Les difficultés actuelles du NPA, sur lesquelles il est nécessaire de réfléchir pour relancer le processus de construction de notre parti, ne doivent pas nous faire oublier l’essentiel : notre volonté de créer le NPA était et reste juste.
Il était juste de créer le NPA
Nous pouvons reprendre aujourd’hui sans problème l’essentiel des termes du texte de préparation de la réunion des 28 et 29 juin 2008, premier moment de coordination des différents comités d’initiative pour un nouveau parti : « Pour un anticapitalisme et un socialisme du XXI° siècle »
« ……La social-démocratie est en train d’achever sa mutation. ….(qui) transforme encore davantage le PS en gestionnaire fidèle du système ….
C’est un déclin à rythme divers mais irréversible qui travaille le mouvement communiste qui s’était identifié à l’URSS. ……………..
Dans le même temps, les directions des principales confédérations syndicales s’adaptent au nouveau capitalisme, …….
Nous voulons changer de gauche, pas changer la gauche, reconstruire du neuf à gauche en rupture avec l’orientation prônée par les directions du PS et du PCF.………………..
Nous ne voulons pas construire un parti d’aménagement mais un parti de rupture. …..
Face à une vie politique centralisée par l’Etat, nous avons besoin d’un parti, d’une force pour la transformation révolutionnaire de la société………
C’est nécessaire et c’est possible. »
Nous nous revendiquons sans hésiter des principes fondateurs adoptés au congrès de fondation 6 mois plus tard qui affirmaient que les partis de la gauche institutionnelle (PS, PC) et leurs alliés Verts avaient abandonné depuis longtemps la perspective d’en finir avec le capitalisme. :
« …Ces courants n’offrent plus ni projet émancipateur ni espoir……
Les contradictions inhérentes au système capitaliste et la crise actuelle rendent l’alternative évidente : se soumettre à la minorité des privilégiés ou rompre avec elle.
Dans et autour de ces partis de la gauche institutionnelle, nombreux sont celles et ceux qui n’ont pas renoncé à changer radicalement la société.
Avec eux, comme avec l’ensemble des travailleurs/euses, nous voulons construire sur d’autres bases, en rupture avec les capitulations et les reniements de cette gauche pour créer une nouvelle représentation politique des exploité-e-s, un nouveau parti anticapitaliste, un parti qui se bat jusqu’au bout contre le système, un parti pour la transformation révolutionnaire de la société.
Un parti n’est pas un but en soi. C’est un outil pour se rassembler, pour gagner en efficacité dans le combat collectif.
Deux tâches complémentaires se combinent : développer les luttes sociales, par la construction coordonnée d’un syndicalisme de classe et de masse, s’opposant ainsi à la collaboration des directions syndicales actuelles qui engendrent la désertion, par la participation aux formes d’organisation du mouvement social ; construire un parti politique pour défendre un programme global d’émancipation.
Nous voulons que le NPA soit pleinement démocratique, à l’image de la société que nous voulons. Cela suppose que chacune et chacun y trouve sa place, quel que soit le niveau de son engagement. Cela suppose que nous soyons à égalité pour décider, que les instances dirigeantes soient clairement mandatées, dûment contrôlées et révocables, qu’une formation politique soit organisée, que la pluralité des points de vue soit garantie au même titre que le droit de la majorité à agir pour le compte de toutes et de tous.
Cela suppose aussi que notre parti soit un lieu d’éducation permanente de tous les militant-e-s, un lieu d’éducation populaire qui préfigure la société que nous voulons construire. Cela suppose enfin que notre parti soit un lieu de solidarité.
Tirant les leçons du passé, nous lutterons contre les processus de bureaucratisation qui sont la plaie des mouvements d’émancipation. Et notre vigilance commencera par s’exercer à l’intérieur du NPA.
Nous voulons que le NPA soit efficace, utile tout de suite, présent sur tout le territoire dans les quartiers populaires, utile pour résister et lutter dans les entreprises, à la pointe du combat auprès de la jeunesse dont le dynamisme des luttes s’avère souvent précieux pour entraîner celle des travailleurs. …. »
Si la création du parti de Gauche, puis du front de Gauche, changent le contexte politique conjoncturel en donnant dans certains secteurs de la société l’illusion que cette gauche pourrait influer sur la politique du PS dans les institutions, permettent au PCF de retarder son déclin, elles ne changent pas les coordonnées fondamentales de la situation qui justifiaient la création du NPA.
De ce point de vue le PG ne se différencie pas de la gauche institutionnelle et de l’orientation stratégique qui est celle du PCF depuis plus de 50 ans. C’est un parti profondément ancré dans les institutions, qui s’associe dès qu’il a des élus aux majorités régionales, départementales et municipales avec le PS et les verts. C’est un parti qui n’est pas structuré autour des mobilisations, qui au moment des grèves pour la défense des retraites ne s’est pas démarqué de la politique des directions syndicales et qui n’a pas été percuté par leur trahison, tout comme il n’est pas percuté par les mobilisations écologistes.
S’il est vrai que les défaites sociales ne favorisent pas une politisation de masse, ces défaites ne changent pas non plus les coordonnées de la période.
Depuis la création de notre parti, les offensives du capital contre les travailleurs, contre tous les exploités et les opprimés n’ont pas cessé. La bourgeoisie pratique la politique de la sidération, accumulant en permanence des attaques sur tous les fronts, pour épuiser toute velléité de réagir. Le mouvement social s’est concentré pour la défense des retraites, mais il a échoué, la réforme s’est imposée. Les batailles contre les licenciements n’ont que très rarement gagné, les reculs sur les droits démocratiques, notamment pour les jeunes et les étrangers s’empilent…. Dans ces conditions, il est difficile que se construisent des courants massifs de jeunes et/ou de travailleurs qui montrent par leur action l’efficacité du combat collectif. Il y a pourtant des secteurs du mouvement ouvrier, du mouvement social qui gardent un haut niveau de conscience et de mobilisation, comme on l’a vu dans les piquets au moment de la bataille sur les retraites, dans des réseaux comme RESF, ….
Rien ne justifie donc de renier notre orientation générale.
Pourtant le projet même du NPA est menacé voire remis en cause
Face à la difficulté de construire une organisation anticapitaliste radicale de masse indépendante et antisystème, des tentations apparaissent d’abandonner le projet initial de création du NPA, pour se retourner vers des réponses déjà testées dans les 40 ou 50 dernières années [1].
Sans abandonner les leçons des luttes des deux derniers siècles, les bilans des révolutions, les bilans des luttes de classes, notre analyse de la fonction de l’Etat, il est essentiel de réaffirmer que les coordonnées politiques de la fin du XX° siècle et de ce début de XXI° siècle ont changé la donne. Nous sommes dans une nouvelle période, dans laquelle il nous faut définir ce qui est nouveau dans notre programme et construire de nouveaux partis.
Pour les révolutionnaires, la création des partis communistes sur la base de l’expérience des bolcheviks, à partir des partis socialistes au travers des débats sur la révolution russe a profondément marqué tout le XX° siècle. Il y a derrière cette expérience fondatrice une idée simple : il y a un mouvement ouvrier (partis, syndicats, associations …) qui partage une histoire commune, des acquis et des références communs (le marxisme, le socialisme …). C’est à partir de ce mouvement ouvrier, de ses expériences, de ses débats, de ses cassures face aux échéances décisives que peut se construire un parti révolutionnaire de masse. Il est donc indispensable, essentiel, primordial, d’avoir une direction politique cohérente, chevronnée, unifiée pour permettre le passage au moment décisif de milliers de militants influencés par les réformistes dans le parti révolutionnaire dirigé par cette direction de qualité. La question qui se pose dans cette perspective historique de construction est de savoir comment les révolutionnaires peuvent le plus efficacement réussir cette phase historique préalable, soit par l’existence séparée qui affirme pleinement le programme et cherche à semer les graines qui un jour germeront, soit par les débats au sein de ce mouvement ouvrier, ou des ses franges plus ou moins critiques dans une perspective de les entraîner plus loin (cette dernière orientation conduisant certains groupes d’origine trotskiste à militer au sein même d’organisations clairement réformistes ou même n’ayant plus de références socialistes).
– C’est la première de ces perspectives qui conduit certains camarades à vouloir créer à partir du NPA une organisation exclusivement et purement révolutionnaire du type de celles qui se sont construites dans les années 70-80 en Europe. La solution serait de gauchir les bases programmatiques du NPA pour éviter toute dérive, solidifier autour d’un programme clairement révolutionnaire des militants formés et décidés à mener ce combat.
Il y a dans la P4 et dans la P 2, peut-être ailleurs, des militants qui n’ont jamais partagé le projet du NPA, même s’ils l’ont rejoint, qui sont convaincus que seule une organisation clairement révolutionnaire sélectionnant ses militants sur ces bases peut apporter une réponse aux questions de l’heure.
Cette orientation s’appuie sur une vision mythique de la révolution russe, sur l’idée que le parti bolchevik a gagné la majorité dans la classe ouvrière et la population russe en moins d’une année en 1917. Ce résumé abusif du processus révolutionnaire russe ne permet pas de comprendre ce qui s’est réellement passé en Russie. D’abord la révolution commence en 1905, après une période de luttes ouvrières très intense, et la période entre 1905 et 1917 est une période de maturation politique essentielle. Ajoutons que la révolution ne s’arrête pas en octobre 1917, il y a ensuite la guerre civile, etc, à partir de quelle date on peut fixer la fin de la vague révolutionnaire, 1921, 1923 …. Les vagues militantes qui constituent la force du parti bolchevik se succèdent dès la fin du XIX° siècle. Elles s’endurcissent dans les débats avec les autres courants politiques mais aussi dans l’action, par exemple dans la « campagne des assurances » en 1912 [2], puis autour de trois « mots d’ordre de combat » [3] : république démocratique, confiscation des terres des propriétaires nobles, journée de huit heures. La dizaine de milliers de militants illégaux qui reprennent le contact en février 1917 sont implantés principalement dans les centres industriels qui représentent de 10 à 15% des habitants du pays sont le résultat de ces 20, 30 années de combats politiques (ils étaient 14000 militants en 1906) et ils sont la force dominante dans une classe ouvrière jeune, déterminée au combat jusqu’au bout, hyper concentrée.
On avait déjà vu dans les révolutions en Allemagne, en Italie…. que le cas de figure russe était très particulier et ne pouvait du point de vue de la construction du parti se décliner de la même manière.
Alors le penser, même implicitement, en Europe occidentale aujourd’hui ! ! ! ! !
Pourquoi ce détour ?
Pour dire que même dans un pays comme la Russie du début du XX° siècle, qui n’a rien à voir avec une démocratie bourgeoise occidentale en ce début de XXI° siècle, où plus de 80% de la population est paysanne, pour l’essentiel analphabète, qui a vécu sous la dictature tsariste,
_• la construction d’un parti révolutionnaire s’appuie sur un travail de construction, d’organisation de politisation de longue haleine,
_• le processus révolutionnaire se gagne dans la durée.
Pour dire que l’idée que des milliers de travailleurs influencés par les réformistes dans le cadre commun de la perspective socialiste vont rejoindre notre programme pour constituer un parti sous notre direction, surpris et émerveillés par notre intelligence et notre capacité d’analyse ne me semble pas raisonnable.
– C’est la seconde de ces perspectives qui conduit certains camarades à vouloir construire le nouveau parti anticapitaliste prioritairement à partir de la maturation politique de certains secteurs du « mouvement ouvrier traditionnel », le PC, le PG, les petits mouvements issus du PC (communistes unitaires, anciens refondateurs, etc …).
Des options de ce type se sont multipliées depuis la fin de la seconde guerre mondiale, sous des formes les plus diverses, allant de l’entrisme dans les PC ou les PS, à des tactiques utilisant une organisation indépendante pour peser sur l’évolution politique de certains de ces courants.
Depuis combien de temps la possibilité que puisse évoluer vers des positions radicalement anticapitalistes des secteurs significatifs qui pourraient être le ferment à partir duquel pourrait se construire un nouveau parti est proche de zéro ? Le débat peut exister, ce qui est certain c’est que ce n’est plus possible aujourd’hui.
Ce sont tous des partis et des groupes qui se revendiquent de la division entre l’activité politique (les élections, les institutions, ..) et l’activité sociale, les luttes (du domaine syndical, associatif).
Ils conçoivent tous les évolutions de la société, quand ils se réfèrent encore au socialisme (ce qui est de plus en plus marginal), comme l’obtention de modifications institutionnelles obtenues par des majorités électorales.
Ils sont donc totalement structurés par une activité parlementaire, institutionnelle, dont l’accès à une réussite électorale dépend de leur alliance plus ou moins nette avec le PS.
Leur fonctionnement militant, leurs activités leurs débats sont totalement structurés par ces priorités (voir ce qui était dit plus haut sur le PG absolument pas percuté par les mobilisations sur les retraites).
Dans ces deux perspectives, le parti est un instrument pour lequel le combat d’idées est déterminant, même si ce ne sont pas les mêmes tactiques et donc les mêmes choix qui guident l’action.
Les conséquences sur la conception du parti sont lourdes : il s’agit d’avoir un parti capable de mener ces batailles idéologiques… pas principalement d’organiser pour l’action.
C’est un parti qui se positionne, pas un parti d’action.
C’est un parti pour lequel l’écrit, la phrase, le verbe sont déterminants, et pas l’action permanente de ses militants.
On ne peut dire que le NPA soit clairement sorti de cette ornière depuis sa création :
• il n’est qu’à voir l’absence de réflexion sur les conséquences pratiques d’un positionnement pour l’activité du parti, pour le militantisme des membres,
• il n’est qu’à voir le peu de place donné dans nos débats sur l’action des militants dans leurs milieux respectifs (milieu de travail, milieu militants …) au regard de la place des débats sur les échéances électorales, ou sur le positionnement politique du parti sur certains sujets (le voile par exemple).
En pratique l’action de masse est du ressort des organisations « de masse », syndicats, associations. Les militants du parti sont impliqués, jouent un rôle parfois important dans ces structures, mais on en discute peu, voire pas du tout dans le parti, car ce n’est pas la priorité. Le parti définit les axes de mobilisation souhaitables, et les militants qui le peuvent défendent comme ils le peuvent ces axes dans leurs organisations de masse. Enfin le parti s’associe aux initiatives organisées.
Si le NPA est apparu comme « un poisson dans l’eau » au moment de la mobilisation des retraites avec un matériel efficace, juste politiquement et audible au-delà de nos rangs, nous avons été en revanche incapables depuis le Congrès de fondation de construire une campagne politique en dehors des échéances électorales. Bien évidemment on ne fait pas de la politique suspendu en l’air, on dépend d’un contexte, mais la « campagne » emploi par exemple témoigne à mon avis des faiblesses de notre organisation.
Quelques unes de nos erreurs
Les difficultés du NPA, tout en étant directement liées aux difficultés de notre classe, aux coups que l’on prend sans pouvoir répondre …ne se résument pas à cela. Nous avons aussi fait des choix qui n’ont pas toujours été les meilleurs.
Parler de nos erreurs devrait nous aider à comprendre en quoi il pouvait y avoir d’autres voies, en quoi notre situation n’est pas la traduction mécanique d’une situation objective externe et surtout nous permettre de rebondir !
– Nous avons engagé un extraordinaire débat sur les principes fondateurs, d’une profondeur et d’une richesse énormes…. pour le laisser en plan le congrès de fondation passé. Pourtant c’était autour de ces principes fondateurs qu’il fallait solidifier le parti. Ce qui donne du sens à l’action commune de milliers de militants c’est de comprendre qu’ils sont tous acteurs d’un projet commun d’émancipation, que malgré leurs divergences immédiates, parfois importantes, ils sont toutes et tous membres d’un parti qui a les mêmes objectifs. Il fallait continuer les débats, les formations. Il fallait approfondir le contenu de ces principes pour unifier réellement le parti au-delà d’un vote quasi unanime du congrès. Il fallait engager des campagnes politiques qui solidifient le parti autour d’axes structurants de ces principes fondateurs, en fonction des opportunités de la situation politique. Il fallait engager un débat plus large autour de nous sur nos perspectives, continuer l’élargissement du parti autour du processus engagé.
Non seulement nous n’avons pas continué le travail en profondeur autour de ces principes fondateurs, mais quand le débat s’est engagé deux ans plus tard sur un autre texte très important, « nos réponses à la crise », il n’a pas été possible de ré enclencher la dynamique de débat collectif ouvert, la logique des tendances sur laquelle on va revenir l’emportant sur la politisation en profondeur du parti.
– Nous avons immédiatement après la création du NPA engagé celui-ci dans une succession de débats de tactique électorale particulièrement inefficaces et destructeurs.
Bien évidemment il fallait répondre aux situations électorales qui se présentaient, mais d’un point de vue tactique et seulement tactique.
Nous avons de fait cherché à la fois à répondre aux questions de délimitation de notre parti, de solidification autour des principes fondateurs… au travers de la tactique électorale !
Ce n’était bon, ni pour la formation d’un socle programmatique fort du parti, ni pour la tactique électorale.
– Nous n’avons eu aucun débat structuré sur la conception de fonctionnement d’un parti de milliers de militants qui cherche à devenir un parti de masse.
Comme si cette question
• allait trouver par elle-même une solution dans la foulée de l’élan créateur du NPA.
_• pouvait se résoudre facilement pour des dirigeants qui pour l’essentiel n’ont jamais dirigé d’organisation de masse, n’ont aucune expérience de construction d’un parti de ce type, et où la forme parti est en difficulté, où nombre de militants qui arrivent n’ont aucune idée de ce que devrait être un parti.
S’il y a bien une question qui ne se résout pas de manière spontanée, naturelle, c’est bien la conception d’une parti, de l’action collective organisée dans un parti à la fois radical et ouvert. Un tel parti est à contre courant de toutes les pesanteurs de la société, de la vie politique institutionnalisée.
Une bonne partie des départs avant la crise récente sur les présidentielle est liée à ce problème principal : pourquoi suis-je dans un parti, à quoi cela sert, quelle est la fonction des réunions, que m’apportent-elles, en quoi le fait d’être dans ce parti change ma façon de vivre, d’être pertinent et efficace pour changer mon milieu , etc… toutes questions décisives pour donner du sens à l’adhésion au NPA.
Sans réflexion complète là-dessus, sans remise en cause des pesanteurs internes, dans le contexte social et politique actuel, rien ne pouvait se faire de fondamental…. et les habitudes, les mauvaises habitudes ont repris le dessus, comme des évidences comblant le vide de la réflexion et de l’élaboration d’une fonctionnement ouvert, nouveau, essayant de s’adapter à la situation nouvelle.
Prenons un exemple parmi tant d’autres, notre hebdomadaire.
Est-il inconcevable de dire que cet outil n’est pas le plus adapté à notre époque, notre parti, notre fonctionnement ? Est-il iconoclaste de dire que le peu de militants et de lecteurs qui apprennent quelque chose par la lecture de l’hebdomadaire est très faible au regard de ce qu’il coûte en temps militant et en fric ? Est-il impensable de dire qu’il ne sert pas de fil à plomb du parti, comme un journal pouvait le faire il y a 40, 60 ou 100 ans ? Ne peut-on pas réfléchir à une lettre internet quotidienne (de 1 à 4 pages), un mensuel plus joufflu ? Ou en y ajoutant une lettre internet mensuelle, quinzomadaire ? Ne serions-nous pas plus efficaces, toujours avec des limites ?
L’objet de cette contribution n’est pas de répondre à toutes ces questions (on pourrait arriver à la conclusion qu’il est préférable de conserver l’hebdomadaire), mais de montrer à quel point nous n’avons jamais eu de discussion depuis la création du NPA sur le type de parti, son mode de fonctionnement et sa manière de s’exprimer à l’extérieur.
– Et les mauvaises habitudes se sont réimposées dans le fonctionnement interne.
Très rapidement s’est installé (réinstallé pour ceux qui viennent de la LCR) un fonctionnement en tendances cristallisées, notamment au niveau de la direction centrale.
Comme la direction fonctionne, non pas à partir de débats ouverts et fluctuants, de majorités changeantes en fonction des sujets abordés, qui laissent à chacun un rôle et une possibilité d’apport politique, mais à partir d’un regroupement « majoritaire » au sien duquel se décident les choses essentielles, il est indispensable pour constituer une majorité de remplacement de construire un regroupement assez stable, même si ce regroupement est hétérogène, tous comme celui qui dirige d’ailleurs.
Est-ce que ce mode de direction est le meilleur, ne nous laissons-nous pas enfermer dans un décalque de la vie politique bourgeoise, des partis de gauche ?? Ne serait-il pas plus efficace d’avoir des cadres d’animation du NPA aussi inclusifs que possible, intégrant toutes les qualités des uns et des autres, avec des débats ouverts dans lesquels les arguments convainquent, dans lesquels se constitue petit à petit une autre conception des relations politiques et militantes, en dehors de relations de pouvoir qui vicient tout.
Les tendances et les regroupements divers doivent pouvoir exister dans notre parti. Mais il faut savoir pour quoi faire ! Evidemment lorsqu’il s’agit de trancher de manière claire des options alternatives, elles peuvent être nécessaires (en mettant de côté les fractions politiques qui ne sont dans le NPA que pour se construire au détriment du Parti).
Mais leur institutionnalisation en courants permanents, formes de partis dans le parti, pour lesquels les militants, comme dans les élections bourgeoisies, en choisissant l’une ou l’autre tendance sans maîtriser à aucun moment la logique générale de ladite tendance est négatif pour le débat dans le parti.
Pour plusieurs raisons :
• le débat qui a fait divergence à un moment donné évolue, les discussions suivantes devant prendre en compte les évolutions inévitables de la situation ;
• pour continuer à exister, les tendances doivent mettre au centre des débats la/les questions sur lesquelles elles se sont constituées, et tendre à maintenir le débat dans ces limites, au risque d’éclater, surtout lorsque les directions sont élues selon ce critère principal pour ne pas dire essentiel (un dirigeant non membre d’une tendance est rarement élu dans une direction… quelles que soient ses qualités) ;
• beaucoup de questions auxquelles nous sommes confrontés ne rentrent pas dans le cadre des tendances, nécessitent un débat ouvert, qui recoupe, ou pas, différemment l’organisation : toutes situations dont nous devrions nous satisfaire, mais qui fragilisent les tendances organisées qui jouent alors un rôle de frein au débat.
Ce fonctionnement a été pour quelque chose dans l’échec d’une élaboration associant les apports d’autres composantes d’extrême gauche que la LCR, LO, libertaires, et de courants issus de formes radicales actuelles issues de l’écologie, de l’altermondialisme.
Il ne s’agit évidemment pas d’interdire le débat en tendances pour permettre le débat… mais il s’agit de réfléchir à un fonctionnement qui permet de mener les débats essentiels dans les cadres du parti en dehors de clivages autres, qui évite la constitution des directions sur ce seul critère, qui refuse le fonctionnement quotidien sur ces bases.
– D’autres questions mériteraient d’être intégrées à ce point, notamment celles concernant la façon de prendre au sérieux ce que nous disions : notre choix de nous lancer dans une telle entreprise nécessitait de mettre toutes les compétences et toutes les capacités réelles de direction nationale, locales, sectorielles au travail ensemble. Si le rajeunissement de la direction centrale était juste, il devait s’accompagner d’un travail d’intégration de toutes les énergies : l’enjeu était énorme, et toutes les forces n’y ont pas été associées au maximum.
Nous avons voulu engager un processus extrêmement ambitieux, en commençant par ne pas y mettre tous nos moyens, déjà limités !
Quelques questions fondamentales…
La construction d’un parti anticapitaliste qui veut révolutionner la société ne peut se penser qu’à partir d’une analyse partagée de quelques questions fondamentales qui déterminent les priorités, donnent du sens aux choix qu’il faut faire à chaque occasion.
Dans ce texte, on ne fait qu’effleurer et exprimer des hypothèses de travail sur ces questions qu’il faut aborder, sur lesquelles il faut réfléchir collectivement, elles ont toutes des conséquences sur la forme du parti que nous devons construire. Evidemment, il est nécessaire pour les aborder de sortir des cadres figés de débat, des formes institutionnelles de notre parti qui ne permettent pas les échanges sur ces questions qui sont au centre des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
- Sur la chute du mur de Berlin , les termes d’un interview de Daniel Bensaid dans la revue Lignes, résument bien l’essentiel :
« La « chute du Mur de Berlin » et l’implosion de l’Union Soviétique n’ont pas accouché du scénario de relance d’un socialisme démocratique, sur lequel misait, historiquement, le courant dont la Ligue provient. ….ces événements-là marquent une cassure historique.
…………………………….
Les anciennes délimitations qui avaient justifié la constitution de courants ou d’organisations politiques – sans être devenues complètement caduques – n’opéraient plus de la même manière. L’ordre du jour était donc à la nécessité de penser une reconstruction programmatique et un nouveau projet politique, dans son contenu comme dans ses formes organisées. Le problème s’est donc posé dès 1989-1991.
Tout au long des années 90, des différenciations sont apparues au sein de la gauche de gouvernement. ….Mais ces ruptures sont restées éphémères. La plupart ont été satellisées par le Parti socialiste ….Il fallait en tirer les conclusions. Force était de constater les ressources militantes déterminantes pour un renouveau ou à une reconstruction se trouvaient essentiellement dans la fermentation des mouvements sociaux, dans leur pluralité et dans les formes nouvelles que leur donnaient l’émergence de collectifs comme ceux des Sans – sans travail, sans logis, sans papiers, sans droits.
……
La problématique sur laquelle s’étaient construites les oppositions politiques, notamment l’Opposition de gauche au stalinisme, dans les années 30 et 50, était que le mouvement ouvrier ne disposait pas de la direction et de l’expression politiques qu’il méritait. Il s’agissait donc seulement de changer la tête sur corps resté fondamentalement sain. Le début des années 90 a montré que les dégâts du stalinisme se révélaient à l’épreuve de la durée beaucoup plus profonds qu’on ne l’avait imaginé. Il ne s’agissait pas d’un long détour ou d’une parenthèse sur la voie royale de l’histoire, mais d’une véritable bifurcation, dont les effets se feront sentir encore longtemps. C’est à une reconstruction à tous les niveaux, social, syndical, associatif, jusqu’aux formes de représentations politiques, qu’il fallait désormais s’atteler. »
- Structuration du capitalisme aujourd’hui.
Il n’est pas facile aujourd’hui de répondre à une question pourtant simple : qui sont les vrais dirigeants capitalistes, pas les directeurs d’usine, les chargés de mission dans l’appareil d’état ? Les vrais dirigeants n’apparaissent pas comme tels aux yeux de la masse des exploités et des opprimés. En fait ceux qui dirigent effectivement sont probablement quelques centaines, et encore. Ils ont le pouvoir économique, contrôlent étroitement le pouvoir politique, asphyxient la démocratie bourgeoise, maîtrisent les médias et les instruments de domination idéologique. Leur pouvoir s’exerce dans les dédales des conseils d’administration, pas vraiment au parlement et dans débats politiques institutionnels : les décisions sont prises ailleurs, devant les tables des vrais riches. Evidemment le phénomène est amplifié par la mondialisation sous sa forme actuelle.
Les ouvriers, les travailleurs qui connaissent leur patron sont ceux des petites et moyennes entreprises, dans lesquelles le phénomène de sous traitance place ces capitalistes de seconde zone dans une situation de dépendance totale des grands groupes.
Et lorsqu’on se bat contre son patron, son entreprise c’est compliqué. On n’a pas ou presque plus affaire à un groupe massif de salariés contre un/des patrons, mais un groupe de salariés contre le système d’emblée …contre des groupes dont les assises financières permettent de tenir assez longtemps. C’est d’ailleurs ce qui explique les débats sur la grève générale, les blocages…
Ce qui me semble fondamental sur ce sujet, c’est que les combats sont rapidement plus contre le système dans sa globalité que contre tel ou tel patron…évidemment cela rend les choses de plus en plus difficiles, mais aussi de plus en plus politiques.
- Qu’est ce que le prolétariat aujourd’hui ?
Notre objectif est d’organiser le prolétariat pour organiser une société démocratique sans capitalistes. Mais depuis la naissance du capitalisme dans les pays européens développés, le prolétariat a beaucoup changé.
La perspective socialiste est née dans des pays où la classe ouvrière industrielle était en progression constante dans des entreprises de plus en plus grosses, dans des villes en progression constantes, avec des travailleurs ayant les mêmes conditions de vie et de travail, habitant dans les mêmes quartiers. L’espérance en un monde meilleur s’appuyait sur l’idée que ces prolétaires allaient être un jour être majoritaires et diriger la société sans les patrons.
Ce n’est pas tout à fait ce qui s’est passé.
Le prolétariat, au sens de ceux qui vendent leur force de travail car ils n’ont que cette force de travail pour vivre et sont dominés de toutes sortes de façons dans la société (pas Carlos Ghon, ni les généraux), est aujourd’hui largement majoritaire dans une société comme la notre. Il représente 75, 80% de la population.
Mais il n’a pas la conscience de son unité et de la force qu’il représente.
Il est éclaté dans des unités de production et de travail de plus en plus petites appartenant à des entreprises de plus en plus puissantes. Les processus de travail concentrent de moins en moins les salariés, le travail est de plus en plus individualisé, plaçant les salariés en concurrence, qui pèse sur les possibilités d’action collective y compris au sein des entreprises.
Le secteur tertiaire est devenu dominant : aujourd’hui en France, la classe ouvrière industrielle représente entre 20 et 25% de la population [4], et cette proportion diminue régulièrement.
En outre des fractions importantes du prolétariat sont depuis 20 à 30 ans exclues du processus de production (entre 4 et 5 millions en France), ou en marge de celui-ci. Cette situation finit par peser sur les formes de politisation et d’action de ces secteurs.
Les possibilités de gagner à partir de luttes dans l’entreprise sont de plus en plus limitées (cf point ci-dessus sur organisation du capitalisme), et les expériences d’activité collectives positives exemplaires sur ce terrain de plus en plus rares.
Les expériences de luttes victorieuses, d’auto organisation, d’auto gestion sont peu développées.
Les formes qu’ont prises les mobilisations au cours des 15 dernières années, autour de journées d’actions générales, de manifestations, ou par ailleurs de révoltes contre les flics dans les quartiers abandonnés sont les réponses actuelles du mouvement de masse à ces modifications en profondeurs du prolétariat et de sa place dans la société.
La question principale qui se pose est aujourd’hui que s’unifie politiquement cette immense force autour de perspectives qui deviennent « hégémoniques » : le capitalisme est dangereux pour nous, pour l’humanité, il est nécessaire d’organiser la société sans eux, et nous sommes capables de le faire démocratiquement.
- Crise écologique
Organiser la société autrement, c’est aussi avoir une perspective pour l’humanité, à cause de des crises écologiques qui conduisent le monde à la catastrophe. Exploitation des humains et exploitation/destruction de la nature relèvent d’un même système qui ne recule devant rien pour accumuler les profits.
Comme il est impossible de concevoir une société socialiste sans démocratie intégrale, il est impossible de concevoir le socialisme comme le développement sans fin de la production et du mode de vie actuel dans les pays « riches ». Sinon se développera une sorte de fascisme vert, dans lequel les richesses financières et les capacités de la planète seront réservées à une part seulement de l’humanité.
Notre projet ne peut être qu’écosocialiste !
Evidemment cela nous impose aussi de poser cette question dans nos formes de militantisme et de vie.
- Quelle perspective socialiste ?
Dans l’histoire du mouvement ouvrier, il y a de ce point de vue trois grandes phases.
De la naissance des idées socialistes à la construction de l’union soviétique, les militants socialistes, communistes, anarchistes, révolutionnaires débattaient d’une société qu’ils imaginaient. La seule expérience de prise de pouvoir politique par les prolétaires était la commune de Paris, portée par tous les militants jusqu’en 1917. Mais il est difficile de penser l’organisation d’un pays, d’une société à partir de la très courte expérience de la commune sur la seule ville de Paris !
A partir de la victoire du prolétariat russe, puis des processus révolutionnaires post-1945 conduisant à l’établissement d’états se revendiquant du système socialiste (Chine, Yougoslavie, et dans d’autres conditions en Europe de l’est, puis à Cuba …), ayant nationalisé tous les moyens de production et fonctionnant dans un cadre économique non capitaliste, la discussion était différente. En quoi ces expériences étaient positives, en quoi leurs limites, leurs erreurs, leurs trahisons étaient modifiables. Fallait-il les défendre face au capitalisme, fallait-il préparer la révolution contre les dictateurs rouges, et cette révolution était-elle d’une autre nature que la révolution dans les pays capitalistes ?
Leur existence structurait les débats sur le socialisme que nous voulions au sein du camp progressiste, mais influait aussi sur la politique de la bourgeoisie. Il était difficile aux dirigeants capitalistes après le seconde guerre mondiale de dire que ce n’est pas à l’état de s’occuper de ceux d’en bas quand dans le monde entier vivait une illusion portée par l’immense majorité des opprimés : l’état socialiste lui, défend tous les ouvriers, offre une protection à tous.
L’écroulement de l’union soviétique, le retour sans coup férir au capitalisme en Russie, en Chine, et l’image de dictature, de misère, de pauvreté, d’indigence qu’on laissé ces expériences du socialisme réel ouvrent la troisième phase.
Il faut recréer à une échelle de masse une perspective socialiste du XXI° siècle, qui ne puisse être associée de quelque manière que ce soit aux caricatures qui ont sali ces mots, ces idées, ces projets pour toute une période historique, jusqu’à la prochaine expérience positive de construction d’une autre société.
C’est notre tâche de travailler à la définition de cette nouvelle perspective qui intègre la dimension écologique. Ce n’est pas seulement en augmentant les forces productives que nous pourrons libérer le monde de l’exploitation capitaliste et des crises écologiques majeures qui guettent la planète. C’est une grande tâche pour laquelle nous sommes peu, car les groupes militants, les partis qui se réclament d’une perspective écosocialiste sont peu nombreux. Et le chantier est colossal !
La force actuelle du capitalisme est là : des centaines de millions de travailleurs, d’exploités, d’opprimés qui rejettent le capitalisme …sans projet alternatif.
- L’éclatement des mobilisations, des champs d’activité
Structure du capitalisme, éclatement structurel du prolétariat, problèmes nouveaux pour la planète, absence de cadre commun de perspective de changement de société, etc … tout cela a des effets sur les formes de mobilisation de ceux d’en bas.
Il n’y a plus de force politique qui vertèbre toutes les mobilisations autour d’un groupe social bien délimité et d’une perspective sociale cohérente et assumée par ce groupe.
Pourtant les mobilisations continuent, en empruntant des canaux les plus divers.
Où se trouvent aujourd’hui les prolétaires, les jeunes les plus radicaux ?
Dans beaucoup d’endroits, partis radicaux, certaines structures syndicales, associations, et aussi phénomènes comme les indignés ici, les occupants des places là-bas, les bloqueurs des sites en marge des manifestations, les réseaux d’activistes…
Il est intéressant de noter par exemple la différence qu’il peut y avoir entre la révolution au Portugal en 1974 et les processus révolutionnaires en Tunisie, en Egypte. Au Portugal, les partis réformistes, les organisations révolutionnaires, les structures traditionnelles du mouvement ouvrier se sont gonflées… 40 ans après, ce n’est pas ce qu’on observe pour le moment.
Il n’y a pas aujourd’hui dans un pays comme la France un secteur du prolétariat qui à lui seul qui soit en mesure d’avoir la force suffisante, l’expérience accumulée dans les luttes pour entraîner naturellement par lui même toutes les mobilisations, et tout le prolétariat.
On a déjà eu une telle situation dans l’histoire du mouvement ouvrier, et les formes d’organisation ne peuvent avoir une efficacité politique que si elles permettent d’organiser le prolétariat et la radicalisation telle qu’ils sont.
- Institutionnalisation partis, syndicats
Ce d’autant que l’existence depuis des décades d’une « démocratie bourgeoise »à l’européenne a finit par peser sur les formes d’intégration du mouvement ouvrier, des partis, des syndicats, des associations à la société et aux institutions bourgeoisies.
La bourgeoisie a fait le choix d’intégrer ces organisations, par le fric, les institutions, les postes, les prébendes divers. Tous les partis « de gauche » vivent des subsides de l’état, comme les syndicats.
Combien de syndicalistes passent plus de temps en réunion avec les patrons ou leurs représentants qu’avec leurs collègues de travail ?
Entre 15 et 20% des militants du PC sont des élus, leur activité se place sur ce terrain, et leur reconnaissance y est liée, sans compter le poids des emplois générés par ces postes : les attachés parlementaires, les employés des collectivités territoriales, etc…
Combien de jeunes loups du PS font leurs premières armées dans quelque syndicat étudiant, quelque association pour préparer leur carrière !
Dès qu’une association a une existence significative, elle subit des tentatives d’intégration : fric pour des permanents, locaux attribués par les maires qui cherchent à contrôler, etc … sans compter les formes d’intégration capitaliste, par le fric et la gestion des budgets, comme beaucoup d’organisations écologistes.
Bref les appareils politiques et syndicaux, voire les associations sont devenus institutionnels, et compris comme cela par la masse de ceux d’en bas, pour lesquels la politique c’est un métier, militer n’est plus une implication personnelle pour faire avancer des idées, une perspective.
Les partis oscillent entre une activité institutionnelle et une présence médiatique, sous les formes les plus diverses.Mais une place dans les médias ne remplace pas l’action consciente de militants, de prolétaires, de jeunes sur le terrain, pour organiser ceux d’en bas.
Quelle est l’activité non électorale dans les quartiers, les entreprises, combien de tracs dans les entreprises à part ceux du NPA, de LO et …
Tant cette institutionnalisation que l’expérience de ce siècle, que les coordonnées actuelles de politisation remettent en cause la forme parti telle qu’elle a existé tout au long du XX° siècle en Europe de l’ouest au moins (il faut voir ailleurs, je n’ai pas assez de données pour apprécier ce qu’il en est). Le parti guide, l’acceptation d’une direction infaillible, l’obéissance aux impératifs du parti,… on en est assez loin on en conviendra.
Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de motivation pour lutter contre cette société capitaliste, on l’a vu avec l’écho du lancement du NPA.
Mais pour être efficace, il faut partir de cette situation :nous devons chercher à organiser le prolétariat et la radicalisation à partir de ce qu’ils sont.
… et leurs conséquences.
Ces quelques pistes, qu’une réflexion collective amènerait à corriger, compléter, enrichir, nous donnent quelques points de repère pour la construction d’un parti anticapitaliste de masse se donnant pour perspective de révolutionner la société.
Tout développement, tout dépassement du NPA ne peut exister que si nous avons l’ambition d’être le creuset de cette réflexion, que si nous sommes capables de repenser le militantisme, la conception du parti.
Pas pour en faire un parti où l’on milite en dilettante, pas pour être seulement la rencontre des mouvements, pas non plus pour être le parti d’avant garde des masses…. Il nous faut un parti qui soit plus en phase avec la vie quotidienne, un parti qui soit utile aux investissements militants et qui s’en nourisse, un parti qui donne un sens politique émancipateur à tous les actes quotidiens des militants, un pari qui globalise l’activité politique.
– Le prolétariat, celui qui représente les 80% de la société, voire comme le disent les indignés, 99%, a besoin de son parti. Un parti qui organise cette classe majoritaire de la société en classe agissante et consciente. Un parti qui (re)donne du sens de l’action collective pour un projet de société débarrassé du capitalisme et de ses crises.
Le parti dont nous avons besoin n’est pas seulement un instrument dans la bataille politique, mais est principalement utile dans la constitution de la classe « pour soi ». Cette constitution se fait principalement dans l’action. C’est au cours d’actions, de campagnes que les militants apprennent, convainquent autour d’eux, contribuent aux conditions politiques dans lesquelles certaines idées, certains objectifs s’emparent de courants massifs du prolétariat. C’est par des campagnes qui font bouger les lignes de force sur certains sujets que le parti montre son efficacité.
C’est le cas par exemple de la bataille sur la dette.
Le problème n’est pas seulement d’avoir une position juste que l’on exprime le plus clairement possible. Notre utilité n’est pas seulement de nous positionner, elle est de faire changer l’état d’esprit de millions de membres du prolétariat, des 99%. Elle est d’arriver à ce que l’idée que la dette est une construction des banques et des capitalistes, et non quelque chose qui s’impose à nous, une espèce de force surnaturelle qui nous domine, devienne une évidence. Alors nous créons à une échelle de masse les conditions d’une action contre la dette, car il y a des responsables qu’il faut faire payer, ceux qui s’en mettent plein les poches et veulent nous la faire payer une seconde fois. Et cette bataille c’est celle de l’élection présidentielle, car une évolution de cette nature de la conscience de grandes masses crée, en plus de la possible mobilisation, les conditions de réceptivité de nos propositions sur l’abolition de la dette.
Evidemment on se trouve petits devant l’objectif de la constitution de la classe pour elle-même, qui semble énorme. Mais en réalité il n’y a pas d’autre choix que de commencer dès maintenant cette construction, pierre par pierre, à partir de nos petits bras.
Il faut donc continuer à construire le NPA, et surtout chercher à le faire transcroitre.
Ce n’est en aucun cas de moins de NPA, d’épuration ou du départ de ceux qui ne pensent pas comme nous, dont nous avons besoin.
Ce qui est indispensable, c’est de prendre la mesure de l’objectif de départ, et de comprendre en quoi nous nous en sommes écartés, et de tout faire pour reprendre le fil, et réfléchir comment rebondir.
– Sur la question essentielle de l’Etat, de la question du pouvoir, les textes fondamentaux du NPA sont justes, et n’ont pas à être « durcis », « gauchis », ils répondent de manière satisfaisante aux enjeux essentiels de la période historique.
Les termes des principes fondateurs définissent globalement ce qui nous sépare des réformistes, et permettent d’agir efficacement :
« Nous participons aux luttes pour des réformes immédiates et nos réponses politiques partent des réalités du terrain, de tout ce que chacun-e vit au quotidien. Elles tracent en même temps les contours de la société que nous voulons, basée sur la satisfaction des besoins sociaux. Elles supposent donc la rupture avec le capitalisme et le “ tout marchandise ”.
Nous participons aux élections pour défendre nos idées, pour rassembler très largement la population autour de notre programme. …….
Nos élu-e-s refusent de cogérer le système. ……
À l’échelle nationale, l’application d’un tel programme impliquerait la confrontation avec les classes dominantes, et exigerait une formidable mobilisation populaire, susceptible de faire émerger de nouvelles formes de pouvoir qui donneraient à un gouvernement anticapitaliste les moyens de sa politique.
Une domination de classe ne peut pas être éliminé par voie de réformes. Les luttes peuvent permettre de la contenir, de lui arracher des mesures progressistes pour les classes populaires, pas la supprimer. En 1789, la domination de la classe privilégiée de l’Ancien Régime n’a pas été abolie par des réformes. Il a fallu une révolution pour l’éliminer. Il faudra une révolution sociale pour abattre le capitalisme.
Elle implique donc nécessairement un changement des rapports de propriété, social et institutionnel, qui rejaillit sur tous les aspects de la vie en société. Notre choix pour y parvenir mise exclusivement sur l’expression et la mobilisation majoritaire. Tout en annonçant clairement à l’avance que nous chercherons à organiser l’auto-défense des travailleurs, pour que le coup d’État militaire et la répression massive qui ont eu lieu au Chili en 1973 ne puissent pas se reproduire. “ L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ” (Marx dans Le Manifeste communiste) reste notre boussole. D’une manière générale, ce sont les forces de la réaction qui imposent la violence. Notre choix est celui du nombre, des formes de lutte qui rendent les revendications légitimes et populaires, sans hésiter à sortir du cadre étriqué de la légalité pour obtenir satisfaction, en tenant fermement les piquets de grève, en réquisitionnant les logements vides, en cachant les sans-papiers pourchassés, en désobéissant face à l’intolérable...
L’objectif de notre parti n’est pas de prendre le pouvoir par et pour lui-même. Nous combattons dès maintenant et partout pour l’auto-organisation des luttes afin de préparer le renversement de la société capitaliste et l’autogestion par les travailleurs et la population.
Nous voulons que le NPA fasse vivre le meilleur de l’héritage de celles et ceux qui ont affronté le système depuis deux siècles, celui de la lutte des classes, des traditions socialistes, communistes, libertaires, révolutionnaires. ….. »
Cette position est réaffirmée dans les statuts :
« …Ce qui rend nécessaire une centralisation des activités du parti, c’est que le capitalisme dispose d’un cadre centralisé d’où s’organise sa domination : l’État, les puissances économiques et financières. L’enjeu est bien un changement de pouvoir et une rupture révolutionnaire avec l’ordre établi…. »
– Le PS et les partis socio-démocrates européens sont des partis bourgeois qui gèrent les affaires de la bourgeoisie, ils n’offrent aucune perspective de changement social. Leur fonctionnement est celui de partis qui ne sont plus percutés par les mobilisations de masse et le mouvement social.
Le PC et le PG sont des partis réformistes dont la stratégie vise par leur présence dans les institutions à « peser » sur la social-démocratie, sans chercher à renverser le système, considérant que les institutions et l’Etat peuvent permettre un changement politique. Cette politique pour s’appliquer passe par un accord avec le PS qui les place sous les fourches caudines de ce parti, comme dans les régions, département et mairies…
Ce qui détermine la vie de ces partis, ce sont les politiciens professionnels de carrière qui en sont l’ossature et veulent perpétuer leur situation. Cela n’empêche pas la présence en leur sein de militants sincères…Mais leur fonctionnement, type et nombre de réunions, modalités de militantisme, type de débats, leur recrutement ne permettent pas une décantation politique à gauche de courants constitués menant des batailles politiques en rupture avec la politique réformiste des directions.
La construction d’un nouveau parti anticapitaliste ne peut donc s’appuyer que sur sa capacité à organiser les militants radicaux des mouvements sociaux, celles et ceux qui refusent les trahisons des directions syndicales et réformistes, et aussi des individus qui viennent à la politique par leur rejet du système capitaliste. Mais il n’y a pas de cloison étanche entre le champ politique structuré par les partis institutionnels et les secteurs militants plus radicaux.
Il y a donc un champ politique dans lequel nous devons intervenir, pas dans l’illusion que cette intervention pèsera sur l’évolution des partis du Front de Gauche par exemple, mais parce que ces débats sont aussi un moyen de répondre aux interrogations, illusions des militants radicaux qui sont importants pour construire un parti d’action.
– Ces constatations doivent nous amener à rester ouverts à toutes initiatives pour relancer la construction du NPA.
Quels que soient les résultats des élections, les cartes vont être rebattues.
Par exemple, si le candidat du PS est élu en 2012, il se posera la question d’organiser une opposition de gauche unitaire contre l’austérité capitaliste et la politique sociale libérale aux ordres des marchés, indépendante de tout gouvernement et de toute majorité gouvernementale, qui mette au centre de son action les exigences populaires face à la crise, qui agisse pour faire payer les capitalistes par exemple en :
• refusant le remboursement de la dette publique, et en défendant la construction d’un service public bancaire,
• engageant une révolution énergétique, notamment par la sortie du nuc
• prenant sur les profits capitalistes pour interdire les licenciements, travailler moins pour travailler tous, et pour réinstaurer la retraite à 60 ans à toux plein pour tous,
• instaurant l’égalité des droits français immigrés, par la régularisation de tous les sans-papiers,
• arrêtant toutes les interventions militaires françaises qui sèment la terreur, la misère et la mort.
Est-ce que le NPA n’aura pas intérêt à proposer à toutes les organisations, associations, syndicats, partis, courants, groupes, personnalités qui se reconnaissent globalement dans ce type d’exigences revendicatives des rencontres pour mettre en place un groupe de contact permanent qui vise à unifier l’action de cette opposition de gauche ?
Bien sûr, il faudra avoir la discussion le moment venu, on pourra à ce moment faire des choix différents. Mais une réflexion de ce type pose la question de penser notre action comme parti qui cherche à être utile pour les 99%, à trouver les moyens d’unifier l’action de tous ceux qui souffrent du capitalisme, de la politique des dirigeants, et un parti qui continue à vouloir dépasser son stade actuel, à s’ouvrir à de nouvelles couches de jeunes, de salariés, de militants ….
– Notre crise est, comme le dit un texte de Pierre Rousset, une crise de fondation.
Compte tenu de la faiblesse des expériences de luttes fondatrices pour un nouveau parti de masse, il est difficile de penser que notre projet aurait pu se réaliser d’une seule traite.
L’élan initial a montré la possibilité de dépasser ce qu’était la LCR, nos erreurs et notre situation actuelle ne doivent pas nous écarter de l’objectif. La situation sociale et politique ne trace pas à ce jour de chemin simple et direct pour la création d’un parti de masse.
L’hypothèse la plus probable est que ce parti ne pourra naître que d’étapes successives, de sauts. Ce n’est pas à la première difficulté importante, ce n’est pas parce que nous reculons, que nous devons perdre de vue cet objectif !
Notre projet doit toujours être celui de regrouper les anticapitalistes radicaux
• qui ne pensent pas le système réformable, ne supportent pas les oppressions l’exploitation, souhaitent un autre monde de justice,
• qui ne pensent pas que les changements peuvent venir des institutions,
• qui ne croient plus à la gauche institutionnelle,
• qui ont la perspective d’unifier les luttes en des affrontements centraux, dans un mouvement d’ensemble, par le travail dans l’unité dès que possible et par la mobilisation elle-même,
• pour lesquels les élections permettent l’expression de projets et de travailler à une représentation de ceux d’en bas par des « dissidents » dans les institutions,
• aspirent à une démocratie « par en bas », tant dans les luttes que dans le parti, le parti devant être d’abord un rassemblement démocratique d’action, de débat et d’élaboration, dans la pluralité.
Nous devons travailler à la conception, au fonctionnement d’un parti de milliers de militants qui cherche à devenir un parti de masse pour l’action. Il nous faut réfléchir, remettre en cause les pesanteurs, les habitudes, élaborer un fonctionnement ouvert, nouveau, essayant de s’adapter à la situation nouvelle.
Nous voulons un parti qui permettent à celles et ceux qui ne supportent plus l’exploitation, l’oppression quotidiennes, un cadre de fraternité, de solidarité, de réflexion libre et d’action radicale. Il doit permette à chacun de trouver les ressources pour organiser démocratiquement autour de lui des réactions collectives contre toutes les injustices, des actions pratiques modifiant les conditions de vie et de combat de ceux d’en bas, pour avoir un comportement en rupture avec la société et ses valeurs.
Les conditions dans lesquelles on fait vivre le parti sont une image lointaine certes, mais quand même, de la vision que nous avons des relations dans la société et le type de démocratie que nous voulons… Et il faut dire que parfois on se demande avec une certaine inquiétude comment feraient des camarades avec des responsabilités dans un appareil d’état socialiste quand on voit quels actes sont possibles dans un parti de notre taille pour des enjeux somme toute mineurs !
Pour se battre efficacement contre tout ce qui détruit les capacités de résistance et de révolte dans la société, notre parti, pour être efficace, se doit en même temps :
• de permettre à ses militants et ceux qui l’entourent de comprendre les raisons et les processus de l’exploitation et des oppressions, de réfléchir en quoi la bourgeoisie a réussi à structurer au delà de l’économie et de la société, l’ensemble des relations humaines,
• d’être un cade assez accueillant, véhiculant des valeurs et des fonctionnements en rupture avec les processus de pouvoir, avec l’élitisme, qui construit des comportements humains et militants solidaires, collectifs, fraternels. Il doit faire bon fréquenter et militer dans notre parti parce que nous créons d’autres relations, nous construisons ensemble une autre vision de la société.
Cela passe par une volonté permanente d’intégrer tout le monde dans le parti, socialement ( en se donnant les moyens que celles et ceux qui sont exploités et opprimés dans la société ne soient pas dominés dans le parti, et puissent y prendre toute leur place) politiquement (par une véritable rotation des responsabilités, par le rejet de toutes les tactiques consistant à occuper toutes les places, ne défendre que ses amis politiques quelles que soient les compétences …etc…bref, toutes techniques visant à comprendre une victoire politique par l’accaparement du « pouvoir ») .
Cela passe par la volonté de travailler à construire un parti qui ne soit pas l’agglomérat de courants centrifuges ni le monolithisme centripète. Nous agissons donc pour unifier le parti en proposant à sa diversité une dynamique commune par des majorités d’actions et de construction.
Pour conclure provisoirement
Oui le projet du NPA reste toujours valide.
Le projet d’un parti pour la transformation révolutionnaire de la société, large, ouvert à différents courants idéologiques et à des nouvelles pratiques est évidemment toujours d’actualité. C’est une nécessité pour la période, la crise et ses trois dimensions sociale, économique et écologique ne rendent que plus urgent la construction d’un parti en dehors des institutions mais ouvert aux cadres de luttes, bénéficiant d’une audience large ayant pour but de renverser le capitalisme. Un parti qui n’est pas dans l’auto-affirmation incantatoire mais en prise avec les luttes réelles et les revendications de la population, sans tomber dans le travers d’une recomposition illusoire de la gauche de la gauche.
Au moment de son lancement, le NPA a pris, trop peu de temps, une place originale dans la politique française en essayant d’être un parti d’une nature différente, expression et prolongement politique des luttes sociales, de leur dynamique extra-institutionnelle, extra-système, anticapitaliste. Cette première tentative s’est heurtée à forte partie : tant la bourgeoisie que les réformistes ont essayé de la faire taire. Ne nous laissons pas faire …
Le développement de la crise, les mouvements qui se développent donnent encore plus d’urgence et de crédibilité à un parti de ce type, en rupture avec le système politique antidémocratique et réactionnaire que maintient le capitalisme.
Ouvert, démocratique, unitaire et anticapitaliste, le NPA peut rebondir !
Patrick Le Moal, le 14 décembre 2011