Par temps de crise, juillettiste et beau de surcroit, tout devient mélange. Qu’on s’y habitue ou pas peu importe. Nouvelles mesures Troïkanes, visite surprise du président de la Commission européenne José Manuel Barroso ce jeudi et Voula Papachristou, la triple sauteuse, exclue mercredi de la sélection grecque devant participer aux JO 2012. Depuis Athènes, elle a posté un tweet raciste contre les immigrants africains, c’était « pour commenter » l’apparition de moustiques porteurs du virus du Nil occidental à Athènes ayant déjà provoqué deux décès, elle a posté sur son compte Twitter : « Tellement d’Africains en Grèce. Au moins les moustiques mangeront de la nourriture maison ». La Grèce, le Nil, les Africains, ca saute aux yeux et ca saute tout court.
La jeune Voula s’en excuse, « non je ne suis pas raciste je ne voulais pas porter atteinte à la dignité des personnes immigrées, c’est un message que j’ai vu ailleurs avant de le reproduire », la Grèce se déchire une fois de plus et l’Aube dorée vient de communiquer officiellement sur cette affaire : « (…) Le seul racisme en cours est le racisme anti-grec (…) (...) C’est triste pour ce pays, ayant généré l’esprit de l’Olympisme, prouvant et glorifiant la supériorité de Hellénisme, des dirigeants sous influence marxiste, décident alors de bannir et de sanctionner quiconque ose se prononcer sur l’immigration clandestine, même sous forme de blague (sic) ». La boucle... bouclée, le pays peut tourner en rond. Tout comme avec l’affaire de la gifle du député Aubedorien Kasidiaris agressant l’élue communiste Kanelli sur un plateau de télévision, l’exclusion de Papachristou, la médiatisation de cette affaire ainsi que celle des messages de sympathie envers Kasidiaris que l’athlète aurait « twitté » selon le reportage de ce matin (Radio Real-Fm), aucun doute, le vote Aube dorée en sortira renforcé. La victimisation, la violence politiquement exercée et « explicable », l’exacerbation identitaire sur un corps social dépecé, et la dépossession de l’avenir n’iront pas par quatre chemins pour rependre l’angélisme, le temps de la naïveté est terminé, y compris pour les humanistes et utopistes encore résolus, luttant contre le cauchemar.
Et ce cauchemar n’est plus qu’une vue de l’esprit. Sous le titre : « Seulement le peuple », notre hebdomadaire satyrique To Pontiki (La Souris) de ce jeudi (26/07), note que « lorsqu’un pays se trouve menacé et simultanément, d’une catastrophe économique, sociale et nationale, il doit trouver ses moyens pour résister. Mais alors comment ? Par l’alliance peut-être même de circonstances entre ses élites intellectuelles, économiques et politiques pour enfin exprimer le grand « Non » d’une seule et même voix ? Ce qui présupposerait par ailleurs un système politique adéquat et une société pouvant encore tenir sous l’immense poids d’une telle décision. Supposant encore, que ces trois composantes considèrent que leur existence et leur survie, demeurent encore liées à celle du pays. Mais, rien de tel en Grèce en ce moment. L’élite entrepreneuriale et celle du monde des intellectuels, sauf exceptions, au demeurant si peu nombreuses, s’est habituée depuis des décennies à mâcher l’argent tout prêt des contribuables en amassant des sommes mythiques sans le moindre risque, est en train de collaborer avec les envahisseurs économiques. Sans surprise donc, des membres de ces élites, deviennent les cagoulards (sic) et les proxénètes (sic) à la solde de la Troïka.
Car le maintient de leurs « privilèges historiques », ainsi que la poursuite de la saignée imposée au peuple, selon leur logique n’est pas compatible avec le maintient des droits élémentaires, jadis octroyés à la « plèbe ». Le vieux système du pouvoir politique « poly-tentaculaire », ayant bénéficié du soutien du 80% du vote de la « plèbe », en échange de miettes et par la mise en place des fourmilières de parasites fidèles et toujours serviteurs, il utilisait l’État comme un bien propre et profitable, ainsi au lieu de gouverner il régnait en maître. Il devient évident que ce système politique préfère faire dans la connivence avec nos geôliers, aussi parce qu’il peut toujours craindre qu’un jour, le peuple lui demanderait des comptes pour tout ses crimes commises depuis ces dernières années.
La société, étant sous le choc car victime d’une violence inouïe, s’exprimant par la manière dont elle est traitée, cette violence se retourne contre elle-même suivant un « automatisme social » bien prévisible. Par la même occasion, elle se culpabilise, pour avoir attrapé jadis et avec quelle gourmandise, les miettes que ses maitres laissèrent savamment tomber de leur tablée après avoir détourné tant d’argent public, selon la petite phrase célèbre de Pangalos (PASOK) : « Nous avons piqué dans l’assiette tous ensemble ». Eh bien, cette société, espère encore à tort, qu’elle n’aura pas à vivre l’abime, tel déjà présenté.
Parmi les composantes de la vie collective du pays, déjà évoquées, les premiers, c’est à dire, les élites économiques, politiques et intellectuelles ne bougeront pas, et il est peu probable qu’elles changeront d’optique et de camp dans un futur proche. Ce qui signifie que le peuple pillé restera seul et il demeurera, tant qu’il ne se décide pas à prendre en main la responsabilité de la lutte pour sa survie et pour celle du pays. Car seul le peuple peut désormais imposer ses propres règles à un jeu évidemment chiqué. »
Et le peuple attendra sur les plages où une certaine nervosité d’un genre encore nouveau est sur le point de régner. Hier, je me suis rendu chez un ami habitant la côte Est de l’Attique, puis nous nous sommes rendus sur la plage, bondée de monde. Sauf que les cafeterias, restaurants et autres glaciers étaient pratiquement vides à 14h, du jamais vu. Les plagistes de notre plagiat de modernité bancocrate se plaignirent entre eux de leur situation, le regard fixe sur l’extrémité Sud du Golfe d’Eubée et sur la mer Égée, les Cyclades d’en face, Andros, la première au loin proche mais inaccessible. Ils ne savent peut-être pas que les autorités locales d’Andros ne pouvant plus faire face au traitement de déchets après l’effondrement dans la mer de l’ancienne déchetterie déjà « hors norme », et le reportage de cette semaine (sur le site internet la télévision Skaï), fait état de cette grande transhumance pélagique des déchets d’Andros, alors repérés jusque dans les îles du Dodécanèse. Contrairement à ce que pense l’homme du couple au parasol bleu (voir le billet précédent du blog), les Albanais habitant en Grèce ne sont ni les seuls ni les uniques « semeurs » de poubelles dans ce pays, sauf qu’il peuvent être facilement « catégorisants », comme les Africains et les moustique du Nil en Grèce, ainsi repérés par Voula Papachristou. Mais au lieu de la nourriture maison on mangera tous les poubelles maison sur terre et sur mer semble-t-il.
Mélanges d’époque et de saison. À proximité de la plage, près de la ville d’Igoumenitsa au Nord-ouest de la Grèce en mer Ionienne, on vient de découvrir des ossements humains tandis qu’à l’extrémité Nord-est en mer Égée, toute l’île de Lesbos a été plongé dans le noir après une panne touchant son réseau d’électricité. C’était avant hier entre 23h et 5h du matin. Hier encore à Athènes le ministère de l’Économie a été évacué de toute présence humaine suite à une menace à la bombe après un coup de fil, mais aucun explosif n’a été trouvé. « Pauvres gens, c’est plongés dans la nuit que nous exploserons tous » disait à son ami le petit libraire du coin. Assis tous les deux devant le magasin pour prendre un peu d’air, ils sirotaient un café ce matin et en absence de clients en commentant les titres des quotidiens du jour. Ensuite, toujours sans client, le libraire est resté seul et finalement libre dans ses lectures. C’est un héros ce libraire je crois car il tient le coup. Après l’électricien, c’est aussi le carreleur... de proximité qui vient de faire faillite comme je viens de constater. Drôle de proximité enfin...
Mon ami Th. (journaliste au chômage), tient aussi le coup après son malaise l’ayant conduit à l’hôpital. Hier soir il s’est rendu au Théâtre sous l’Acropole pour assister à une répétition de Tosca par notre Opéra national. Un de ses amis, choriste, lui avait procuré deux invitations, pour lui et pour son épouse, seul moyen d’accès à une certaine culture et une culture encore certaine pour nous tous désormais, « bonne distribution mais pas exceptionnelle pour autant » a-t-il dit mon ami. Sur l’actualité courante il est également formel : « Ce n’est pas José Manuel Barroso et encore moins Voula Papachristou qui doivent retenir notre attention. La vraie nouvelle du jour se résume à la visite du Secrétaire d’État adjoint du Trésor Étasunien, Charles Collyns, se rendant dans l’urgence à Rome et à Athènes, preuve que les États-Unis seraient en train de bouger ».
Entre temps, devenue alors insignifiante, la commémoration de la mort de Sotirs Petroulas entre « initiés » est alors passée inaperçue. Sotiris Petroulas, jeune étudiant en économie de 23 ans, tué par une grenade de gaz lacrymogène qui explosa sur sa tête. La police avait fait disparaître le corps, c’était au 21 juillet 1965. Au lendemain matin, quelques militants de la gauche, découvrant un groupe d’agents en train d’enterrer Petroulas à Kokkinia, quartier populaire de la capitale l’alerte populaire a été donnée. Mikis Theodorakis fut prévenu. Aidé par les habitants du quartier, il réussit à se faire remettre le corps. Le jour suivant, des centaines de milliers de personnes ont accompagné le mort de la cathédrale d’Athènes au cimetière, et Theodorakis a écrit une chanson à la mémoire de son ami tué. Mais que reste-t-il des mélanges de 1965 ?
Panagiotis Grigoriou