Nous n’avions pas fait le point, dans les colonnes de solidaritéS sur la situation au Honduras, notamment après les accords de Carthagène (Colombie) d’avril 2011 entre les présidents colombien (Juan Manuel Santos), vénézuélien (Hugo Chávez) et le président hondurien « de facto » Porfirio Lobo. Ces accords ont entre autres permis à l’ex-président Manuel Zelaya de rentrer au pays en mai 2011. Mais on reste loin d’une solution à la crise politique ouverte par le coup d’Etat militaro-oligarchique de juin 2009.
Récemment, un article de la revue espagnole Diagonal [1] rendait compte d’entretiens de la journaliste Emma Gasco avec des représentant-e-s du mouvement populaire hondurien. Celui-ci débat sa stratégie, notamment par rapport aux prochaines élections nationales de 2013 :
« Après plusieurs mois de débats, le FNRP a décidé de s’insérer comme courant d’un nouveau parti, Liberté et Refondation (LIBRE), sans perdre son autonomie et sans que cela suppose la fin de la lutte dans les rues. L’autre courant de LIBRE regroupe les ‹ libéraux en Résistance › de Manuel Zelaya et de son épouse, Xiomara Castro. Très vraisemblablement, celle-ci sera la candidate à l’élection présidentielle en 2013, vu les limites constitutionnelles imposées à la réélection d’anciens présidents. »
Plusieurs responsables des mouvements sociaux sont moins optimistes. Pour l’ex-responsable du FNRP aux relations internationales, Betty Matamoros, le choix de la voie électorale et le discours de la réconciliation ont affaibli les mobilisations de rue : « Plusieurs de nos organisations s’opposent aux discours sur la réconciliation, prononcés par ceux qui nous invitent à leur table et continuent de nous tuer. » En effet, depuis l’avènement de Porfirio Lobo, les atteintes aux droits humains n’ont pas cessé : 18 journalistes ont été assassinés depuis janvier 2010 ? ; dans la vallée du Bajo Aguan, 40 activistes des mouvements paysans sont tombés sous les balles des paramilitaires (autochtones, mais aussi importés de Colombie), à la solde du latifundiste Miguel Facussé (l’un des responsables « intellectuels » du coup d’Etat de juin 2009). Et, par rapport aux espoirs de contrecarrer l’oligarchie dans les urnes, Carlos H. Reyes – dirigeant historique du syndicalisme et de la Résistance – rappelle que « L’oligarchie putschiste contrôle la Cour suprême, le Procureur, le Congrès et le Tribunal électoral. » Sans oublier l’armée, formée aux techniques répressives par les conseillers militaires étatsuniens de l’« ?Ecole des Amériques ».
Hans-Peter Renk
* Porfiriato : se réfère à la dictature de Porfirio Diaz au Mexique (1876-1911) et joue sur l’homonymie entre le président hondurien et son lointain homologue.
La « colombianisation » du Honduras : violence et assassinats sélectifs
Depuis le coup d’Etat, le niveau de violence a augmenté pour atteindre le chiffre de 17 assassinats quotidiens. Les vendeurs de grillages en fils de fer barbelés font de bonnes affaires et les manchettes effrayantes à la une des journaux font partie de la normalité. Au crimes « de droit commun », s’ajoutent les disparitions, les tortures et les assassinats politiques. Depuis janvier 2010, 18 journalistes au moins ont été assassinés. La persécution contre les dirigeants des mouvements sociaux s’intensifie.
Le cas le plus connu est le récent assassinat d’Emo, un activiste connu ; mais les assassinats sélectifs sont monnaie courante dans la région du Bajo Aguan, où pour cette seule année on dénombre la mort de 40 dirigeants paysans. Avec la confiscation des terres aux paysans, les liens entre le crime organisé, le narcotrafic et le paramilitarisme, on parle d’une « colombianisation » du Honduras. « Depuis le coup d’Etat, le néo-libéralisme s’est approfondi dans notre pays », explique Betty Matamoros. Quelques exemples : la loi des villes modèles, qui permet la concession du territoire au capital étranger, la loi sur le travail temporaire, qui va précariser encore davantage le travail dans les « maquilas » et l’installation de trois bases militaires étatsuniennes.
Emma Gascó
Sources
Tomas Andino Mencía, « La guerra que viene : la colombianización de Honduras », www.rebelion.org/docs/136655.pdf
Site (en espagnol) pour l’Amérique centrale :http://nicaraguaymasespanol.blogspot.com/