre une initiative alors que se multiplient des initiatives dans chacune de ces entreprises. Initiatives auxquelles le NPA a participé activement par le soutien de ses équipes militantes et la présence répétée de nos porte-parole.
Le syndicat Peugeot CGT PSA, ajoutant sa pierre à la préparation de cette journée, a appelé àun rendez-vous avant la manifestation devant le Mondial de l’auto de toutes les entreprises en lutte : Sanofi, PSA, 3 Suisses, Fralib, Faurecia, ArcelorMittal, Air France et Samsonite.
Mais après les premiers balbutiements de l’étéet de la rentrée autour des initiatives prises entre autres par les PSA, le mardi 9 a été une première étape qui pourrait déboucher sur une marche pour l’emploi du privé et du public.
Le Mondial de l’auto aura eu cette année un rôle que les constructeurs n’auraient jamais souhaité. Celui de lieu de rendez-vous et de publicité pour la convergence des luttes dans l’automobile et l’industrie puisque durant les dix premiers jours plusieurs centaines de salariéEs se sont emparés de l’occasion de manifester leur mécontentement et leur volonté d’agir malgréla passivité des directions syndicales…
Thibault Blondin
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 165 (11/10/12).
Ford Blanquefort : Jour de colère
Montés de Bordeaux en train à plus de 360 personnes, les salariés de Ford et leurs soutiens locaux ont bien fait parler d’eux. En envahissant pour la troisième fois le stand de la marque le jour d’ouverture du Mondial de l’automobile, ils ont posé de façon militante le problème de la nécessaire convergence des mobilisations. Rencontre avec trois d’entre eux, dont l’un bien connu.
La journée du samedi 29 septembre a commencé tôt, comme une de ces journées ordinaires à la boîte. Même pas encore 6 heures et demie et tout le monde est déjà dans le train au départ de Bordeaux.
À l’arrivée à la gare Montparnasse, un comité d’accueil composés de cheminots militants est bien présent. « On a eu le premier frisson » dit Carlos Abrantes.
C’est bon pour le moral
Devant l’entrée du salon de l’automobile, il y a certes un premier rendez-vous manqué. « Le regret, c’est Peugeot. On a vu la cinquantaine de salariés de PSA partir en bus après leur intervention, alors que l’on était en train d’arriver » regrette Carlos. Mais d’autres délégations de travailleurs sont là, à commencer par ceux de Fralib de Gémenos, engagés eux aussi dans une lutte de longue haleine. « ça aide à se sentir moins seul, moralement c’est important » dit Philippe Poutou.
Et les prises de paroles des soutiens politiques commencent. Olivier Besancenot dénonce un gouvernement qui a choisi son camp et propose l’organisation d’une marche de soutien à la lutte pour l’emploi, pour se faire vraiment entendre de Montebourg. Aussi présent à ce rassemblement, Jean-Luc Mélenchon a notamment dénoncé les entreprises uniquement là pour faire du fric, sans répondre à la proposition d’Olivier. « Une tête d’affiche qui aide aussi à faire venir les caméras. De ce point de vue-là, c’était réussi ! » dit Vincent Alauze.
On existe
C’est l’heure de rentrer dans le Mondial de l’automobile où les plus grandes marques exposent leurs derniers joujous. Les salariés de Ford et leurs soutiens refont de façon très spontanée la décoration du stand devant de nombreux appareils photos et caméras de télévision : autocollants collés sur les voitures, confettis partout, on fait beaucoup de bruit face une organisation complétement déconfite.
« On dit souvent que les patrons cherchent à nous résigner. Là c’était l’inverse, ils n’avaient pas d’autres choix possible que de nous laisser faire notre action » dit Carlos. Philippe approuve : « En faisant cela, on exprime de la fierté et de la dignité. On rappelle à tout le monde que l’on est chez nous, que les voitures sont produites par des salariés surexploités. On occupe la place, comme les Indignés... ». Vincent conclut : « On veut montrer sur la place publique la réalité de la politique de Ford en attaquant leur image de marque. Du coup, beaucoup de bonheur à foutre le bordel sur le stand ».
Des convergences qui restent à construire
Après cette apparition réussie au Mondial de l’auto, une délégation des Ford rejoint l’après-midi le meeting intersyndical autour de PSA qui se déroule dans le quartier de la Rose des vents à Aulnay, dans la fameuse cité des 3 000. Beaucoup de délégations d’entreprises du 93 y participent, que ce soit d’Air France ou de Sanofi par exemple. Mais si les soutiens ne manquent pas, au niveau syndical comme au niveau de la gauche radicale, les travailleurs de PSA sont assez peu présents.
« Une grosse déception, c’était pas vraiment le tous ensemble ! » dit Vincent, « si peu de travailleurs de la boîte, un vrai soucis » pour Carlos. Philippe lui est plutôt « partagé. On était content d’y être car en cinq années de lutte, on s’est toujours tourné vers les autres. Mais il y a encore plein de barrières à faire tomber, y compris au sein du syndicalisme ». Pour preuve, l’absence de prise de parole à ce meeting des salariés de Ford ou de Fralib venus eux aussi à Aulnay.
Qu’importe, on parle déjà de la suite. « Le 9 octobre, on manifestera à Bordeaux mais une délégation sera à nouveau au Mondial de l’auto. L’occasion de rencontrer vraiment les salariés de PSA », assure Vincent. « Ce jour-là, on essayera de faire à Paris une réunion avec ceux des boîtes qui en ont envie, on fait avec les moyens qu’on a… », conclut Philippe. Pour un vrai tous ensemble cette fois ?
Manu Bichindaritz
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 165 (11/10/12).
Usine Ford Blanquefort : pour les emplois de tous
Contrairement à ce que déclarent les dirigeants de Ford Europe, l’avenir de l’usine et le maintien de 1 100 emplois (effectif actuel) sont très loin d’être garantis. Comme par hasard, depuis fin juin, moment où nous avons décidé d’organiser une nouvelle manifestation au Mondial de l’automobile, Ford s’agite pour rassurer à la fois salariés et pouvoirs publics.
Opération séduction
Une véritable opération de communication s’est déclenchée : une venue à l’usine le 4 juillet (ce n’était pas arrivé depuis mai 2011), un comité de pilotage avec préfet et élus locaux au cours duquel Ford annonça même le retour envisagé du logo Ford sur l’usine (un scoop !) une des exigences des salariés. Donc beaucoup de gesticulations mais qui ne changent rien dans le fond.
Pour assurer vraiment la pérennité du site et le maintien des emplois de tous, il faut faire des investissements supplémentaires, réintégrer l’usine au plan de production de Ford Europe. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Un retour gagné par la lutte
Ford a racheté son usine parce que la mobilisation avait exercé une pression importante. À force d’actions, de manifestations au Mondial de l’auto (2008, 2010) nous avons bousculé la stratégie de la multinationale. La fin de la production était programmée pour avril 2010 et la fin de l’usine avec. Même si Ford est revenu, mettant en place de nouvelles activités (dont une nouvelle boîte de vitesse) cela n’empêche qu’il n’y a pas de changement réel de stratégie. Nous nous sentons en sursis.
Du coup, les militants CFTC, CFDT et CGT ont décidé d’en remettre une couche en relançant la mobilisation bien que les collègues soient plutôt résignés ou plus ou moins désemparés par des années de doutes, de baratin, de rebondissements.
Climat social difficile mais une nécessité de faire entendre notre voix
Nous n’avons pas le choix, il faut sortir de cette ambiance lourde et attentiste. Pour cela, l’initiative de relancer la mobilisation peut aider à faire que nous retrouvions confiance en nous-mêmes, que nous reprenions le chemin de la lutte collective.
La manifestation au Mondial de l’auto avec la perspective d’envahir le stand Ford, de l’occuper un moment, tout cela déjà redonne la pêche aux militants et aux collègues.
Nous savons aussi que seuls, à l’intérieur d’une usine, nous ne pouvons pas gagner. Il faut qu’il se passe quelque chose de nouveau, la convergence des luttes.
Le train spécial des « ford » c’est le « train pour l’emploi de tous ». Aidés par notre comité de soutien, nous invitons des salariés d’autres entreprises privées ou publiques, les syndicats, les partis politiques, les élus locaux, la population à participer à cette manifestation. Nous recherchons le soutien et la coopération avec des équipes militantes en lutte comme les Fralib et les Sodimédical. Nous avons aussi tenté le lien avec les « PSA » qui du coup nous invitent à leur meeting à Aulnay le même jour.
Nous avons deux objectifs : bousculer encore une fois la stratégie de Ford et contribuer à la construction du « tous ensemble » déterminant pour la suite.
Laurent, Vincent, Carlos, Thierry, Éric, Philippe