En effet, si la stratégie de déstabilisation de la région du Sahel par AQMI (Al Quaida au Maghreb Islamique- ex GSPC- Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) est avérée, il n’en demeure pas moins que l’éclat de leurs actions (rapts d’occidentaux, attaques des intérêts au Sahel des multinationales) profite aussi à l’impérialisme. La parfaite réussite de ces opérations d’AQMI prouve par ailleurs une certaine complaisance locale, y compris celle des gouvernements locaux, souvent corrompus par les multinationales et se souciant peu du sort des populations locales qui elles, subissent violemment le racket organisé des ressources qui leur appartiennent. « Le fait est que bien des multinationales occidentales qui opèrent en Afrique sont insensibles au sort des populations.
Mais si AQMI et autres parviennent à harceler et à narguer une multinationale comme Areva, c’est que le terrain y est propice : ils bénéficient de complicités au sein des populations livrées à elles-mêmes. » [2].
Le sahel, une zone à hauts risques Mali, Mauritanie, Niger, les attaques contre les intérêts de la France n’épargnent aucun pays du Sahel. Au Niger par exemple, il semble que ce soient les difficultés économiques qui poussent les rebelles touaregs vers AQMI car les revenus de l’uranium (exploitées par AREVA) ne profitent pas du tout aux populations locales. De plus, la compagnie française néglige les questions environnementales selon Seidik Abba ( journaliste nigérien) qui pense que l’adhésion des touaregs à AQMI n’est pas idéologique mais stratégique car dans la région d’Arlit (où se situent les gisements d’uranium) par exemple , la défiance vis-à-vis d’AREVA s’est récemment accrue [3].
A qui profite donc le crime ? Certainement pas seulement à AQMI qui récolte certes beaucoup d’argent grâce aux rançons tout en se faisant une publicité quasi gratuite à travers les médias occidentaux mais aussi aux victimes de l’impérialisme qui, en récupérant une partie de ces revenus, ont l’impression que ce n’est que justice. La France, implantée de longue date dans la région, peut avoir quelques intérêts dans cette déstabilisation du sahel d’abord parce qu’elle n’incite pas les autres multinationales impérialistes (Chine, Etats Unis…) à s’y implanter mais aussi parce qu’elle justifie une présence militaire française dans la zone, souvent sur appel des gouvernements locaux. Les contradictions de la politique française au Sahel se révèlent au grand jour et la stratégie de Sarkozy « le cow boy du Sahel » n’est pas du tout payant. L’intervention musclée pour libérer Michel Germaneau a conduit à la mort de ce dernier, exécuté par le groupe islamiste en représailles. Les touaregs, persécutés au Mali et dans bien d’autres pays du Sahel, sont les principaux boucs émissaires alors que la misère seule les pousse (et pas tous d’ailleurs) vers AQMI. Les gouvernements maliens et nigériens peuvent à leur tour justifier de façon légitime la violence d’État qu’ils font subir aux touaregs.
AQMI, c’est quelques centaines de personnes (entre 80 et 200) qui réussissent à déstabiliser toute une région, celle du Sahel, la transformant en quasi « zone de non droit ». Mais il faut rajouter à ce nombre les non djihadistes, attirés surtout par l’appât du gain facile et revendant leurs otages à l’organisation islamiste. Le ministère français des affaires étrangères estimait leur nombre en juillet 2010 entre 450 et 500. Pas très valorisant pour tous ces États africains indépendants, obligés aujourd’hui de faire appel à la France pour lutter contre quelques centaines de djihadistes. La coopération militaire entre le Mali, le Niger et la France, se trouve renforcée et la présence militaire française dans la région accrue. L’impérialisme a plus d’un tour dans son sac pour continuer à exploiter encore et toujours les pays pauvres.
L’Union africaine doit prendre le problème d’AQMI à bras le corps et se charger de le régler. C’est uniquement de cette façon qu’elle pourra éviter une déstabilisation de la sous région du Sahel et empêcher la réimplantation légitime de l’impérialisme français dans cette zone qui semble lui appartenir comme un dû.
Moulzo