Créée le 5 décembre 1981, l’USTKE [1] a fêté à la fin de l’année dernière son 30e anniversaire. Le festival musical organisé sur la plaine de Kuendu à Nouméa a drainé plus de 15 000 participantEs venuEs en famille écouter la musique, manger et échanger avec les militantes et les militants qui tenaient des stands autour.
Les syndicalistes kanak qui ont créé l’USTKE ne se retrouvaient pas dans les organisations corporatistes existantes où la place du Kanak dans le monde du travail était occultée. Dès le début, le syndicat s’est ouvert à toutes les autres ethnies du territoire, c’est tout le sens du nom de l’organisation qui associe les travailleurs kanak et tous les autres exploités. Deuxième organisation syndicale du pays, l’USTKE est un acteur incontournable de la vie politique et sociale de Kanaky.
C’est un syndicalisme de lutte de classe et indépendantiste que porte l’organisation conformément à ses statuts : « l’USTKE se prononce pour le droit à l’autodétermination du peuple kanak et au libre exercice de sa souveraineté nationale, et pour la suppression de l’exploitation capitaliste. L’USTKE se détermine en conséquence pour l’accession à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et pour la socialisation des moyens de production et d’échange. Elle s’engage donc dans la lutte pour l’indépendance kanak socialiste ».
Imposer le droit du travail
C’est d’abord sur le terrain social que l’USTKE a su s’imposer en obtenant des avancées pour les travailleurs dans un pays où le patronat s’affranchit souvent du droit du travail quand il ne refuse pas la transposition dans le droit local des avancée obtenues en France : reconnaissance des CE, retraite complémentaire, formation professionnelle… les salaires sont aussi un axe important dans cette colonie où les revenus des 10 % les plus riches représentent huit fois ceux des 10 % les plus pauvres (à comparer à un coefficient de 3, 6 en métropole et 6, 3 dans les DOM). L’emploi local, c’est-à-dire l’accès à l’emploi pour tous les gens nés sur le territoire, est un autre thème que l’USTKE a su imposer dans le débat politique et sur le terrain. Si aujourd’hui il existe une loi, certes insuffisante, de protection de l’emploi local, c’est bien parce que depuis 1981, le syndicat en a fait une de ses priorités.
Protéger l’environnement
L’USTKE, c’est également la défense de l’environnement contre le pillage et la dénaturation des îles et de la mer qui les entoure. Pour la première fois depuis le début de la colonisation en 1853, la gestion des importantes ressources minières n’est plus uniquement entre les mains des entrepreneurs.
Sur le plan politique, l’accord de Nouméa, ratifié en 1998, fixe à 2014 le début du processus référendaire pour ou contre l’indépendance.
Obtenir l’indépendance
L’assemblée territoriale qui sera élue en 2014 devra organiser les consultations. Pour que les bonnes questions soient posées, il faut que les forces indépendantistes pèsent de tout leur poids. L’USTKE, avec l’aide du Parti travailliste qu’elle a fondé, milite pour que ce soit bien l’indépendance qui au soit au rendez-vous. L’État colonial à Paris et ses relais locaux mènent une intense propagande pour que l’échéance soit repoussée à nouveau de 30 ou 50 ans, le temps que les ressources du sous-sol (le nickel en particulier) soient exploitées à fond, le temps aussi que la colonisation de peuplement toujours à l’œuvre ait définitivement rendu les Kanak minoritaires sur leur terre. Officiellement le discours est paternaliste : certes les Kanak ont fait beaucoup de progrès grâce aux bienfaits de la colonisation, mais ils ne sont pas encore prêts, quelques décennies supplémentaires sont nécessaires pour les amener à notre niveau.
L’USTKE de son côté rappelle que si on attend du colonisateur qu’il décrète que les Kanak sont prêts à l’indépendance, il faudra qu’il n’y ait plus rien à exploiter sur ce territoire. Tous les États voisins ont été colonisés par les puissances occidentales au xixe siècle, l’indépendance ne les a pas plongés dans le chaos, il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement pour la Kanaky.
Bernard Alleton
Le Parti travailliste
Le Parti travailliste, fondé en novembre 2007 par l’USTKE a tenu son 3e congrès en décembre 2011. Ce jeune parti est le relais politique de l’USTKE dans le débat politique. Après un développement rapide, il obtient 25 élus aux municipales de 2008, 7 aux élections provinciales en 2009, dont 4 siègent au congrès du territoire. Dans le gouvernement collégial élu à la proportionnelle des élus, Georges Mandaoué du PT est en charge du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle, de l’identité kanak et des affaires coutumières. Ce développement rapide et l’implication dans la gestion d’exécutifs ont créé des tensions très vives. Le 3e congrès s’est tenu à huis clos pour que tous les problèmes posés soient débattus librement. Au terme des débats, parfois vifs, l’unité du parti a été maintenue avec un échéancier de conventions, début 2012, devant arrêter la tactique pour les rendez-vous électoraux, municipales et surtout provinciales de 2014 en vue du référendum d’autodétermination pour l’indépendance. Louis Kotra Uregei a été confirmé à la présidence du parti.