Au moment même mercredi 25 juillet où des milliers de salariés manifestaient devant le siège de PSA, en stéréo, le PDG Varin tenait conférence de presse et le duo Montebourg Sapin présentait le plan de soutien gouvernemental au secteur automobile.
Cette attaque de PSA contre les salariés s’inscrit dans la continuité des politiques appliquées depuis vingt ans dans toute l’industrie automobile. La construction de la mobilisation “tous ensemble” doit s’accompagner de propositions qui donnent toute son actualité au combat anticapitaliste. C’est le sens de cette contribution.
PSA a obtenu l’aval du gouvernement pour la suppression de milliers d’emplois et la fermeture de l’usine d’Aulnay
Le PDG Varin a été fidèle à son arrogance habituelle : huit mille suppressions d’emploi, Aulnay menacée de fermeture, 819 millions d’euros de pertes annoncées pour le premier semestre et un milliard de nouvelles économies jusqu’en 2013. La « bonne » stratégie de PSA sera maintenue : ce PDG droit dans des bottes de plus en plus piteuses ne comprend que la logique du rapport de forces. A bon entendeur, salut les salariés !
Montebourg et Sapin ont « courageusement » esquivé l’actualité des suppressions d’emploi et de la fermeture des sites industriels se défaussant de ces sujets sur les « partenaires sociaux », c’est-à-dire sur un impossible dialogue entre la direction de PSA intransigeante et les syndicats défendant ici sans concession tous les emplois menacés. Pas un seul mot ministériel sur le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) dont l’application venait d’être suspendue par un vote unanimes des représentants du personnel au CCE. Qui ne dit mot consent : le gouvernement a, en fait, ce mercredi 25 juillet, avalisé le plan PSA de fermeture de l’usine d’Aulnay et de suppression de milliers d’emplois. Le reste était largement du spectacle.
Les faits sont là : l’application du plan PSA entraînerait la suppression de dizaines de milliers d’emplois dans les usines du groupe, chez les équipementiers et sous-traitants. Dans l’immédiat, le retrait du plan Varin est possible et nécessaire. Gouvernement et patronat de Peugeot, chacun à leur manière, sont sensibles à l’expression des rapports de force politiques et sociaux. Les seules batailles perdues d’avance sont celles qui ne sont pas menées.
Le plan gouvernemental est du spectacle colorié en vert
Le duo ministériel a préféré parler avenir en présentant un énième plan de soutien à la filière automobile. Comme tous les précédents, il n’apporte pas de réelle réponse aux questions fondamentales de l’emploi, du maintien d’activités industrielles et de la satisfaction des besoins de la majorité de la population.
Depuis 20 ans se succèdent pour l’industrie automobile, années de profit où des dividendes sont servis aux actionnaires et années de pertes où les deux constructeurs français tendent la main aux pouvoirs publics pour obtenir aides, subventions et primes à la vente de voitures. Aux actionnaires les gains, et aux salariés, la double peine des suppressions d’emploi et du financement de ces fonds publics. Le plan Montebourg ne déroge pas à cette règle.
Le bonus-malus est augmenté de 100 à 150 euros, soit moins de 1 % du prix d’achat d’une voiture neuve. Les primes aux véhicules « verts » ont remplacé la prime à la casse de Balladur, Juppé et Fillon. En ce moment d’austérité budgétaire, l’effet d’esbroufe est encore plus violent. Une prime d’un maximum de 4 000 euros sera versée aux acheteurs de véhicules hybrides dont PSA est le seul spécialiste en France. Le prix minimum d’un véhicule hybride PSA étant de 30 000 euros, cette mesure ne concernera que la partie la plus aisée des clients Peugeot.
Autre prime à l’achat, celle de 7 000 euros pour les véhicules électriques dont Renault voudrait devenir un champion. Les voitures électriques promises par Renault ne sont pas encore prêtes. Sa direction a annoncé ce même jour le report à 2013 de la vente de la voiture électrique censée être produite à l’usine de Flins. En tout état de cause il n’y aura pas plus de 1 à 2 % de voitures électriques vendues en France d’ici à 2015. Et les suppressions d’emplois par dizaines de milliers, c’est pour maintenant. Prétendre que les véhicules verts pourraient être une réponse à ces attaques est complètement illusoire et mensonger. Du cinéma comme annoncé par Montebourg qui a conclu la présentation de son plan par un appel aux cinéastes « français » pour qu’ils réalisent des spots publicitaires à la gloire de l’industrie automobile française..
Mêmes causes, mêmes effets : ce plan nourrira de nouvelles crises et de nouvelles suppressions d’emploi. C’est un constat banal qui impose de proposer d’autres types de solution.
Des subventions publiques pour restructurer les outils de production PSA et Renault et alimenter les dividendes servis aux actionnaires
Ce que démontrent ces vingt dernières années, c’est que la politique de subventions publiques en période de crise aux deux groupes Renault et PSA, c’est mettre de l’argent dans un panier percé : les profits réalisés un peu plus tard sont versés en dividendes aux actionnaires et financent les investissements vers les pays où le marché de l’automobile est en expansion. Aujourd’hui, les projecteurs sont braqués sur Aulnay et PSA. L’implantation Renault aux frontières de l’Europe à Tanger, d’une capacité de production en première phase de 300 000 véhicules par an sera le détonateur de la prochaine crise. Tout est connu et écrit d’avance.
Les patronats de PSA et de Renault sont plongés dans la mondialisation capitaliste. Renault est devenu un satellite de Nissan et l’état-major de l’alliance s’est depuis longtemps « délocalisé » aux Pays-Bas. PSA sous la houlette de la même famille Peugeot d’actionnaires depuis un siècle avait accusé du retard dans l’internationalisation. La fermeture du site d’Aulnay a été préparée avant juillet 2011 où le plan programmant de l’usine fut dévoilée par le syndicat CGT de l’usine, et donc bien avant les pertes du premier semestre 2012. Il fallait pour Peugeot, à marches forcées, combler ce retard, et dégager des ressources pour investir ailleurs qu’en Europe. La violence de la crise en Europe du Sud n’a fait que précipiter les échéances.
La concurrence exacerbée entre les groupes mondialisés de l’automobile
Les experts économiques et industriels en tout genre se penchent sur les stratégies des groupes français. Que n’ont-ils distillés leurs précieux conseils avant les désastres sociaux ? Ces experts si acharnés à décortiquer les stratégies industrielles ne s’attardent guère sur les désastres sociaux collatéraux de ces stratégies.
Travail de nuit, travail posté, travail à la chaîne, fordisme, toyotisme, autant de marches sur le chemin de croix imposé aux travailleurs de la branche pour faire aboutir ces stratégies industrielles et économies. Les millions de déportés » du travail venus du Maghreb ou d’autres régions d’Afrique en portent sur plusieurs générations les conséquences. Les suicides chez Renault n’ont été que la face émergente de l’iceberg de la souffrance au travail y compris dans les groupes ex-nationalisés et dans lesquels l’Etat est encore présent. L’utilisation du vocable « tsunami » tend à naturaliser, à donner une vision incontournable, imprévisible aux catastrophes sociales qui s’abattent sur les travailleurs.
Il y a quelques mois ces experts vantaient le « nationalisme » de PSA face au méchant Renault qui externalisait ses productions. La qualité d’hier est devenu l’erreur d’aujourd’hui. Pour les salariés, il n’y a pas de bonne stratégie industrielle patronale. Ce qui dirige l’économie ce sont les exigences aveugles de la concurrence, du profit. Et donc de la concurrence acharnée entre capitaliste qui tentent d’imposer la concurrence ente toutes et tous. A ce « jeu », il ne peut pas y avoir que des perdants du côté des salariés.
L’histoire du capitalisme c’est l’histoire des crises économiques, des liquidations de grands groupes industriels, voir de branche complète de l’industrie. En France, la sidérurgie, le textile ont d’abord été victimes de la règle d’or de la concurrence exacerbée entre capitalistes. Autant dire que ce n’est pas l’entrée de l’Etat dans le capital de PSA assorti de moyens supplémentaires pour les représentants du personnel qui arrêtera cette machine infernale.
Pas de place pour une relance capitaliste durable des ventes de voitures en Europe
Les contraintes de la mondialisation capitaliste et les exigences des actionnaires au capital de Renault et PSA conduisent nécessairement à cette politique de fermetures d’usines et de suppressions d’emplois. Il n’y a pas de place aujourd’hui pour une relance « capitaliste » ou « keynesienne » de l’industrie automobile en Europe.
Les ventes d’automobiles neuves sont tendanciellement stagnantes en Europe, et sur fond de cette tendance, les récessions conjoncturelles sont d’autant plus exacerbées. Les véhicules hybrides ou électriques constituent à un horizon de dix ans des segments de vente trop étroits pour qu’ils puissent prendre le relais des volumes de production des véhicules traditionnels.
Répondre à leurs « sur capacités » de production par le partage du travail
Cela n’empêche pas la concurrence de s’activer en Europe. Les nouveaux équipements étant plus productifs que les anciens, chaque groupe espère être « meilleur » en installant nouvelles machines ou nouvelles usines sur ce marché saturé, tout en aggravant les conditions de travail et en mettant au cause les droits collectifs des salariés. Les surcapacités de production annoncées par les directions patronales sont la conséquence directe de cette concurrence aveugle entraînant augmentation de la productivité et intensification du travail.
Le blocage des ventes de Peugeot à l’Iran bloquées par l’embargo occidental n’est pas non plus une cause structurelle des difficultés de Peugeot car il est évident que ces ventes n’étaient que momentanées en raison de la tendance irréversible d’un pays comme l’Iran à développer sur place une industrie automobile de plus en plus intégrée. Il est vain de pronostiquer et encore moins de revendiquer une augmentation de la production de voitures. Le maintien de l’emploi et des savoir-faire ouvriers passe par d’autres moyens.
La réponse aux surcapacités annoncées devrait être fondée sur de nouvelles formes d’organisation du travail qui préservent la santé des hommes et des femmes. La suppression du travail de nuit, du travail posté, du travail de week-end, la réduction de cadences et la réduction massive du temps de travail sans perte de salaires, « libéreraient » des dizaines de milliers d’emplois. L’issue durable pour les salariés est dans cette direction et non dans une illusoire augmentation de la production de voitures en France ou en Europe.
Ils vont là où ils escomptent plus de profits
La crise qui frappe l’Union Européenne aiguise encore la concurrence entre groupes avec ses gagnants momentanés, les groupes allemands et ses perdants, les groupes italiens et français. Force est de constater que la famille Agnelli, propriétaire historique de Fiat, a tiré les conséquences de ces difficultés en organisant une sortie du secteur automobile et en misant sur l’Amérique du Nord. Le PDG Ghosn, chez Renault, poursuit une politique délibérée d’autonomisation d’avec le gouvernement français pourtant encore actionnaire minoritaire, et de décentrage d’avec l’histoire française et européenne de la marque.
Certains se posent la question de la sortie possible de la famille Peugeot de la filière automobile ? Tous ces seigneurs sont-ils en train de quitter le navire automobile européen ? Dès le premier choc pétrolier en 1976, Ernest Mandel s’interrogeait sur le maintien du capital investi dans le secteur automobile en raison des opportunités de gains supérieurs dans d’autres secteurs.
L’avenir de l’emploi dans l’industrie automobile en Europe est contradictoire avec le maintien de l’oligarchie qui contrôle le secteur. PSA et Renault nouent chacun de leur côté des alliances stratégiques mondialisées, l’un avec GM, l’autre avec Nissan et Mercedes. Ce qui n’empêche pas les patrons de Renault et de PSA de se souvenir de leur nationalité d’origine pour demander quelques subventions au gouvernement français.
Poser la question de l’expropriation de la famille Peugeot
La question de la propriété de Renault et PSA doit être posée notamment à la lumière de cette alternance d’années de gains distribués en dividendes et d’années de pertes subventionnées par les fonds publics. Aujourd’hui le silence est assourdissant autour de cette question. L’héritage des nationalisations et dénationalisations menées par les gouvernements auxquels participèrent Parti Socialiste, Communiste et membres du Parti de Gauche peut l’expliquer sans le justifier.
La famille Peugeot est l’exemple même d’une famille de rentiers possédant capitaux, usines, et salariés par héritage multiséculaire La question de leur expropriation doit aujourd’hui être débattu sans tabou. Cela devient une urgence avant que la famille organise sa fuite de Varennes avec lingots d’or et actions ! Il faut se préparer au prochain chantage mettant en balance maintien du caractère national du groupe avec encore plus d’aides publiques et de flexibilité légalisée pour les salariés. Et, au bout du chemin, les OPA amies ou hostiles sont là pour réaffecter les capitaux dans les branches les plus profitables. Si la sidérurgie lorraine est passée sous le contrôle du groupe Mittal, qui peut expliquer qu’un tel scénario ne se reproduira pas avec la famille Peugeot ?
La question de l’expropriation des Peugeot est bien d’actualité : le mouvement ouvrier doit s’en emparer et interpeller le gouvernement sur ses responsabilités. Le préalable, c’est la mise au clair du système de la famille Peugeot au travers des fonds d’investissement qu’elle contrôle publiquement et de tous les autres circuits de financement qui leur sont associés. Il convient de concrétiser la revendication de l’ouverture de livres de compte.
Les formes que pourrait avoir cette expropriation tant des moyens de production que des capitaux devraient faire l’objet d’un large débat. Les leçons des nationalisations de 1981 qui n’ont rien changé à leur insertion dans la concurrence capitaliste doivent être retenues. Faire de PSA un second Renault avec une participation publique ne changerait rien. De nouvelles formes d’appropriation socialisée et de nouvelles formes de contrôle par les salariés et la population restent à inventer.
Il n’est qu’à se retrouver chaque soir et chaque matin dans des flots de circulation « thrombosés » pour concevoir que le « tout bagnole », le « tout camion » pose la question d’un suréquipement. Malgré le développement des autoroutes, des rocades et des voies rapides (la nuit !), les déplacements journaliers vers les lieux de travail appellent à eux seuls des réponses autres.
Le capitalisme vert atteint son degré zéro de caricature avec les proclamations de Montebourg vantant l’automobile verte comme moyen de renflouer les caisses de PSA et Renault. L’écologie vraiment est trop sérieuse pour tolérer ce genre de discours. Un contrôle des salariés et de la population et l’épanouissement de leur créativité exploreraient d’autres solutions que la voiture individuelle du siècle dernier. Mais cela suppose une confrontation avec les intérêts et le pouvoir du capital.
Dans cette société où le patronat a tous les pouvoirs, pas question de le laisser licencier et fermer des usines à sa guise. Toute victoire qu’il sera possible d’arracher sera bonne à prendre. Mais pas question non plus de les laisser pérorer sur l’avenir. Quel est le chemin le plus réaliste, celui qui laisse croire que quelques voitures vertes sauveront des dizaines milliers d’emplois, ou bien celui qui indique que le préalable réside dans des empiétements conquis par la mobilisation, tous ensemble, sur le pouvoir du capital.
Robert Pelletier et Jean-Claude Vessilier
www/npa-autocritique.org
le 30 juillet 2012