La hiérarchie militaire des Etats-Unis vient de passer une borne de plus dans l’ignoble, après le suicide de trois détenus à Guantanamo, deux Saoudiens et un Yéménite. Poussant le cynisme à son comble, le commandant de la base, le contre-amiral Harry B. Harris, a estimé que les prisonniers « sont astucieux, ils sont inventifs (...) Ils n’ont que mépris pour la vie, que ce soit la nôtre ou la leur. Je ne crois pas qu’il s’agissait d’un acte de désespoir, mais d’un acte de guerre asymétrique contre nous ». Il ne reste plus qu’à condamner post-mortem les suicidés pour atteinte à la sécurité des USA ! Colleen Grafy, en charge de la diplomatie publique au département d’Etat, en a rajouté, déclarant qu’il ne s’agissait que d’un « coup de pub pour attirer l’attention ».
Les prisonniers de Guantanamo sont souvent détenus depuis quatre ans et demi en toute illégalité, sans être inculpés, sans avoir une quelconque idée de ce que peut être leur peine, sans pouvoir rencontrer un juge et se défendre face à des accusations formellement notifiées, dépendant de tribunaux militaires d’exception au fonctionnement totalement opaque. Quatre ans et demi dans des conditions de détention humainement insoutenables, soumis à des humiliations constantes quand ce n’est pas tout simplement à la bonne vieille torture. Pour Simon Shorno, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Washington, « Il est clair que l’incertitude qui prévaut à Guantanamo a un effet sur la santé mentale des détenus ». Mais, à en croire les autorités étasuniennes, le suicide ne serait en rien un acte de désespoir !
L’un des suicidés, le saoudien Mani Shaman Turki Al-Habardi Al-Utaybi, 30 ans, aurait été éligible pour une libération. Mais le porte-parole de la prison n’a pas pu indiquer s’il en avait été informé ! L’autre saoudien, 21 ans, s’appelait Yassar Talal Al-Zahrani et le Yéménite, 28 ans, Ali Abdullah Ahmed.
Ils sont encore quelque 460 dans ce camp extra-territorialisé ouvert en janvier 2002, dont seulement 10 ont été inculpés et aucun jugé, après que 300 d’entre eux aient été libérés au fil des ans. Les détenus ont poursuivi par dizaines de dures grèves de la faim pour protester contre la situation qui leur était faite. De nombreuses tentatives de suicide ont déjà eu lieu, déjouées car les prisonniers n’ont droit à aucune intimité. Pour se pendre, cette fois-ci, les deux Saoudiens et le Yéménite ont suspendu une lessive pour cacher leurs corps à la vue. Réponse ubuesque de l’administration pénitentiaire : dorénavant, la lessive sera interdite...
La base de Guantanamo doit être fermée, le territoire rendu à Cuba et les détenus enfin libérés et le gouvernement étatsunien condamné pour violation aggravée des droits humains.