Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 touche le nord-est du Japon. Un peu moins d’une heure après, le tsunami atteint la centrale nucléaire de Fukushima-Daichii. La vague endommage gravement les réacteurs 1 à 3 ainsi que la piscine d’entreposage de combustibles usagés du réacteur 4.
D’après l’Institut français de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN), les cœurs des trois réacteurs sont entrés en fusion et ont formé du corium, un magma métallique hautement radioactif. « On a affaire à trois réacteurs dans lequel le combustible a coulé dans l’enceinte de confinement », explique Thierry Charles, directeur général adjoint chargé de la sûreté des installations et des systèmes nucléaires à l’IRSN. La quantité de corium qui a percé les cuves des réacteurs n’est cependant toujours pas connue. Quand à la piscine du bâtiment 4, « la contamination de l’eau ne semble pas montrer qu’il y ait eu de fortes dégradations des combustibles ».
Malgré tout, la situation est désormais stable. Depuis le mois de décembre, la Tokyo electric power compagny (Tepco), l’exploitant de la centrale, est parvenue à refroidir les trois réacteurs à une température inférieure à 100°C (entre 23 et 53°C aujourd’hui). « A cette température, on peut considérer que le corium est en phase solide » précise Thierry Charles. Un seuil important à franchir puisque l’eau chargée de refroidir le corium ne bout plus – et donc ne s’évapore plus. Les surpressions et les fuites radioactives sont limitées.
Le traitement de l’eau contaminée
Le refroidissement de ces réacteurs a lieu en circuit fermé. Cela signifie que les eaux contaminées par leur passage dans l’enceinte des bâtiments sont traitées par adsorption de césium sur des filtres en zéolithes –une unité conçue par Kurion (USA) puis Toshiba - avant d’être réutilisées. Une première boucle mise en place par le groupe français Areva en juin avait déjà permis de désengorger les bâtiments plein d’eau en utilisant divers produits chimiques chargés de faire précipiter les particules radioactives. Avant cela, les bâtiments étaient remplis chaque jour de 500 tonnes d’eau supplémentaires et menaçaient, à terme, de déborder. Depuis quelques mois, cette installation sert de solution de secours et n’est censée entrer en jeu que lors d’opération de maintenance des autres procédés de décontamination. Le traitement de l’eau reste d’autant plus important que la diminution de la température des réacteurs nécessite encore entre 7 et 10 m3 d’eau par heure.
Tepco a aussi installé de multiples matériels pour assurer le pompage et la circulation de l’eau. Certains de ces équipements ont d’ailleurs été placés en hauteur, pour éviter qu’ils soient submergés en cas de nouveau tsunami. Les Japonais ont mis en place l’injection d’azote, un gaz inerte, dans les réacteurs, pour éviter la combustion de l’hydrogène produit par les effets de la radioactivité sur l’eau. Des installations qui procurent au site « une certaines robustesse », estime l’expert en sécurité nucléaire. Enfin, le réacteur 1 a été recouvert de panneaux pour confiner le bâtiment et limiter les rejets radioactifs dans l’environnement. Un dispositif envisagé pour les réacteurs 3 et 4 également, mais plus difficile à réaliser étant donné l’état de dégradation des bâtiments.
« La situation s’est nettement améliorée mais reste précaire », selon Thierry Charles. « L’enjeu est de maintenir ces conditions ». L’état de la centrale de Fukushima ne sera parfaitement maîtrisé que d’ici une dizaine d’années, quand les combustibles usagers auront été retirés des piscines d’entreposages et le corium extrait des enceintes de confinement. Un démantèlement total de la centrale prendra lui, entre 30 et 40 ans et demandera de nombreux efforts de recherches dans ce domaine.
Clément Delorme
Sciences et Avenir.fr
10/03/2012