« Il existe une sorte d’homme toujours en avance sur ses excréments. », notait René Char dans ses Feuillets d’Hypnos (1943-1944)...
Le poète-résistant captait depuis le maquis le dégoût susceptible de saisir l’humaniste ordinaire vis-à-vis de certains de ses « frères humains » au cœur d’un moment d’exceptionnelle barbarie. Dans une situation politique plus routinière, avec des conséquences beaucoup moins dramatiques, certains comportements politiciens actuels peuvent aussi appeler notre dégoût. Les usages à des fins étroitement électoralistes des thèmes associés de « l’identité nationale », de « l’immigration » et de « l’insécurité » par Nicolas Sarkozy sont de ceux-là. Mais quelles réponses proprement politiques pourrions-nous apporter ?
« Si on n’avait pas l’Identité nationale, on serait derrière Ségolène. »
On trouve une source flagrante de ce dégoût au cœur des dernières élections présidentielles. Dans son récit littéraire de la campagne du futur Président de la République, L’aube le soir la nuit (Flammarion, 2007), l’écrivaine Yasmina Reza fait état d’une intervention du candidat de l’UMP devant quelques partisans avant le 1er tour :
« Si on n’avait pas l’Identité nationale, on serait derrière Ségolène. (...) Si je suis à 30%, c’est qu’on a les électeurs Le Pen. Si les électeurs Le Pen me quittent, on plonge. » (p. 130)
Dans une logique de conquête de « marchés électoraux », tous les moyens semblaient bons à ce véritable « entrepreneur politique », sans la moindre « éthique de responsabilité » (au sens que le sociologue Max Weber a donné à cette expression dans sa célèbre conférence de janvier 1919 sur « La profession et la vocation de politique », c’est-à-dire d’une attention aux conséquences de ses discours et de ses actes sur la réalité).
Point besoin ici de chercher une cohérence idéologique On voit plutôt combien les différentes conjonctures sont propices chez lui à l’amalgame de matériaux idéologiques les plus contradictoires. Une logique de professionnalisation politique extrême, sécrétant une forme de cynisme corporatif, est plus à même d’en rendre compte. Mais le manipulateur est lui-même manipulé par les données historiques et les circonstances. Ainsi, marionnette des évidences néolibérales qui se sont consolidées parmi les Z’élites au cours des années 1980-1990, il ne peut, afin de faire remonter sa « côte de popularité » face à la crise financière du capitalisme, qu’en dénoncer « les excès », sans en remettre en cause la logique principale.
Clivage national-racial contre clivage de la justice sociale
Son « plan de carrière » présidentielle a aussi hérité d’un certain état au sein de la société française de la compétition entre le clivage de la justice sociale (représentation de notre société faisant de la répartition des ressources l’axe central) et le clivage national-racial (une représentation concurrente autour de l’opposition « français »/« étrangers », avec une vision ethnicisante des « étrangers » incluant des personnes juridiquement françaises). Á partir du début des années 1980, les brouillages intellectuels de la gauche et les désenchantements que sa politique a suscités, d’une part, et le travail politique de Front national, d’autre part, ont contribué à faire reculer le premier au profit du second. C’est dans cette dynamique que l’association « immigration »/« insécurité » a pu devenir un lieu commun dans une série de secteurs politiques et sociaux.
Le sarkozysme en a alors fait un usage électoral plus soft et électoralement plus présentable que le FN ; d’autant plus qu’il pouvait se targuer de faire reculer ce dernier. Une forme de xénophobie subliminale a ainsi pu cohabiter avec un anti-frontisme explicite dans les discours de la campagne présidentielle, en s’adressant de manière différente à des « segments » différents du « marché électoral ».
Nicolas Sarkozy et Éric Besson ont remis les mains dans ce cambouis électoraliste à la veille d’élections régionales difficiles pour l’UMP. La tribune présidentielle publiée dans Le Monde du 9 décembre 2009 (« L’identité nationale, antidote au communautarisme ») continue à se situer à la lisière des proclamations républicaines vertueuses et d’une xénophobie subliminale. « Communautarisme », accolé à « tribalisme », c’est encore une façon soft, sans avoir l’air d’y toucher, de stigmatiser les musulmans dans leur ensemble. La compréhension manifestée à l’égard du vote suisse quant à l’interdiction des minarets comme la mise en équivalence de « la civilisation chrétienne » et des « valeurs de la République » dans « notre identité nationale », constituent des clignotants subliminaux d’un type analogue.
Un mépris retors du « peuple »
Dans ce texte, d’autres traits particulièrement retors concernent « le peuple ». S’extirpant rhétoriquement et fictivement de sa position de chef de l’establishment, Nicolas Sarkozy fait mine de s’offusquer du « mépris du peuple » à l’œuvre « dans certains milieux médiatiques et politiques ». Mais, avec une incohérence logique habituelle chez les démagogues, ce « peuple » est lui-même vu de haut, de manière misérabiliste, comme un être passif, principalement fait de « souffrance », le rendant alors trop sensible aux « extrêmes ». Plus, implicitement, Nicolas Sarkozy semble nous parler d’un « populaire » spontanément mu, à cause de ses « difficultés » et de ses « souffrances », par des passions irrationnelles, voire dangereuses, s’il n’était pas « compris » par son paternaliste chef de l’État. « Compréhension » contrainte de faire quelques concessions aux penchants noirs du « peuple » pour en modérer les excès, propices aux « succès des extrêmes ». Ou comment le mépris élitiste d’un « populaire » fantasmé arrive à se présenter comme une critique du « mépris du peuple » ! Bravo l’artiste, serait-on tenté de lancer, si l’ignoble ne nous laissait de l’amertume dans la bouche.
Rappelons plus modestement, en sociologue, que « le peuple » n’existe pas comme essence homogène et intemporelle, ni négative, ni positive d’ailleurs (n’en déplaise à certaines mythologies de gauche et d’extrême-gauche !). Il n’existe qu’une large diversité de pratiques populaires, plus ou moins contradictoires entre elles, observables et surtout, sur les scènes politiques, des controverses opposant différentes constructions possibles du « populaire ».
Du « Tout sauf Berlusconi » au « Tout sauf Sarkozy » ?
Face à ces relents nauséabonds du sarkozysme, la focalisation électorale sur un « Tout sauf Sarkozy » apparaît-elle comme une parade consistante ? Nos affects nous y poussent, mais serait-ce raisonnable ? Peut-être pas, si l’on se situe dans le cadre d’une éthique de responsabilité qui ferait le choix d’un horizon temporel plus large, n’imitant pas Nicolas Sarkozy dans son agitation prisonnière d’un présent perpétuel.
Car dans un autre contexte, doté cependant de quelques analogies, le « Tout sauf Berlusconi » a conduit en Italie à la victoire d’une coalition allant du centre à la gauche radicale en 2006. En 2008, alors que ce « centre-gauche » avait mené une politique intérieure et extérieure proche de celle d’Il Cavaliere, mais sans ses excès, ce dernier est revenu au pouvoir. La gauche en est sortie en miettes, la possibilité d’une alternative s’est éloignée, et on attend des juges anti-corruption et anti-mafia une hypothétique solution...
Une telle expérience nous invite à jouer sur deux temporalités en tension. Dans le court terme, il faudrait s’efforcer de bâtir les convergences les plus larges pour s’opposer aux politiques sarkozystes dans une floraison de luttes et d’expériences alternatives (la victoire du CPE n’est pas si loin). Puis il est possible de se rassembler aux deuxièmes tours des prochaines échéances électorales (Régionales, Présidentielles et Législatives) pour battre l’UMP et Nicolas Sarkozy dans les urnes. Certes sans illusions quant aux proximités effectives entre sa politique et celle de la gauche officielle. Mais une politique du pire, adossée à un « bonnet blanc, blanc bonnet » trop simpliste, ne laisserait pas les forces alternatives indemnes. En attendant qu’un hypothétique mieux n’émerge ne doit-on pas s’efforcer de se débarrasser du pire dans la situation (pas du pire en soi, car les slogans du type « Sarkozy = fasciste » ne comprennent pas grand-chose à sa situation de professionnel de la politique, certes un peu plus habile que d’autres, manipulant des affects racistes dans certains secteurs électoraux, avec en prime la bonne conscience de faire reculer l’extrême-droite) ?
Á moyen terme : une question sociale renouvelée et élargie
Cependant, à moyen terme, il s’agit de préparer les voies d’une alternative, non seulement aux excès sarkozystes, mais plus profondément à un capitalisme productiviste générateur d’inégalités sociales, de dérèglements écologiques et de mal-être individuel. Pour retrouver les sentiers aérés de l’émancipation individuelle et collective, ouverts dans un autre contexte par les Lumières du XVIIIe siècle. Mais aussi afin que des désenchantements successifs et qu’une dévalorisation corrélative de la politique ne fassent pas le lit d’une nouvelle entreprise démagogique, d’une nouvelle modalité du pire dans un contexte renouvelé. Refuser le piège des termes ethnicisants du débat gouvernemental sur « l’identité nationale », en ce qu’ils mettent au premier plan le clivage national-racial, suppose de lui opposer la construction patiente d’une figure renouvelée de la question sociale, prenant appui sur les injustices structurellement produites par la contradiction capital/travail, mais qui élargisse son cadre à :
1) D’autres discriminations (en interaction avec la logique capitaliste, mais qui ne lui sont pas réductibles) : sexistes, racistes et « postcoloniales » (affectant systématiquement les immigrés et les populations issues de l’immigration, avec des analogies avec la période coloniale), homophobes, etc. Or, avec une « identité nationale » faisant signe du côté du carré « intégration »/« immigration »/« menace islamique »/« insécurité », on cherche à nous entraîner sur un terrain qui prend en compte la situation des fractions immigrées ou issues de l’immigration des classes populaires, mais de manière principalement stigmatisante et ethnicisante. On récupère aussi la question de l’oppression des femmes et des homosexuels, mais uniquement dans le rapport à un islam caricaturé de manière homogénéisante (ce qui ne veut pas dire que des discriminations vis-à-vis des femmes et des homosexuels ne travaillent pas historiquement la tradition musulmane comme nombre d’autres traditions religieuses, dont la fameuse « civilisation chrétienne » chère à Nicolas Sarkozy).
2) Aux relations entre les risques sur la planète (climatiques, techno-scientifiques, pollutions diverses, biodiversité, etc.) et les inégalités sociales, en prenant au sérieux la contradiction capital/nature traversant le capitalisme. Ce qui est contraire à la borlooisation de l’écologie, comme rustine d’un capitalisme en crise.
3) La prise en compte des dégâts sur les individualités de la standardisation marchande et des défauts de reconnaissance produits par le néocapitalisme (avec des formes extrêmes comme les suicides au travail), stimulant d’un côté les aspirations à la réalisation de soi et d’un autre côté les frustrant, car les remixant dans sa logique de profit. Il y a là une véritable contradiction capital/individualité affectant le cours du capitalisme contemporain. Cela nous oppose à la réduction des désirs individualistes au processus néolibéral de la mise en concurrence des individus.
Au couple « identité nationale »/« intégration », il faudrait tenter de substituer un vocabulaire élargi de la question sociale autour des « inégalités » et des « discriminations », associé aux exigences écologistes (à ne pas abandonner à un capitalisme vert) et aux aspirations individuelles (à ne pas laisser au néolibéralisme). Cela constituerait des repères cardinaux tant dans les luttes et expérimentations à court terme que dans l’exploration d’un programme et d’un projet de société à moyen terme.
Mais pour tenir compte des ravages récurrents sur les espoirs de changement des mécanismes de concentration du pouvoir, des logiques de mimétisme institutionnel entre Z’élites de droite et de gauche comme de la hiérarchisation bureaucratique au sein des institutions étatiques existantes, il ne serait pas raisonnable de pas donner une tonalité libertaire à la construction politique de cette nouvelle question sociale. D’où l’importance accordée aux dynamiques d’auto-organisation sociale et citoyenne, aux dispositifs de démocratie directe et participative, au contrôle des représentants, à la réduction drastique du cumul des mandats (à un même moment et dans le temps), aux procédures de limitation réciproque des pouvoirs et à la transformation radicale des institutions actuelles.
Pour une indépendance des gauches radicales sans repli identitaire
Le PS demeure une force hégémonique électoralement à gauche, mais il continue à s’inscrire dans la gestion néolibérale et professionnalisée de la politique. Des différences existent bien entre le PS et l’UMP (quelques touches sociales et sociétales, une pointe de services publics en plus, une mise à distance non négligeable des aspects les plus choquants d’un point de vue éthique du sarkozysme), mais dans un cadre global similaire susceptible de générer de nouvelles déceptions. Le label Europe Écologie, en tant que produit d’un marketing politique s’efforçant de sortir les Verts français de leurs divisions internes, en amalgamant de manière confuse autour de « personnalités » des orientations « centristes » et des points de vue plus radicaux, un capitalisme vert et des critiques du capitalisme, n’offre guère d’alternatives crédibles au productivisme capitaliste ravageant aujourd’hui la planète et ses habitants. Par ailleurs, il renforce la logique de la professionnalisation politique, en renvoyant aux calendes grecques la « politique autrement ». Enfin le PCF, tiraillé entre ses proclamations « gauche de gauche » et les dépendances institutionnelles de son appareil vis-à-vis du PS, finit en général par choisir le second pôle, servant alors de « rabatteur » vers le PS.
Pour tenter de faire vivre une dynamique entre le court et le moyen terme, les gauches radicales et altermondialistes ont alors besoin de cultiver leur indépendance vis-à-vis de la gauche officielle : indépendance intellectuelle, indépendance expérimentale, indépendance dans les luttes, indépendance organisationnelle, indépendance stratégique. Afin de ne pas basculer dans les deux écueils qui les menacent : 1) le sacrifice du moyen terme au profit du court terme, en se laissant happer par les urgences électorales anti-sarkozystes et les illusions de « l’unité pour l’unité », en ne voyant pas plus loin que le bout de leurs affects les plus immédiats ; et 2) le sacrifice du court terme au profit du moyen terme, dans un repli identitaire abandonnant de fait une efficacité pratique sur la situation (malgré les grandes déclarations sur « la lutte des classes » et « la révolution » qui ne mangent pas de pain).
Quelle traduction en terme de stratégie électorale peut-on tirer de cette formulation du problème pour les forces proprement partisanes de la galaxie radicale et altermondialiste ? Clair engagement pour battre la droite sarkozyste aux seconds tours, d’une part, listes et candidats indépendant(e)s aux premiers tours et refus de participer à la gestion sociale-libérale/productiviste des collectivités locales et du pays, d’autre part : ce sont des garde-fous susceptibles de nous éviter, malgré les hésitations tactiques inévitables, d’abandonner en cours de route une des coordonnées principales de la période. Certes, la politique, si elle veut rester vivante, ne peut pas rompre avec les affects immédiats (et ici en particulier avec les affects anti-sarkozystes et unitaires à gauche), mais elle doit pouvoir les réinsérer dans un horizon temporel plus large et raisonné. La politique n’est-elle pas au mieux faite de paris raisonnés en situation d’incertitude relative, à partir de connaissances partielles, de valeurs et d’aiguillons affectifs ?
Fragilité politique, entre résistance et utopie
Cette perspective qui fait avec les fragilités humaines et les ambiguïtés inéliminables d’une situation ne satisfera guère ceux qui croient avoir des réponses définitives, soit immédiates (« Tout sauf Sarkozy » et/ou « L’unité à tout prix »), soit à moyen terme (« la Révolution », à l’aune de laquelle toute visée pragmatique serait une « trahison »). Ces porteurs de certitudes opposées pourraient d’ailleurs oublier, pour des raisons différentes, que le principal pour une nouvelle gauche radicale ne se situe peut-être pas aujourd’hui dans un jugement global (bienveillant ou méfiant) vis-à-vis de l’arène électorale, mais dans l’inventivité au sein des luttes sociales et des expériences alternatives, comme dans les modes d’organisation, les formes de militantisme et l’intelligence coopérative susceptible de s’y élaborer, mais également une inventivité à l’égard des campagnes électorales et du rôle d’éventuels élus. Cette inventivité pratique et intellectuelle sera le levain qui pourra faire réellement germer quelque chose comme une gauche radicale nouvelle, qui n’existe pour l’instant qu’à l’état de pointillés. Une gauche radicale parce que pragmatique et pragmatique parce que radicale. Or la morosité du climat politique risque de bloquer cette indispensable imagination en actes, en contribuant à ce que certains se focalisent sur un court terme électoral étriqué, envisagé de surcroît de manière traditionnelle, tandis que d’autres se transformeraient en sentinelles d’une pureté fictionnelle.
Dans un contexte de barbarie extrême, qui demeure fort éloigné des lâchetés plus ordinaires de nos politiciens actuels, René Char ne séparait pourtant pas la résistance immédiate face au pire et l’utopie d’autres mondes possibles. Dans l’introduction à ses Feuillets d’Hypnos, il avançait en ce sens :
« Ces notes marquent la résistance d’un humanisme conscient de ses devoirs, discrets sur ses vertus, désirant réserver l’inaccessible champ libre à la fantaisie de ses soleils, et décidé à payer le prix pour cela. »
C’est aussi un défi pour les temps gris, mais encore tempérés (ne nous la jouons pas trop « Résistance » avec un héroïsme de pacotille à destination de publics surchauffés sur internet : « l’affaire Tarnac », malgré l’augmentation de l’arbitraire étatique dont elle témoigne, n’a rien à voir avec la rafle du Vel’ d’Hiv !), qui sont les nôtres. Modestement.
Philippe Corcuff, 17 Décembre 2009
Pistes complémentaires
* Voir sur Mediapart :
– Sur l’élargissement de l’anticapitalisme aux contradictions capital/nature et capital/individualité : « Renaissance de l’anticapitalisme en France », avril 2009
– Sur la politique comme pari raisonné en situation d’incertitude : « Actualité de la philosophie politique de Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) », janvier 2009 : « (I) Politique et raison critique », et « (II) Politique et histoire »
* Voir ailleurs sur le web :
– Sur l’analyse de la victoire de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles : « Sur le « sarkozysme », le PS, la possibilité d’une gauche radicale et le tragi-comique. Contribution au débat post-présidentiel », juin 2007
* Autres lectures :
– Sur la compétition entre le clivage de la justice sociale et le clivage national-racial : P. Corcuff, « Clivage national-racial contre question sociale. Un cadre d’analyse socio-politique pour interpréter les progrès de l’extrême-droite en France », revue ContreTemps (1re série, éditions Textuel), n°8, septembre 2003
– Sur la poésie de Résistance de René Char : P. Corcuff, « La résistance est antichambre d’utopies », dans La société de verre. Pour une éthique de la fragilité (Armand Colin, 2002, pp.209-220)