Les mouvements populaires au Moyen-Orient et en Afrique du Nord continuent à se mobiliser pour faire avancer le processus révolutionnaire face aux tentatives des régimes en place de se maintenir par la répression et/ou des réformes superficielles, avec l’aide des impérialistes et de leurs alliés dans la région.
En Egypte, le mouvement populaire n’abandonne pas, même si ce sont les forces défavorables à la poursuite du processus révolutionnaire, comme les Frères Musulmans et les Salafistes, qui ont remporté les élections. La déclaration de la militante syndicaliste Fatma Ramadan symbolise cette volonté d’aller de l’avant :
« Nous ne sommes pas découragés par les élections parlementaires, la bataille pour le parlement n’est qu’une partie de la lutte. La rue est l’endroit où notre combat principal réside. Nous exigeons le droit de librement se syndiquer, la fin de la loi criminalisant les grèves, un salaire minimum et maximum, le redémarrage des usines au point mort et la réembauche des travailleurs, une augmentation des retraites et des soins de santé adéquats ».
La vague de grèves et de manifestations nationales, telles que celles organisées par les secteurs industriels, les postiers et les enseignants, ainsi que l’action articulée de l’ensemble du secteur des travailleurs du sucre et des travailleurs de l’Autorité du Caire des transports publics, a entrainé la paralysie du régime militaire en septembre, et a pavé la voie au soulèvement de novembre.
Aujourd’hui, différents groupes et mouvements populaires favorables à la poursuite de la révolution s’organisent pour mobiliser le plus grand nombre de personnes et de forces en vue de fêter, le 25 janvier prochain, la première année de la révolution.
Tunisie et Yémen : des peuples en marche
En Tunisie, les résultats des élections et la formation du nouveau gouvernement n’ont pas diminué la volonté du peuple de se mobiliser. C’est la pression populaire du sit-in du Bardo qui a poussé les partis politiques, et en particulier Al Nahda, à adopter plusieurs mesures, telle que la promesse d’inscrire les Code du Statut Personnel comme loi fondamentale et non plus comme loi ordinaire, protégeant ainsi les droits des femmes précédemment acquis de toutes modifications défavorables. Le sit-in du Bardo impliquait de nombreuses organisations de la société civile, des délégations des chômeurs de la zone minière (Gafsa et d’autres régions), des militant.e.s de l’Union générale des étudiant.e.s tunisiens (UGET), des partis politiques et des citoyen·ne·s indépendants, etc.
L’Union des chômeurs diplômés (UCD) et des partis révolutionnaires de gauche sont au cœur des mobilisations sociales. Au début d’octobre, l’UCD a organisé une réunion nationale à laquelle environ 500 étudiant·e·s diplômés et chômeurs-euses ont assisté. Leurs principales revendications tournaient autour de l’émancipation sociale et politique.
Au Yémen, des dizaines de milliers de manifestant.e.s sont descendus dans les rues, au mois de décembre, pour rejeter l’accord du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) soutenu par les Etats-Unis. « Notre révolution continue » était le nom donné à la manifestation par le mouvement populaire, lequel rejetait le « compromis » entre le Président Ali Saleh et l’opposition traditionnelle garantissant l’immunité pour le régime. Les manifestations se poursuivent, avec de nombreuses grèves touchant plusieurs secteurs et des défections toujours plus importantes dans l’armée. Le mercredi 28 décembre des travailleurs en grève ont exigé des réformes et le licenciement de cadres liés au président Ali Saleh.
Au Bahreïn, les manifestations se poursuivent, mais sur une plus petite échelle qu’au début de l’année dernière. Malgré l’intervention militaire des pays du CCG dirigée par l’Arabie saoudite et la répression du régime bahreïni, les manifestants n’ont pas abandonné la lutte et des mobilisations sont permanentes dans le pays.
Syrie : une grève sans fin
En Syrie, l’élan révolutionnaire et les mobilisations populaires massives se poursuivent malgré la répression violente du régime. Les comités de coordinations locales (CCL) et les différents groupes d’opposition syriens ont appelé, le 11 décembre, à une grève sans fin nommée « Grève pour la dignité ». La première étape de la campagne de désobéissance civile de grèves et de boycott a été un grand succès avec des manifestations sans précédent depuis l’été dernier. Le lancement de la deuxième phase de la campagne populaire démontre la volonté du peuple syrien de continuer la révolution jusqu’à la chute du régime.
« Le peuple veut une nouvelle révolution »
En Libye, une opposition croissante au nouveau gouvernement nommé par le Conseil National de Transition (CNT) est en train d’apparaître. Des centaines de Libyen·ne·s ont manifesté pour dénoncer le fonctionnement opaque du CNT, le 12 décembre dernier sur la place Al-Chajari dans le centre de Benghazi, théâtre des premières manifestations contre le régime de Kadhafi le 15 février 2011. Les manifestant·e·s ont scandé des slogans tels que « le peuple veut une nouvelle révolution » ou « les gens veulent renverser le CNT ». Les demandes sociales apparaissent également de manière croissante dans les régions les plus démunies, tandis que les révolutionnaires amazigh refusent le nouveau gouvernement, parce qu’il ne reconnaît pas leurs droits.
La mobilisation permanente des masses et l’organisation des différents secteurs de la société en syndicats et autres comités populaires sont la seule façon de protéger ces différents processus révolutionnaires et de remporter la victoire contre les régimes autoritaires soutenus par les impérialistes et leurs clients étatiques. Seul l’approfondissement de la révolution – englobant la démocratie, la justice sociale et l’indépendance nationale contre l’impérialisme – est la solution pour la réalisation des aspirations des peuples.
Joseph Daher