L’Institut Civitas, un mouvement proche des catholiques traditionalistes et intégristes, qui s’est largement fait connaitre par ses actions contre des pièces de théâtre jugées « blasphématoires » ces derniers mois, appelle à une marche contre François Hollande, le 13 mai. L’Institut refuse « une France rouge et laïciste » et estime que le programme de François Hollande « effraie et divise profondément les Français ». Il fustige notamment sa « vision intrinsèquement anti-chrétienne, anti-familiale et anti-nationale ».
L’immense majorité des catholiques ne se reconnaît pas dans la tonalité de ces attaques tous azimuts et frontales. Mais au delà de cette virulence, Civitas met en cause deux points jugés inacceptables par la majorité des catholiques et clairement pointés par certains évêques durant la campagne : les promesses du président élu d’ouvrir le mariage aux personnes du même sexe et d’assouplir la loi Leonetti sur la fin de vie. Sans entrer en guerre ouverte et « afin d’éviter tout procès d’intention », la plus grande partie de la hiérarchie catholique s’est pour l’instant plutôt efforcée de « faire passer des messages » à l’entourage de François Hollande. Sans l’assurance d’avoir été entendue.
Rompant avec cette discrétion, le porte-parole de la Conférence des évêques de France (CEF) s’est donc montré particulièrement explicite dans La Croix du 8 mai. Rappelant l’opposition de l’Eglise sur ces thèmes, il s’inquiète de décisions du futur gouvernement dans ce sens. « Cela cliverait le pays », estime Mgr Bernard Podvin. Plus clairement encore, il prévient : « L’Eglise doit conserver la liberté de dire ce qu’elle rejette même si cela doit l’amener à s’opposer à la nouvelle majorité », comme cela a pu être le cas en Espagne, notamment. Sur ces sujets, certains responsables catholiques sentent l’Eglise « sur le fil du rasoir » et craignent même que « Civitas touche au delà de ses cercles habituels ».
Beaucoup espèrent donc que « les promesses de campagne » en restent au stade des promesses. Ainsi, l’éditorial de La Croix du 8 mai précisait : « sur les questions de société, les ambitions affichées (euthanasie, laïcité,...) [de François Hollande] ne font pas l’unanimité. Et l’on ne mesure pas bien où sont la pertinence et l’opportunité d’ouvrir tous ces chantiers ». Même tonalité dans l’éditorial de La Vie, signé Jean-Pierre Denis, le 10 mai : « je doute que ces lois dites d’égalité et de liberté soient celles qu’attendent en priorité les fragiles, les précaires, les très pauvres. Le sociétal n’est pas le social ». Mais d’autres craignent que « face à des marges de manœuvre restreintes sur le plan économique, le gouvernement ait la tentation d’incarner le progrès sur ces questions sociétales ».
Dans ce contexte, évêques, prêtres et laïcs pourraient s’efforcer de faire valoir que ces sujets débordent du cadre confessionnel, afin de susciter des débats de fond. Leur référence : les prises de parole publique de l’Eglise et ses contacts avec les parlementaires lors de la révision des lois de bioéthique.
Stéphanie Le Bars