L’opposition syrienne vit sous l’impact de la dernière initiative diplomatique en date, celle de Kofi Annan et des observateurs internationaux. Le conseil de Sécurité, par sa résolution n°2042 de la mi avril, soutient l’initiative du premier et l’envoi des seconds en Syrie, une résolution adoptée avec l’accord des alliés du régime, notamment la Russie et la Chine.
Alors que le pouvoir dictatorial de Damas était supposé annoncer qu’il allait en respecter l’article 1 prévoyant le cessez-le-feu, annoncé par le gouvernement syrien le 12 avril, c’est exactement l’inverse qui s’est produit. Les forces de l’armée et les services de sécurité ont poursuivi les bombardements, sièges et occupations des villes, notamment Homs, Idleb et Deraa, portant le nombre des victimes à des milliers depuis le début de l’initiative.
Le fait saillant reste que les manifestations du vendredi qui ont suivi l’annonce de cessez le feu simultanées du gouvernement syrien, non respecté, et de « l’Armée Syrienne Libre », ont connu une augmentation significative, du nombre des manifestations et des manifestants, puisqu’il y a eu plus de 770 points de départs de manifestations, au plan national, avec pour slogan « Une révolution pour tous les Syriens ». ; soit un retour à la forme initiale des slogans révolutionnaires syriens avant que le groupe de la page « La révolution syrienne » sur Facebook, de sensibilité islamiste, ne les charge d’une connotation religieuse.
Les composantes en vue de l’opposition syrienne ont béni l’initiative Annan. Le Comité de Coordination Nationale pour le Changement Démocratique (CCNCD) y a vu le pendant de ses visées et de sa stratégie de changement. Le Conseil National Syrien (CNS) l’a approuvée, tout en doutant que le régime ne s’y engage réellement. Ce même Conseil avait mis sur le marché l’idée de la nécessité de l’intervention militaire étrangère, sous des étiquettes diverses : « les corridors humanitaires », ou les « zones de sécurité ». Il n’est jusqu’au dernier né de l’opposition, le Forum Démocratique Syrien (FDS) – nombre des membres ayant répondu à son appel sont des transfuges du CCNCD et il s’avère un lieu de rassemblement et de discussion aux démarcations et objectifs poreux – qui n’ait béni aussi l’initiative Annan.
Sur le terrain, la révolution syrienne consent des sacrifices effroyables face à un régime sanguinaire et barbare. Le nombre des tués dépasse les quinze mille, celui des blessés les quarante mille et celui des disparus soixante dix mille tandis que les arrestations se chiffrent à près du quart de million. Quant aux personnes déplacées dans le pays en raison des bombardements et des destructions visant leur quartier et leur maison, elles sont environ un million et demi.
En face et en dépit de l’entrée de la révolution dans son quinzième mois au moment où nous écrivons ces lignes, de la poursuite de la lutte révolutionnaire de masse pour abattre le régime, de la militarisation croissante, de la dissidence militaire dite « Armée Syrienne Libre » (ASL), le régime est pourtant toujours en place, même si les signes de son déclin se font de plus en plus clairs. Ses forces militaires et sécuritaires apparaissent homogènes en dépit de l’augmentation du nombre de désertions en leur sein, encore limitées. Son appareil politique n’a pas enregistré de défections de taille. En face, les composantes de l’opposition syrienne précitées (le Conseil et le Comité) ne décollent pas depuis des mois. Pire, leur faiblesse, leur éclatement et leur isolement par rapport aux masses et au combat révolutionnaire augmentent, du fait de la confusion croissante de leur propositions et de leur élitisme arrogant face à la lutte des masses. Ils sont dans une véritable impasse, prisonniers de calculs personnels étriqués étrangers aux intérêts de la lutte des masses syriennes, en révolution pour leur liberté et leur affranchissement d’un régime despotique, sanguinaire et corrompu.
L’opposition ne s’est pas hissée au niveau de la révolution
Istanbul, la ville qui a connu une intense activité de fractions importantes de l’opposition syrienne dès les premiers mois de la révolution, a accueilli en mars dernier la seconde réunion du groupe des « Amis de la Syrie », en présence de représentants de 83 pays ; cette réunion a reconnu à l’issue de ses travaux le CNS comme « représentant tous les Syriens » et comme une « partie principale » de l’opposition syrienne.
Si cette déclaration restait bien en deçà des prétentions du Conseil qui se veut le « représentant unique et légitime du peuple et de la révolution », elle constituait néanmoins un soutien clair et franc à ce dernier, des gouvernements en question, surtout des Etats-Unis, de l’Europe, de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de la Turquie, ses parrains qui lui apportent un soutien politique, financier et médiatique. En dépit de ce soutien et de l’inflation médiatique le concernant, le CNS ne peut dissimuler qu’il est devenu un fantôme inepte. Toutefois ces pays le préservent en tant que leur carte « opposante » syrienne.
La constitution du CNS, annoncée à Istanbul le 2 octobre 2011, a rencontré un certain écho au sein de la révolution syrienne en manque d’une expression politique. Le CNS a vite dilapidé son crédit auprès des masses, en raison de son organisation non démocratique, des tâtonnements de ses déclarations, de ses positions opportunistes quant à la question de l’autonomie de la volonté du peuple syrien, de son hostilité affichée à l’axe Iran-Hezbollah en faveur de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de la Turquie, de sa compromission sur la question de la libération du Golan – il a appelé à « sa restitution via des négociations en vertu de la légitimité internationale » –, des positions confuses de pas mal de ses dirigeants, à l’instar des déclarations élogieuses à l’égard de l’Etat d’Israël de sa porte parole, Bassma Kodmani. La désillusillion qui a suivi l’hypothèque principale de ce conseil à savoir une intervention étrangère imminente, et toutes les illusions qui s’en étaient suivies, ajoutées aux conflits personnels, aux différends politiques et aux scandales financiers, ont fini par avoir raison de ce qui lui restait de crédibilité aux yeux des manifestants. Il serait plus juste de dire que ses rapports à l’intérieur se bornent à un nombre restreint de groupes, essentiellement à quelques groupes de l’ASL. Et dernier défaut : sa soumission organique à l’agenda politique de ses parrains que sont les Etats Unis, l’Europe, et plus particulièrement l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie.
Le récent rapport de deux centres européens d’études, paru en janvier dernier, indique que « le CNS, qui n’a pas de poids et de racines en Syrie, peu de militants, aucune assise intérieure, est soutenu et financé par le Qatar, l’Arabie Saoudite et les Etats occidentaux et leurs médias. Le principal objectif de ce soutien est de légitimer une éventuelle intervention en Syrie, que le CNS appelle de ses vœux »
Le communiqué de fondation du CNS laissait déjà apparaître une contradiction entre deux principes, à savoir le refus de « toute intervention militaire attentant à la souveraineté nationale » et l’exigence concomitante de « la protection internationale des civils » sous forme de corridors humanitaires ou de zones sécuritaires et tampons. Toutes ses publications appellent à une intervention militaire étrangère, à l’instar de sa dernière demande à la mi-avril adressée au Conseil de sécurité « d’une intervention au titre de l’article 7 » et du communiqué du 21 avril exigeant une « intervention militaire décisive ».
Par ailleurs le Conseil a vécu récemment une profonde crise, ayant échoué à élire ou à se désigner un Président à la suite de la démission de Borhan Ghalioun, après un différend sérieux créé par son retour pour la troisième fois à ce poste qu’il occupe depuis le début de l’automne dernier et les luttes de couloirs révélées à l’occasion, entre les islamistes avec à leur tête l’organisation des Frères Musulmans, et ceux qui se revendiquent, ou sont apparentés, aux courants laïcs. Sans compter que nombre de ses membres l’ont quitté pour des raisons diverses ces derniers mois. Les Comités de Coordination Locaux (CCL) ont également menacé de s’en retirer, ou au moins de geler leur adhésion s’il n’y avait pas de correction des erreurs commises et de traitement des revendications essentielles à leurs yeux pour redresser le Conseil. Ils ont estimé que ce dernier, à la suite de la réunion de Rome, qui avait vu une accentuation extrême des divergences, était en déclin permanent. Et qu’il y avait « absence de consensus sur un projet commun entre le Conseil et le mouvement révolutionnaire », ce mouvement dont il paraît que les représentants des CCL tels Khalil Elhajj Salah, Houzan Ibrahim et Rima Flihane, boycottaient les réunions du conseil ces derniers mois, en signe de protestation contre sa marginalisation. Il s’agit d’une marginalisation qui représente un danger d’éclatement total du CNS.
C’est ainsi que le CNS se réduit de plus en plus pour n’être plus qu’un bureau de relations publiques, de financement, otage du parrainage des Etats précités. Quant à l’autre force politique connue de l’opposition, le CCNCD, elle a vue le jour le 26 juin 2011, et regroupe essentiellement des forces de l’opposition traditionnelle, des restes de partis de gauche et nationaliste (Rassemblement National Démocratique et le Rassemblement de la Gauche Marxiste) et quelques personnalités islamistes et libérales.
Dès les premiers mois, il s’est empêtré dans ses rapports avec la révolution, si l’on excepte certains de ses jeunes cadres issus du Parti de l’Union Socialiste (Nassérien). Quant aux membres des autres partis, ils y participent à titre personnel. Il s’agit de vieux politiciens traditionnels qui étaient-et sont encore- loin de comprendre ce qui se passait, à savoir d’une révolution, et incapables de percevoir le pouls du mouvement révolutionnaire et ils s’adressent à ce dernier de façon dédaigneuse et hautaine.
Dès sa constitution, il s’est caractérisé par des thèses inconsistantes, puisqu’il appelait à « abattre le régime sécuritaire et autoritaire » et à « changer le régime ». Dans les premiers mois, il était ouvert au dialogue avec le régime, révélant sa confusion et le traditionalisme de ses dirigeants, ces derniers se laissant aller à des déclarations insultantes pour le mouvement insurrectionnel et les révolutionnaires, et de par sa prétention à représenter « le bloc silencieux ». Il a adopté une série de positions misant essentiellement sur l’action diplomatique en direction des pays alliés au régime, la Russie, la Chine et l’Iran. Il a misé sur l’initiative arabe, et il a misé longuement sur l’initiative Annan. Si on s’en tient à une déclaration de son coordonateur général, lors d’une visite d’une délégation du comité à Moscou, à la mi avril dernier, ils misent sur l’exécution de l’initiative Annan, et œuvrent a créer les conditions nécessaires à l’ouverture d’un dialogue politique avec le régime. On retiendra du CCNCD est que sa position quant au régime est pour le moins « ambigüe ».
Le discours de ses dirigeants et ses communiqués marquent une hésitation nette à se tenir aux côtés du mouvement révolutionnaire, et du mépris à son égard, parlant de « la rue », ou de « mouvement populaire » ou parfois de « soulèvement-révolution », cette dernière formulation étant pour eux maximale. Beaucoup de ses membres l’ont quitté pour les raisons déjà évoquées pour protester contre la monopolisation de la direction par un petit groupe de personnes. Ce sont des forces politiques qui sont toujours considérées par le régime comme « opposition nationale » qui appellent au dialogue avec lui. Et n’eût été la couverture politique relativement « sécurisante » que confère le comité de coordination à beaucoup de militants politiques en Syrie, un nombre influent de militants effectifs l’auraient quitté.
Le second comité en Syrie est le courant de la Construction de l’Etat Syrien de Louay Hossein, qui dit n’être pas concerné par la question du pouvoir, mais par un dialogue politique avec le régime à des conditions bien définies, proche dans ses thèses du CCNCD.
Enfin, le « Front du Changement et de la Libération » se considère opposant. Il est composé des partis « Volonté Populaire », nouvelle appellation du parti de Kadri Jamil, « L’unité des Communistes », une des scissions du Parti Communiste Syrien-Khaled Bagdach, et d’une des fractions du Parti National Social Syrien, dirigée par Ali Haïder, ces deux partis étant proches du pouvoir. En raison des positions de leurs dirigeants face à la révolution, beaucoup de leurs cadres ont quitté leurs rangs, notamment les jeunes pour rejoindre le mouvement révolutionnaire.
Depuis le mois de février des militants, revenus de leur expérience au sein du CCNCD ou autres, ou qui n’y avaient pas trouvé leur place, tentent de créer une nouvelle organisation, appelée Forum Démocratique Syrien (parmi eux Michel Kilo, Fayez Sara, Hazme Nahar ou Samir Aïta). Il a tenu sa première réunion au Caire entre les 13 et 16 avril dernier et se veut un espace de dialogue, de discussion, une passerelle réunifiant l’opposition, pour une action conciliatrice » et « de réflexion ». Il n’est rien sorti de la réunion qui le distingue des autres forces de l’opposition et ses initiateurs sont de la même veine que les dirigeants du Comité ou du Conseil.
Les expressions du mouvement révolutionnaire
La révolution syrienne a pris son départ le 15 mars 2011 de façon spontanée. L’incendie s’est propagé à la Syrie toute entière, obligeant les jeunes révolutionnaires à créer des formes d’organisation des mouvements de protestation et de gestion des problèmes de l’information et de l’activité. Ils ont mis sur pied des « coordinations », forme qui se répandra largement. Ce phénomène est purement local, constitué dans les quartiers, les villes et les régions. Certaines jouent un rôle d’agitation, d’information, de secours, ou « Face book », mais peu assument toutes ces tâches à la fois.
L’absence de forces politiques effectives sur le terrain, influentes chez les révolutionnaires, pour des raisons dont nous avons évoqué certaines précédemment, a conduit à une quasi éruption volcanique du phénomène des coordinations au point de rendre difficile, voire impossible, l’évaluation de leur nombre réel, de leur taille et du rôle de chacune. Mais on peut dire qu’elles englobent les coordinations sectorielles, dont le nombre n’est pas rendu public, et d’autres dont l’activité tourne autour de l’information et des medias, qui sont connues. Ces derniers mois, en raison de la détérioration de la situation humanitaire, des comités ou des coordinations de secours humanitaire se sont constitués, et nous souhaiterions affirmer que la plupart des coordinations actives sur le terrain ne sont pas nécessairement celles qui sont médiatisées.
Quelques mois après le début de la révolution, on a assisté à des tentatives de regroupement de coordinations, et à l’annonce de la constitution de l’« Union des coordinations de la révolution syrienne » qui a publié son communiqué de fondation début juin 2011. Elle se présente comme suit : « par la réunion des représentants de nombreuses coordinations locales de la révolution syrienne à Damas et ses environs, Deraa, Dir Ezzor et Homs, ces coordinations sont tombées d’accord sur la décision de l’Union d’une réunion de représentants, constituant un noyau pour la fondation de l’« Union des coordinations de la révolution syrienne » qui intégrera toutes les coordinations de la révolution syrienne, sectorielles ou médiatiques ».
L’union est une personne morale qui englobe les coordinations qui la rejoignent. Sa mission est de représenter le mouvement civil sur le terrain, politiquement et médiatiquement, de coordonner et d’unifier l’action sectorielle. Elle vise à constituer la base d’un conseil de la jeunesse et des militants de la révolution, pour protéger ses objectifs et garantir leur réalisation totale. Le comité de l’Union regroupe des coordinations locales de toutes les régions, villes et quartiers. Son discours se distingue par une teinte islamique, sans que cela ne signifie son appartenance politique aux Frères Musulmans ou aux courants salafistes.
Il y a eu aussi la constitution des « Comités de coordination locaux » qui ont ravi le pion aux forces de l’opposition traditionnelle, par l’antériorité de l’annonce de leur constitution, d’une part, et par leur exposé de leur vision de l’avenir de la Syrie, d’autre part, et ce, le 24 avril 2011, à travers un communiqué que nous reproduisons intégralement :
« Avec la poursuite des manifestations exigeant la liberté en Syrie, et leur propagation à de nouvelles régions, et un nombre croissant de manifestants, semaine après semaine, il s’avère nécessaire de préciser et de lever toute ambigüité, quant aux revendications que nous portons par notre révolution, afin d’écarter toute confusion, et pour qu’il n’y ait pas de ralliement, de la part du pouvoir ou par ses manœuvres, ou de certains qui prétendent parler en notre nom, à travers des médias.
On ne pourra se voir réaliser les slogans de la liberté, de la dignité et de la citoyenneté que par un processus de transformation démocratique pacifique en Syrie, impliquant la refonte des institutions de l’Etat national sur ces bases, avec une feuille de route rapide et précise, aux bornes claires : reconnaître l’acuité de la crise nationale que traverse aujourd’hui la Syrie, l’affronter courageusement, et non s’y accrocher, dénaturer son image, comme c’est le cas par la main mise de l’appareil d’oppression, de répression et de diversion gouvernemental dans la violation de l’immunité du sang syrien, de la sécurité du citoyen et de la patrie, et de l’hypothèque l’avenir de la Syrie, par un trafic à bon marché des concepts d’unité nationale et le jeu ouvert sur le confessionnalisme, la diversité ethnique et religieuse.
Et cela passe par :
– L’arrêt des assassinats, des arrestations, de la torture et de la violence à l’encontre des manifestants pacifiques, l’arrêt de la propagande médiatique nauséabonde des médias gouvernementaux, et des médias qui sont dans son orbite, et des poursuites des responsables.
– Faire porter à l’Etat syrien la responsabilité de ce qui s’est passé, que des excuses officielles soient présentées à ce sujet, annoncer trois jours de deuil national en mémoire de l’âme de toutes les victimes en Syrie, civiles ou militaires. Constituer une commission d’enquête indépendante avec la participation de la société civile, dont la mission serait de découvrir les circonstances des événements douloureux. Et que les résultats de ces enquêtes soient révélés à l’opinion publique syrienne, que les responsables de ces crimes soient poursuivis et déférés devant la justice et que soient garanties les conditions d’un procès équitable.
– La dissolution des appareils sécuritaires actuels et leur remplacement par un appareil aux prérogatives limitées en vertu d’une législation claire.
– La libération immédiate de tous les détenus d’opinion et les prisonniers politiques en Syrie, la libération de tous ceux qui sont détenus par les appareils de sécurité, y compris ceux qui ont été condamnés par une justice d’exception ou ordinaire, après leur arrestation par les appareils sécuritaires.
– Réaliser les amendements constitutionnels ouvrant la voie à un changement démocratique, et la consécration de la Syrie comme un Etat civil, respectueux de la pluralité nationale, ethnique et religieuse du pays. Cela suppose l’abolition de l’article 8 de la Constitution et la limitation de la durée et du nombre des mandats du Président de la République à deux mandats non renouvelables, ni prolongés, et d’augmenter les prérogatives de l’Assemblée du peuple.
– Amender les lois électorales concernant l’Assemblée du peuple et les Assemblées municipales, afin de leur permettre de transmettre la voix libre des électeurs, leur volonté et leurs choix, et leur caractère exécutoire.
– Réaliser les amendements et les propositions législatives et constitutionnelles à même de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire.
– Procéder à des élections aux conseils locaux et aux conseils du peuple en accord avec les réformes constitutionnelles issues de la commission précitée.
– Le respect par la constitution de la diversité culturelle et ethnique en Syrie, la garantie des droits culturels et nationaux à toutes les composantes et formes du tissu national syrien, et l’arrêt de toute forme de discrimination sur la base de la race ou de la religion.
– Le retour des exilés, la recherche des disparus, le règlement de leurs droits et de leur situation juridique, et des compensations pour leurs familles.
– La constitution d’un comité national syrien d’équité et de réconciliation en accord avec les critères de justice dans l’étape de transition, afin d’éradiquer à l’avenir tout foyer d’obstruction de la société syrienne et tourner à jamais la page du passé.
– La promulgation d’une nouvelle loi sur les médias garantissant la liberté de presse, en vertu des critères internationaux, constitutionnels et d’une loi du droit à l’information, la libération des médias de la tutelle gouvernementale, notamment de la partie accordant les visas ou les retirant, la transformation de l’information gouvernementale en information de service public, et la création d’un syndicat au vrai sens du terme pour les journalistes en Syrie »
Suivent les signatures des comités, notamment des villes de Deraa, Homs, Banias, Saraqeb, Idleb, Hasaka, Kamechli, Dir Ezzor, de la côte syrienne, Hama, Raqqa, Sweïda, les environs de Damas, et Damas.
Les comités locaux de coordination se sont distingués durant les premiers mois de la révolution par leur position claire sur la militarisation de la révolution. Par leur communiqué du 29 août 2011, ils refusent la militarisation de la révolution, et les dangers qu’elle fait encourir à la lutte révolutionnaire des masses. Ces comités ont rejoint le CNS, dont ils sont membres fondateurs. Ils ont précisé à ce sujet par leur communiqué du 20 septembre 2011, qu’ils le rejoignaient « en dépit de remarques sur l’action du Conseil, les modalités de sa constitution et la représentation des forces en son sein ».
Les comités locaux de coordination se distinguent aussi de par leur appréciation de l’intervention et de la protection internationale. Ils ont indiqué dans le troisième paragraphe de leur communiqué, relatif à la protection internationale, paru le 2 novembre 2011, que « nous soutenons dans ces circonstances très particulières, le droit du peuple syrien à affirmer son droit à décider de son destin, face à la communauté internationale. Nous considérons que les appels émis sur la base du « droit d’ingérence » ou du « devoir d’ingérence » ou de « l’ingérence humanitaire » ou encore de la « responsabilité de la protection » ne doivent pas conduire à contrarier les aspirations du peuple syrien à un changement pacifique par ses propres forces, ou à traiter le peuple syrien comme un champ d’influence dans le jeu des nations. Les manifestants des villes et des villages syriens acclament avec enthousiasme le leitmotiv « le peuple veut ». Le peuple veut s’émanciper de l’oppression, se saisir des décisions concernant les affaires publiques, de façon autonome et pacifique, pour décider de son destin et de tous les aspects de la vie publique, de façon libre et par délibération, afin d’édifier des rapports sains entre les nations. Le peuple syrien ne veut pas remplacer l’oppression par la soumission à une influence étrangère. Le peuple syrien a arraché son indépendance et a fondé son état moderne. Il ambitionne de libérer tout son territoire, en premier lieu le Golan, et de poursuivre son soutien à la lutte des peuples pour décider de leur destin, en premier lieu aux droits du peuple palestinien. Le peuple syrien qui s’insurge contre ses oppresseurs n’abandonnera pas la révolution pour des formes de domination étrangère ».
En dépit des spécificités des positions des comités locaux de coordination, dans les domaines indiqués, ces derniers considèrent encore le CNS comme une couverture politique exprimant leurs positions, alors qu’elles sont parfois totalement contradictoires. L’essentiel de leur activité, à l’exception de certaines coordinations de terrain, qui s’en considèrent partie prenante, est un travail médiatique plus que de terrain. Ils ont reçu des critiques violentes du rôle incompréhensible de nombre de leurs membres qui ont participé aux tribunaux locaux de factions de l’ASL, notamment à Homs, et ont joué aux « commissaires politiques » pour des actions de représailles condamnées par des organes internationaux de défense des droits de l’homme, repris par de nombreux rapports de presse. Et ils ont reçu les critiques de nombreuses coordinations à propos de leur action médiatique et même de soutien. La dernière étant l’annonce de la coordination de Sweïda, au sud de la Syrie, de se retirer des comités locaux de coordination, par son communiqué du 20 avril, parce que ces derniers feignaient d’ignorer et de pratiquer un « black out médiatique » des manifestations dans certaines régions comme Sweïda et Salamiyé, des régions habitées par des minorités nationales et religieuses, et de se concentrer sur les manifestations qui correspondent à ce que propagent les chaînes satellitaires connues « Al Jazira » et « Al Arabiyya », ainsi que le mentionne le communiqué de démission, à ajouter à la démission d’un nombre important de militants de terrain. Il est notoire que des responsables des comités locaux de coordination sont proches du « Parti démocratique du Peuple » (Riyadh Turk) et de la « Déclaration de Damas ».
Le 18 août 2011 lors d’une réunion à Istanbul, la « Commission générale de la révolution syrienne », à l’instar des structures de l’opposition conservatrice, a vu le jour, dans un climat de prolifération des congrès de l’opposition à l’étranger. Il regroupe, si on s’en tient à son communiqué de constitution, 40 coordinations, dont les pages de la révolution syrienne sur Face book, et les réseaux médiatiques de la révolution. Un discours à connotation islamique domine le ton des communiqués de ces derniers mois ainsi que son activité médiatique.
Ces coordinations ne sont pas les plus importantes au niveau de l’action. Il existe de nombreuses coordinations de terrain, constituées de comités locaux dans les villes, tandis que les localités et les villages ont conservé des comités qui s’appellent coordinations, où se retrouvent des militants de diverses obédiences politiques, ou sans ligne politique définie. Leur objectif essentiel est le combat commun pour abattre le régime, mais leur caractère local et leur éclatement restent une des faiblesses du mouvement révolutionnaire.
Mentionnons « La rencontre nationale des forces et des coordinations de la révolution », qui regroupe un nombre important de militants de terrain dans trois régions essentiellement : Hama, Deraa et Dir Ezzor, ou encore « les libres de la révolution de la dignité », un regroupement de coordinations actives à Damas et ses banlieues, ou le « rassemblement NABDH pour la jeunesse civile » qui est actif à Homs et ses campagnes, ainsi que Damas et ses banlieues, et la « Coalition Watan » qui regroupe de nombreux comités actifs sur le terrain au niveau national, et qui n’est pas encore devenue, en dépit de son activité, une voix politique remarquée. Elle fait face à des pressions de tous bords, des appareils sécuritaires, ce qui était attendu, mais aussi du CCNCD, du CNS, du Forum démocratique, chacun d’eux avec leur propre agenda politique. [1]
Nous considérons toujours que la Coalition Watan qui regroupe maintenant 17 formations pourrait être le point de départ de la construction d’une direction de masse révolutionnaire alternative, d’autant qu’elle compte dans ses rangs un nombre important de groupes de gauche combatifs. Il faut œuvrer à intégrer ceux qui sont encore à l’extérieur, par exemple, et ce n’est pas exhaustif, les « Coordinations des Communistes Syriens » qui comptent parmi eux des jeunes extraordinaires d’enthousiasme et d’activité, et le groupe Perspectives de gauche, etc. La coalition Watan, constituée le 13 février 2012, n’a pas encore acquis une vraie dynamique organisationnelle et politique, et si ce retard perdurait, ce serait très dommageable, politiquement et sur le terrain.
Il ne fait aucun doute que la sauvagerie abjecte du régime dictatorial envers les révolutionnaires et les populations dans les quartiers et les villes, l’augmentation du nombre des déserteurs, en parallèle avec la tendance à la militarisation et l’armement, en réaction à la sauvagerie du pouvoir sanguinaire, en tant qu’instrument d’auto défense, tout ceci amène nombre de coordinations à une confusion entre leur composante majoritaire attachée sur à la lutte de masse non armée, et des groupes minoritaires qui lorgnent du côté de l’action armée, pour affronter un régime sauvage et immoral.
La seconde problématique notoire au niveau du mouvement révolutionnaire, est celle posée par le CNS dernièrement, et plus particulièrement par sa composante hégémonique, à savoir les Frères musulmans, qui gagnent de la sympathie même si de façon limitée, du côté des militants dans les coordinations, car ils prodiguent des aides, des secours, ou un soutien financier aux militants, profitant en cela de la manne financière en provenance des pays parrains du CNS. Mais ni le CNS, ni ses noyaux essentiels, les Frères musulmans, ne peuvent arriver à leurs fins comme ils le voudraient, car peu de militants acceptent une aide conditionnée, et parce que les révolutionnaires se sont libérés du concept de suivisme, et ils considèrent qu’offrir aide ou soutien est un devoir et non pas une faveur de quiconque.
La situation kurde
La majorité des forces d’opposition arabes a saisi l’importance des forces politiques kurdes tardivement, puisque la révolte de mars du peuple kurde de l’année 2004 a placé la question kurde au cœur des luttes syriennes. Les forces politiques kurdes se sont senties seules et abandonnées par les forces d’opposition arabes, lorsqu’elles ont du affronter la violence et la sauvagerie du pouvoir. La position de la majorité des forces politiques arabes de l’opposition pendant le soulèvement, était effectivement honteuse. Cette position, même une fois abandonnée, a laissé des séquelles en termes de circonspection et de méfiance arborées par les forces kurdes quant à la réalité et la fermeté des positions des forces de l’opposition arabe. C’est une défiance légitime, car les positions de nombre de forces arabes de l’opposition sont confuses et contradictoires à bien des égards. Nous ne reviendrons pas sur les positions maladroites et contradictoires de Borhan Ghalioun et du CNS sur la question kurde.
Depuis le soulèvement kurde de l’année 2004, toutes les forces de l’opposition arabe cherchent à gagner la sympathie des forces kurdes, mais en même temps elles restent discréditées quant à la portée de la sincérité de leurs convictions en ce qui concerne les droits des kurdes de Syrie.
Ceci a poussé plusieurs partis kurdes (à l’exception de l’Union démocratique) à se retirer du CCNCD, à la fin octobre 2011, pour former le Conseil National Kurde (CNK). De même, les composantes kurdes (à l’exception de quelques personnes) se sont retirées du CNS, à la suite de la dernière réunion des 26 et 27 mars 2012 à Istanbul, qui s’est tenue sous le slogan de l’ »unification de l’opposition syrienne ». A la suite de la publication par le CNS du « document national sur la question kurde », la majorité des membres du bloc national kurde qui s’étaient retirés à Istanbul sont revenus.
Le CNK regroupe aujourd’hui la majorité des forces politiques et des coordinations kurdes, à l’exception du Parti de l’Union Démocratique (PUD), la section syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan, dirigé par Abdallah Ocalan, emprisonné dans les prisons turques. La politique de ce parti est liée aux décisions du parti en Turquie or c’est le parti kurde qui est membre du CCNCD. Au sein du CNK également le courant indépendant kurde, fondé par une personnalité éminente, le martyr Michel Temo, assassiné le 7 octobre dernier. C’est un parti kurde relativement nouveau, fondé en 2005, aux positions tranchées, hostiles au régime dictatorial, et déterminé à l’abattre.
La jeunesse kurde a participé avec beaucoup d’enthousiasme aux protestations depuis le début et ils continuent. Ils ont créé comme dans le reste des régions de la Syrie leurs coordinations actives sur le terrain dont la majorité a adhéré au CNK.
A l’exception de la région d’Afarin, sous hégémonie du PUD, et qui connaît un calme relatif, la majorité des régions kurdes sont embrasées. Elles ont une dynamique nationale et une spécificité nationale en même temps. Les manifestations de mars dernier se sont déroulées par exemple sous le slogan des « droits kurdes » à la différence du reste des régions de la Syrie pour affirmer le refus du peuple kurde des positions du CNS et du reste de l’opposition arabe, sur la question kurde.
Les forces kurdes s’associent dans l’ensemble aux revendications exigeant une sorte de droit à décider de leur destin, dans un « Etat non centralisé » sur l’ensemble de la Syrie, à la reconnaissance constitutionnelle des droits nationaux du peuple kurde en Syrie, d’autant que c’est la seconde nationalité du pays, au refus des injustices et à l’abolition de toutes les lois et mesures préjudiciables pour leurs droits, promulguées pendant les dernières décennies. En tous cas, on n’entend pas d’appel à la scission.
Le PUD jouit d’un traitement particulier du parti au pouvoir : c’est la politique de l’ »avalage de couleuvres » sur ses pratiques dans les régions kurdes. La raison en revient à l’hostilité claire de ce parti envers le gouvernement turc qui représente une menace actuellement pour le pouvoir syrien. Ce parti construit dans ses régions une « autogestion démocratique » œuvrant à gérer les régions où il est présent et influent. Les forces du CNK ont rejoint le PUD et ont créé elles aussi des « Conseils locaux » moins efficaces que les premiers.
Le PUD se caractérise par la discipline de ses membres et sa fermeté face à ses dissidents ou ses concurrents et le fait que le parti-mère en Turquie dispose de forces armées qui ont des prolongements en Syrie. La crainte de la surenchère des combats avec les forces du CNK ont conduit à l’élaboration d’un document de compréhension mutuelle le 3 mars 2012 pour éviter les combats fratricides kurdes-kurdes.
Une stratégie pour la Syrie ne pourra esquiver une réponse claire à la question nationale kurde, à même de créer la confiance entre le peuple kurde et ses forces politiques (qui à l’occasion pâtissent des mêmes problématiques de l’opposition arabe, mais elles en diffèrent par le fait que la majorité des forces kurdes sont clairement laïques) et les forces de la révolution et les masses arabes insurgées, et d’unifier les luttes pour abattre le régime et édifier une Syrie libre démocratique et laïque, dont tous les citoyens seraient égaux, par delà leurs origines ethniques, religieuses ou sexuelles.
Il est utile de rappeler que les régions kurdes marginalisées et paupérisées ne se lanceront dans des luttes politiques et sociales communes que lorsque sera arrêtée une position révolutionnaire claire des forces révolutionnaires arabes face à la question nationale kurde. Nous n’encourageons pas la séparation du peuple kurde en Syrie car nous considérons que dans les circonstances actuelles, cela serai préjudiciable à la lutte commune des couches sociale populaires contre leurs bourgeoisies, toutes nationalités confondues. Cela affaiblirait la lutte contre la dictature et notre lutte commune pour la justice sociale et conduirait le pays à une guerre civile catastrophique. Cela assujettirait les masses populaires kurdes à des directions nationales qui n’ont rien à envier aux directions arabes.
Notre position de principe repose sur ce qui suit : l’aspiration à l’intérêt commun kurde-arabe dans la lutte contre le régime despotique, la reconnaissance des oppressions nationales, subies par le peuple kurde de la part de tous les gouvernements arabes en Syrie, y compris le régime actuel, la reconnaissance de ces injustices qui signifie d’en finir avec elles et d’appeler à s’engager à la réalisation de l’égalité totale entre tous les citoyens syriens, quelques soient leur appartenance nationale, ethnique, religieuse ou sexuelle, la reconnaissance constitutionnelle des droits nationaux du peuple kurde de Syrie, y compris de la part de la gauche révolutionnaire syrienne- du droit à l’autodétermination et à faire scission en d’autres termes, même si nous encourageons nos populations kurdes en même temps à rester dans l’unité populaire syrienne.
C’est seulement à partir de cette position que nous pourrons renforcer l’aspect de la lutte commune de toutes les composantes nationales des masses syriennes dans leur lutte unifiée pour abattre le régime d’oppression et réaliser la liberté, l’égalité et la justice sociale.
Remarques préliminaires sur la construction d’une direction révolutionnaire de masse
Les forces du mouvement révolutionnaire sont en général les classes laborieuses et paupérisées et la jeunesse. La seule composante sociale à être descendue sur le terrain sont les étudiants, dont on peut dire sans beaucoup se tromper que la majeure partie d’entre eux ont des origines sociales ouvrières ou moyennes et qu’ils représentant dans de telles circonstances, les « intellectuels » de ces classes. Nous n’avons pas trouvé d’action de la classe ouvrière en tant que telle, jusqu’à maintenant. Nous ferons une exception pour les protestations ascendantes des classes moyennes et inférieures dans les syndicats ouvriers, dominés par les appareils du pouvoir et qui se sont fait entendre pendant le mouvement révolutionnaire, exigeant leur autonomie par rapport à l’Etat, la réalisation des revendications ouvrières, l’augmentation des salaires, de meilleures conditions des contrats de travail et de mettre un frein, pour ne pas dire interdire, les licenciements, d’autant plus que près de cent mille travailleurs ont été licenciés l’année dernière, le pouvoir ayant fermé plus de 180 usines. En dépit des liens entre la bureaucratie de l’Union Générale des Travailleurs et le pouvoir, la contestation la submerge depuis 2006 et elle va croissant avec la révolution en cours. Aucune force politique de l’opposition ne se soucie d’avoir des activités dans les rangs de la classe ouvrière syrienne, dont le nombre avoisine les deux millions, si l’on s’en tient aux chiffres officiels, et aucune non plus ne propose de programme défendant ses intérêts ou ses revendications, ni n’appelle à son autonomie par rapport à l’Etat ni même à construire des syndicats autonomes ; n’omettons pas la marginalisation et la réquisition de terres auxquelles se sont heurtées les zones rurales dans les années passées, et la nécessité de proposer un nouveau programme de développement rendant aux petits paysans leurs droits, l’administration directe de leurs affaires, avec l’aide de l’Etat.
Par ailleurs, la société syrienne est une société pluri nationale, pluri religieuse, et multi confessionnelle. Il est impossible d’en convaincre de larges secteurs, notamment les couches moyennes, des habitants des deux grandes villes que sont Damas et Alep sans proposer un programme de transition garantissant la reconnaissance des droits nationaux aux minorités nationales, la laïcité de l’Etat à venir sur les ruines du régime actuel. Cette laïcité ne signifie aucunement l’hostilité envers les religions, mais elle signifie la séparation de la religion de l’Etat, ainsi que la reconnaissance des droits de la femme, son égalité avec l’homme, soit l’égalité de tous les citoyens en droits et en devoirs, quelque soit leur appartenance ethnique, nationale, religieuse ou sexuelle.
Le peuple syrien insurgé est un peuple jaloux de son indépendance, il refusera toutes les tentatives de spoliation de cette dernière que ce soit par le pouvoir en place, ou par des forces régionales ou internationales. Il est attaché à la restitution de ses terres spoliées, et à la lutte du peuple palestinien pour la restitution de tous ses droits historiques. Les masses insurgées ont fait l’expérience depuis un an de la portée des processus en cours dans la région, et de leur influence réciproque.
Nous croyons qu’un programme de transition révolutionnaire de la direction de masse alternatif doit englober les questions susmentionnées.
Lors de la guerre civile espagnole dans les années trente du siècle passé, et dans le cadre de la lutte armée de masse, Trotski estimait que « la tâche urgente des communistes espagnols n’est pas (seulement) la lutte pour arracher le pouvoir, mais la lutte également pour les masses »
En Syrie aujourd’hui, les forces de gauche militantes (et les forces démocratiques laïques radicales) doivent mettre sur pied une alliance révolutionnaire, pour gagner les masses, sur la base de leur programme, à travers l’engagement direct dans le mouvement révolutionnaire, et aider les initiatives des masses révolutionnaires à construire leurs comités d’auto organisation et d’auto gestion dans les quartiers, les usines et les villes, et à poser haut les revendications économiques, sociales et ouvrières, dans la lutte violente en cours pour la chute du régime. A elles de porter le slogan transitoire d’un gouvernement révolutionnaire provisoire, qui aura deux tâches après la chute du régime, dans le cadre du programme de transition démocratique révolutionnaire autour duquel se rencontreront les milieux les plus larges des masses insurgées : la première, de détruire l’Etat sécuritaire, et la seconde l’élection libre et loyale d’une assemblée constituante reposant sur une proportionnelle relative non confessionnelle.
L’émergence de cette direction de masse révolutionnaire est une question essentielle pour le devenir du processus révolutionnaire. Elle est la garantie de la chute du régime et des plus profonds changements politiques et sociaux, par un processus révolutionnaire permanent. Elle mettra un terme à la fable de l’arriération de la conscience des masses, par laquelle certains justifient leur abandon de ce programme. Car, comme le dit Trotski, « Nous ne solidarisons pas un instant avec les illusions des masses, mais ce qui se cache de progressiste sous ces illusions, nous devons l’utiliser jusqu’au bout, autrement nous ne serions pas des révolutionnaires, mais de misérables pédants ».
Donc, que les attentistes et les geignards arrêtent d’attendre, de se plaindre et de chercher des prétextes à leur désintérêt, et qu’ils cèdent la place à la lutte et à l’action en vue de l’édification de cette direction de masse révolutionnaire alternative, immédiatement !
Ghayath Naïssé