HOLLANDE EN CAMPAGNE. DU DISCOURS DU BOURGET… AUX ENGAGEMENTS PRÉSIDENTIELS
Après des mois de suspense, François Hollande a enfin dévoilé son programme. Contrairement à ce que ses envolées contre le monde de la finance auraient pu laisser penser, celui-ci reste bien social-libéral, même s’il retrouve des accents de gauche pour ce qui est des mesures sociétales.
Le début de contre-offensive médiatique et politique de Nicolas Sarkozy n’aura pas réussi à le masquer : la fin du mois de janvier a vu le lancement en fanfare de la campagne de François Hollande, occupant tout l’espace, grâce au discours du Bourget et à l’annonce de son projet présidentiel. Avec, immédiatement, un problème de « décalage » entre les deux événements. Au Bourget, devant les militantEs finalement enthousiastes – le parfum de la victoire escomptée ? – le candidat socialiste a tenu un discours combatif, ciblant Sarkozy, les privilégiés, l’argent roi, la finance. Un discours de gauche, en quelque sorte… quoique encore assez flou sur les mesures censées illustrer « le changement ». D’ailleurs, quelques jours plus tard, la présentation de ses propositions s’est située dans un tout autre registre : là, devant la presse, il s’agissait de faire la démonstration du « sérieux » et de la « crédibilité ». Et, du coup, le « monde de la finance », pourtant dénoncé avec fougue et lyrisme au Bourget pouvait être rassuré… si tant est qu’il se soit jamais inquiété ! À la lecture des « 60 engagements pour la France » de F. Hollande, trois constatations immédiates s’imposent.
D’abord, beaucoup de ses propositions sont surtout des déclarations d’intention : « Je ferai des PME une priorité », « Je soutiendrai le développement des nouvelles technologies », « Je défendrai un budget européen ambitieux pour l’avenir de l’agriculture », « je rétablirai l’équilibre budgétaire en fin de mandat », « Je proposerai à nos partenaires un pacte de responsabilité », « en réorientant le rôle de la Banque centrale européenne », etc. Bien souvent, les moyens de la mise en œuvre de ces intentions ne sont ni détaillés ni même indiqués. D’où l’interrogation : véritables engagements ou vœux pieux ? D’autant qu’à l’évidence, en l’absence de toute volonté de rupture, nombre de ses « engagements » dépendent de la bonne volonté des partenaires européens, dont l’Allemagne. Bonne volonté dont on peut douter…
La priorité au... désendettement
Car, le deuxième problème soulevé est que les engagements du candidat socialiste sont conçus pour être totalement compatibles avec la logique du système, sur le plan économique comme financier. Pire, Hollande reprend à son compte les dogmes libéraux, notamment pour tout ce qui concerne le désendettement et la réduction des déficits budgétaires. Or c’est bien cette conception-là qui sert à justifier les politiques d’austérité, à commencer par la diète imposée aux services publics. Ainsi, une fois posé le retour à l’équilibre budgétaire, que vaut l’engagement à considérer l’hôpital public « comme un service public et non comme une entreprise » ou encore l’objectif d’un « délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence » ? Tout comme le renoncement de fait au rétablissement de la retraite à 60 ans, la façon dont Hollande a arbitré la polémique qui s’était ouverte au sein de la direction du PS à propos de ses 60 000 créations – ou, plutôt, recréations… – de postes d’enseignantEs est éclairante : ce sera à effectif constants pour la fonction publique. Concrètement, ces postes seront financés par des suppressions dans d’autres secteurs de la fonction publique.
L’introuvable révolution fiscale
La véritable différence entre le programme économico-social de Sarkozy et celui de Hollande résiderait, nous dit-on, dans la politique fiscale. Celle-ci matérialiserait le clivage entre droite et gauche, entre défense des privilégiés et justice fiscale redistributive. C’est ainsi que, fidèle à la défense des plus riches et des multinationales, N. Sarkozy propose une augmentation de la TVA, l’impôt le plus injuste. Augmentation que dénonce, à juste titre, Hollande qui, par ailleurs, propose une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu ainsi qu’une limitation des niches fiscales. Fort bien, même si la portée de ces mesures est limitée et assez éloignée de la « révolution fiscale » parfois évoquée. Mais il propose aussi d’accélérer la fusion de l’impôt sur le revenu avec la CSG… et de franchir ainsi un nouveau pas vers l’étatisation de la protection sociale, prélude à sa privatisation partielle.
On notera par ailleurs que plusieurs des mesures portées par F. Hollande sur le terrain de la production et de l’emploi, consistent en « financements, aides publiques et allègements fiscaux » qu’il s’agira, naturellement, « d’orienter ». Là, Hollande se situe complètement dans la continuité de ses prédécesseurs en matière de cadeaux au patronat. Cette politique fort coûteuse n’a jamais fait la preuve de son efficacité pour sauver ou créer des emplois : les entreprises profitent de l’effet d’aubaine, empochent les subsides, sans modifier en quoi que ce soit leur stratégie d’investissement ou de gestion des effectifs. Enfin, circonstance aggravante que tous les commentateurs ont notée : c’est la première fois qu’un candidat socialiste fait totalement l’impasse sur le pouvoir d’achat, y compris celui des salariéEs les plus modestes. Pas même d’augmentation du Smic au programme ! À l’heure de la crise mondiale, le socialisme de gouvernement s’avère de moins en moins redistributif… et fort éloigné de toute réflexion sur les urgences écologistes, décidément parents pauvres d’un programme par ailleurs fort modéré.
Renonçant à toute mesure un peu spectaculaire en matière sociale, le candidat social-libéral surfe sur l’anti-sarkozisme – pleinement justifié, faut-il le préciser… – et compte sans doute faire la différence avec son adversaire sur les questions dites « de société ». Citons pour mémoire : « le doit au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels », « l’existence d’un volet handicap dans chaque loi », « l’abrogation de la circulaire sur les étudiants étrangers », « le remplacement de la loi Hadopi », « le droit de vote aux élections locales des étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans », « une part de proportionnelle à l’Assemblée nationale », « la ratification de la Charte européenne des langues minoritaires », etc. Et, de fait, la droite française est si incorrigiblement liée aux secteurs de la société et aux courants de pensée – et de croyance – les plus rétrogrades et les plus réactionnaires que ces thèmes risquent bien de faire revivre un clivage gauche /droite !
En 2002, affirmant que son « programme n’était pas socialiste », Lionel Jospin fut le premier à rompre avec une (longue) tradition que Mitterrand avait portée à son apogée : des campagnes électorales de « rupture » avec des discours très à gauche… débouchant sur un exercice du pouvoir assez analogue à celui de la droite. « L’audace » de Jospin ne lui avait pas porté chance ! C’est pourtant ce sillon que Hollande, en affirmant ne promettre que ce qu’il tiendra – et en réduisant en conséquence ses ambitions de « changement » – a choisi de labourer…
François Coustal
* Publié dans : Revue Tout est à nous ! 29 (février 2012).
HOLLANDE ET LES COMMUNISTES : JE T’AIME... MOI NON PLUS
Dans une interview donnée au journal anglais The Guardian, le candidat du PS a déclaré au détour d’une phrase qu’« aujourd’hui il n’y a pas de communiste en France », provoquant un tollé du côté de Mélenchon et du PCF.
Le retour de boomerang ne s’est donc pas fait attendre. Mélenchon, « le candidat des communistes » comme il le dit lui-même, a dénoncé une « attitude hautaine insupportable ». Parlant de « grosse bêtise », Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a rappelé à Hollande qu’« il n’y a pas de victoire possible sans le PCF et le Front de Gauche ». Et plus si affinité ?
Cette tempête dans un verre d’eau ne doit pas faire oublier le sens profond de l’interview au Guardian par Hollande, l’auto-proclamé ennemi de la finance... venu faire allégeance à la City londonienne. Car la suite de l’interview vaut vraiment le détour : « La gauche a gouverné pendant quinze ans, pendant lesquels elle a libéralisé l’économie et ouvert les marchés à la finance et à la privatisation. Il n’y a pas de crainte à avoir ». Au-delà des discours ronflants et dans le droit fil de ses 60 engagements pour la France, Hollande a une fois de plus confirmé l’adaptation des socialistes français au libéralisme financier.
Mais c’est aussi une pierre dans le jardin du Front de Gauche qui n’a pas clarifié sa feuille de route en cas de victoire de Hollande au mois de mai. Les réactions outrées des uns et des autres masquent mal que la question d’une éventuelle participation gouvernementale n’est pas réglée par le « programme partagé » du Front de Gauche, en particulier du côté du PCF où l’on dit tout et son contraire sur cette question centrale.
En guise d’excuses, Hollande a rappelé son respect pour les communistes et le Front de Gauche et a dit qu’il souhaitait « un rassemblement de la gauche avec toutes ses sensibilités ». Pierre Laurent s’est félicité de cette correction, Mélenchon a déclaré que « l’incident [était] clos ». Certes, mais la question du rapport au Parti socialiste reste posée...
Manu Bichindaritz
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 137 (23/02/12).
HOLLANDE, LE SOUS-MARIN NUCLÉAIRE
Visitant la base des sous-marins nucléaires de l’île Longue dans le Finistère, le candidat socialiste en a profité pour parfaire sa panoplie d’homme d’État responsable.
Au menu : dissuasion nucléaire et engagement budgétaire. « Je suis venu ici marquer l’exigence qui est la nôtre de garder notre force nucléaire ». C’est ainsi qu’Hollande s’est exprimé à l’issue de la visite du sous-marin Le triomphant... En cas de victoire en mai, le candidat socialiste compte bien placer ses pas dans ceux de ses illustres prédécesseurs : maintenir la doctrine de dissuasion nucléaire française. « Elle est la riposte dès lors que nos intérêts vitaux sont menacés », a rappelé François Hollande. « Je voulais marquer […] l’exigence qui est la nôtre de maintenir la capacité de dissuasion nucléaire, qui est la condition de notre indépendance et une force utile à la paix ». Travailler à la paix en préparant la guerre, la justification de tous les impérialismes, petits comme grands...
Cette visite a aussi permis à François Hollande de revenir sur ses engagements concernant la politique de défense qu’il mènerait s’il était élu. Il lancera un livre blanc sur la Défense pour préparer une loi de programmation 2014-2020. « L’armée sera soumise aux mêmes règles que tous les budgets : modernisation et efficacité ». Mais que les belliqueux de tout poil se rassurent, Hollande ne veut pas entendre parler d’une éventuelle baisse du budget de la Défense, ni même de réduction d’effectifs : « Ce qui compte, c’est l’intérêt de la France, avant même les questions budgétaires ».
« Nous pensons que l’effort de désarmement doit être engagé, poursuivi, la France y prend déjà sa part, et y prendra dans l’avenir également sa participation » a conclu Hollande. Alors que le candidat socialiste a par ailleurs promis le retrait des troupes françaises d’Afghanistan, on ne voit pas bien de quel avenir il nous parle. Entre modernisation de l’armée et coopération entre les peuples, il faut choisir.
Manu Bichindaritz
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 135 (09/02/12).
FRANÇOIS HOLLANDE, DES PAROLES ET PEU D’ACTES
Après le discours du Bourget, François Hollande a détaillé jeudi 26 janvier, lors d’une conférence de presse et à la télévision, les « 60 engagements pour la France » qu’il entend mettre en place s’il est élu.
On connaissait déjà depuis plusieurs mois le projet du PS pour 2012, on connaissait aussi le nom du « candidat du changement », voici donc maintenant le programme qui va « donner du sens à l’austérité »...
La relance des entreprises...
Celui qui s’est présenté au Bourget comme l’adversaire du monde de la finance nous présente ses mesures offensives... avant tout pour réduire les déficits publics. L’objectif est de les ramener à 3 % dès 2012 puis à 0 % en 2017. Pour cela, les bonnes vieilles recettes pour relancer la croissance sont ressorties, notamment en augmentant la compétitivité des entreprises. Création d’une banque publique d’investissement, aides publiques et allègements fiscaux orientés vers « les entreprises [...] offensives à l’exportation », et mise en place de trois taux d’imposition différents sur les sociétés : 30 % pour les PME, 15 % pour les très petites entreprises et 35 % pour les grandes entreprises (moins de 2 % d’augmentation par rapport au taux actuel). On est bien loin des 50 % d’imposition sur les bénéfices des grandes entreprises qui existaient encore en France en 1985. Dis-moi qui tu aides et je te dirai qui tu es.
… mais pas celle de l’emploi
En créant 150 000 emplois d’avenir pour l’insertion des jeunes, sa prétendue priorité, Hollande divise par deux le nombre prévu dans le projet présidentiel de son parti.
De plus, il confirme les 60 000 emplois dans l’éducation, mais il s’agit de redéploiements de postes pris dans d’autres fonctions publiques. Car sur les 30 000 départs à la retraite annuels non remplacés actuellement, 12 000 deviendront donc des « créations » annuelles de postes dans l’éducation et 1 000 autres dans la police et la justice. 17 000 départs seront donc non remplacés dans la fonction publique chaque année. On réduit l’hémorragie mais elle continuera, c’est promis...
Et surtout, Hollande ne propose rien pour augmenter le Smic, rien pour les salaires, pensions et minima sociaux, pourtant la première urgence pour des millions de salariéEs et pour l’ensemble de la population.
Défaire ce qu’a fait la droite ?
Car le fond du problème, c’est que le candidat qui promet que « le changement c’est maintenant » ne s’engage pas à défaire ce que Sarkozy et ses amis nous ont imposé depuis plusieurs années.
Ainsi, au niveau de la fiscalité, s’il promet de s’en prendre à quelques niches fiscales qu’il entend réduire, il veut créer une nouvelle tranche supérieure pour l’impôt sur le revenu qui ne concernerait que les 0, 5 % les plus riches, c’est-à-dire une infime minorité. On est bien loin de la « révolution fiscale » promise.
Au niveau des retraites, une des mobilisations emblématiques du quinquennat de Sarkozy, Hollande défend la retraite à 60 ans... pour celles et ceux qui auront leur 41 annuités, avalisant au passage le recul fondamental du nombre d’annuités imposé par la droite aux salariéEs du public comme du privé.
Enfin, sur le terrain de l’écologie, c’est morne pleine. La catastrophe de Fukushima n’a pas atteint un Parti socialiste qui se contente de proposer la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % « à l’horizon 2025 », tout en achevant – évidemment – la construction de l’EPR de Flamanville.
Alors, si le programme de Hollande propose quelques avancées sociétales comme le mariage homosexuel et le droit de vote des étrangers aux élections municipales, soyons convaincuEs que ce n’est pas cette gauche-là qui améliorera sensiblement le sort du plus grand nombre. Et en mai 2012, une fois Sarkozy chassé – ce que celui-ci aura bien mérité – il faudra résolument construire une opposition anticapitaliste et populaire à ce que nous promet aujourd’hui Hollande.
Manu Bichindaritz
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 134 (02/02/12).
FRANÇOIS HOLLANDE : SOUS LES BEAUX DISCOURS...
Lors de sa prestation au Bourget, Hollande a clairement visé l’électorat de gauche. Mais derrière les belles paroles, on voit bien les vieilles recettes de l’austérité.
Avec son discours inaugural au Bourget, dimanche dernier, le peuple de gauche aurait-il finalement trouvé son héraut en la personne de François Hollande ? Ce qui est sûr, c’est que le candidat socialiste à l’élection présidentielle n’a pas lésiné sur les moyens pour s’inscrire, au moins en paroles, dans l’épopée de la gauche dont il a égrené les grands moments et les riches heures : la Révolution française, le Front populaire, la Résistance et la Libération, la victoire du 10 mai 1981.
Et même Mai 68, c’est dire ! En parallèle, Hollande s’est méthodiquement dépeint en futur président qui, point par point, prendrait l’exact contre-pied des agissements de Nicolas Sarkozy.
A gauche toute
Bien sûr, on peut s’interroger sur la sincérité du personnage… Mais les symboles évoqués comme la tonalité du discours sont révélateurs : quels que soient ses penchants extrêmement « modérés », son refus de toute remise en cause réelle du système ou sa stratégie d’alliance qui lorgne plutôt vers Bayrou et l’électorat centriste, Hollande se sent obligé de tenir un discours qui est à la fois violemment anti-Sarkozy et qui remet au centre du débat le clivage entre la gauche et la droite. Et, pour cela, il n’a pas hésité à puiser dans les vieilles recettes dont, avant lui, François Mitterrand avait usé et abusé. « J’aime les gens comme d’autres sont fascinés par l’argent » : une place de choix a ainsi été réservée à la dénonciation des privilèges, du règne de « l’argent-roi » et… de la fascination qu’il exerce sur le président sortant. Point d’orgue logique de ce ressourcement aux valeurs de gauche, Hollande a identifié l’ennemi : « Cet adversaire, c’est le monde de la finance. Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies ». Il ne fait aucun doute que c’est bien là le genre de discours que les salariéEs, les classes populaires – et même une grande partie des militants socialistes ! – ont envie d’entendre.
Défenseur des pauvres ?
De là à considérer François Hollande comme le défenseur des pauvres et des oppriméEs, voire comme un anticapitaliste, il y a un (grand) pas qu’il faut se garder de franchir ! Il y a, en effet, un gouffre entre ces déclarations lyriques destinées à flatter les aspirations du peuple de gauche et les mesures concrètes proposées. Le programme précis de Hollande ne sera présenté qu’en fin de semaine. Mais le discours du Bourget fournit quand même quelques indications et en illustre assez bien les limites que l’on peut illustrer sur quelques exemples.
Notons d’abord – c’est assez classique sous la ve République… – que le candidat commence par s’affranchir du parti qui l’a désigné : ainsi, en passant du programme socialiste (quand même ratifié par le vote des militantEs et par une convention PS) au discours du candidat, les « emplois d’avenir » pour les jeunes ont juste fondu de moitié, passant de 300 000 à 150 000. Sans remise en cause de la durée de cotisation, le retour à la « retraite à 60 ans », tel qu’il est prôné par Hollande, signe en réalité, pour le plus grand nombre, l’abandon de la retraite à 60 ans. Après quelques polémiques au sein de l’état-major socialiste, Hollande a tranché sans surprise : les 60 000 postes à créer dans l’Éducation nationale le seront à effectifs et budget constants pour la fonction publique. Pour chaque enseignantE supplémentaire, il y aura une infirmière, un cheminot, un agent de Pôle Emploi en moins.
Il y a, évidemment, une raison simple à tout cela qui est que François Hollande partage le credo commun à la grande majorité des responsables politiques des partis institutionnels : amélioration de la compétitivité des entreprises françaises, « maîtrise des finances publiques » et désendettement… par le remboursement de la dette publique illégitime. Ce qui débouche inévitablement dans un premier temps sur une très grande discrétion à propos de la question des salaires et du pouvoir d’achat. Et, dans un second temps, sur une version de gauche de l’austérité dont les gouvernements « socialistes » de Grèce, du Portugal et d’Espagne ont récemment montré l’exemple.
François Coustal
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 133 (26/01/12).
HOLLANDE : LE CANDIDAT DU TRIPLE A ?
Hollande mise sur le rejet de Sarkozy pour remporter les élections, ce qui n’est pas suffisant, mais, surtout, ne masque pas les nombreux points communs entre les deux candidats.
Le 11 janvier, il y avait foule chez les socialistes pour l’inauguration du QG de campagne de Hollande. Fabius, Jospin, Aubry, Royal, Valls, Montebourg ont tous visité les 1000 m2 de l’hôtel particulier du centre de Paris loués 40 000 euros par mois. Cela fut l’occasion pour le candidat de dévoiler le slogan de sa campagne : « le changement c’est maintenant ! » Hollande fait décidément dans le registre mitterrandien : pèlerinage sur la tombe de l’ancien président, poses imitatrices pour les photographes, rien ne nous est épargné pour nous persuader que le nouveau « Mitterrand » est arrivé. En 1981, celui-ci promettait de « changer la vie », Hollande promet simplement le changement de président ! On est dans la caricature du mode de représentation politique : il faut voter pour l’homme, le programme passe après. Car à 100 jours du premier tour, toujours pas de programme officiel du candidat socialiste. Il ne sera publié qu’à la fin du mois de janvier !
Un article récent du Monde, relatif aux enseignements des élections espagnoles, mérite l’attention : « À chaque fois qu’il s’est avancé sur un sujet, Rajoy [le vainqueur des élections] a perdu trois points dans les sondages ». Du coup, sur tous les sujets « sensibles », Hollande botte en touche : réforme fiscale ? Remise aux calendes... Retraite à 60 ans ? Pour une infime minorité... Quels critères de régularisation des sans-papiers ? Pas une seule déclaration sur ce sujet... L’épisode du quotient familial est assez révélateur de la peur de Hollande de s’afficher « un peu trop à gauche ». Lundi 9 janvier est paru dans les Échos un article pointant la volonté de Hollande de supprimer le quotient familial... En fait, rien d’un scoop puisque cela figure depuis longtemps dans le projet du candidat. Mais immédiatement, les ténors de l’UMP se sont déchaînés, accusant Hollande de remettre en cause « la politique familiale française ». Sarkozy a utilisé le terme de « folie ». Du coup, les seconds couteaux de Hollande ont passé le reste de la semaine à corriger le tir, assurant que la suppression n’était « qu’une option », qu’il s’agirait plutôt de « modulation ». Le système du quotient familial, comme toute la politique fiscale actuelle, offre des avantages aux plus fortunés : il fait gagner 2 200 euros par enfant à un ménage gagnant 15 fois le Smic… et rien du tout à un ménage non imposable. Les 10 % de foyers les plus riches concentrent 42 % de l’avantage fiscal du quotient familial. Le supprimer pour les hauts revenus serait la moindre des choses. Mais dès que Hollande met en avant une idée un peu offensive contre les plus riches, il s’empresse de reculer.
Par contre, dès l’annonce par Standard and Poor’s de la dégradation de la note de la France, Hollande s’est empressé d’accuser Sarkozy de la perte du AAA mais aussi d’assurer qu’avec lui, les conditions du retour au AAA seront garanties. Aucune remise en cause du principe même des agences de notation et des mesures d’austérité prises sous la pression des marchés financiers. À la question posée par un journaliste du Monde : « Si vous êtes élu, la reconquête du triple A constituera-t-elle un objectif ? », Hollande répond « Mon objectif, c’est de redonner confiance à la France. Elle dispose de nombreux atouts, une démographie dynamique, une épargne abondante, une productivité élevée, qui rendent possible le redressement. » Dans l’exercice « langue de bois », Hollande tient la route à n’en pas douter ! Mais si l’on décrypte un minimum, pas de doute non plus : le candidat Hollande ne sera pas celui de la contestation du capitalisme. Ce n’est certes pas une surprise. Mais miser uniquement sur le rejet et le dégoût de Sarkozy pour remporter les élections et mener ensuite le même type de politique antisociale au service des banques peut s’avérer un mauvais calcul pour lui.
Les derniers sondages montrent que l’écart entre Hollande et Sarkozy se ressert au premier tour. Et surtout, la percée de Bayrou montre qu’aujourd’hui les atermoiements d’Hollande lui font perdre des voix sur sa droite... sans lui en redonner sur sa gauche. Pour l’instant, sa place au second tour ne semble pas être remise en cause, mais bien des choses vont se passer jusqu’à la présidentielle. La situation reste très ouverte, d’où la nécessité d’accentuer notre bataille politique d’ensemble au travers de la campagne Poutou : chasser Sarkozy en montrant que Hollande n’est pas la solution et que la situation exige une alternative anticapitaliste.
Marie-Hélène Duverger
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 132 (19/01/12).