Certaines prostituées - un très petit nombre - revendiquent haut et fort qu’elles ont « choisi » ce qu’elles considèrent comme leur métier. Elles ne sont pas soumises à des proxénètes et sont moins démunies que l’immense majorité des prostituées. Elles se proclament souvent « féministes », militent pour la réglementation de leur « profession » et assurent parfois qu’elles trouvent dans l’exercice de la prostitution, ou dans les métiers de la pornographie, leur libération sexuelle. Ces prostituées se disent indépendantes et affirment qu’elles sont les « patronnes » face à leurs clients.
Mais, même s’il n’y avait pas de proxénètes, même s’il n’y avait pas de traite, d’esclavage, c’est la société qui est complice de cet état de fait, qui l’organise - comme lors des Jeux olympiques d’Athènes et, aujourd’hui, en Allemagne avec le Mondial - et qui s’en enrichit.
Ce triple rapport client-prostitué(e)-organisation sociale constitue le rapport prostitutionnel. Ce qui est ainsi mis en circulation, en vente, c’est le corps, c’est la sexualité des femmes. La marchandisation du corps des femmes bat son plein dans notre société néolibérale. La mondialisation contribue à ce système en facilitant les transferts d’un bout du monde à l’autre, le blanchiment de l’argent, en faussant le rapport au corps et en chosifiant la personne humaine.
La Camerounaise Amély-James Koh Bela, présidente de l’association Africa Prostitution, à Paris, spécialiste de la prostitution africaine en Europe, centralise quotidiennement de nombreuses informations sur les réseaux et les pratiques de la traite des Noires, en Afrique et en Europe. Selon ses sources, de nombreuses prostituées africaines, attirées par la prochaine Coupe du monde de football (9 juin-9 juillet), seraient déjà en Allemagne, et d’autres devraient les rejoindre.
Les prostituées vont venir du Cameroun et du Nigeria - les deux pays qui envoient le plus de prostituées en Europe -, mais aussi du Liberia, du Ghana, de la Côte-d’Ivoire, du Congo, du Bénin et du Sénégal. Au Cameroun, cela fait déjà plusieurs semaines qu’une rumeur court à Douala : on dit aux prostituées que la Coupe du monde est une aubaine pour elles. On leur fait miroiter de l’argent facile et du travail à gogo. Comme l’Allemagne a légalisé la prostitution, elles pensent qu’elles pourront rester et demander des papiers.
À chaque grand événement sportif, on parle de la recrudescence de la prostitution. Mais le problème a réellement pris de l’ampleur avec les Jeux olympiques d’Athènes. La prostitution des Camerounaises en Grèce avait quadruplé en moins d’un an. Les filles qui sont parties à Athènes auraient envoyé des messages à leurs copines restées au pays pour les encourager à venir. Il y a eu un vrai « effet JO », car la majorité des Africaines parties là-bas ne sont pas revenues. Du coup, au Cameroun, il y a de plus en plus de candidates au départ qui se disent qu’elles vont faire la même chose en Allemagne.
Les prostituées africaines de France et d’Europe seront aussi du voyage. Même si les trafiquants ont envoyé leurs hommes de main recruter à travers l’Afrique, il est plus facile de faire passer de façon clandestine les femmes qui sont déjà en Europe. À Paris, les « mamas » (les proxénètes) se seraient regroupées pour louer des chambres en Allemagne. Elles voudraient éviter un mouvement trop visible et feraient partir les femmes par petits groupes. C’est aussi une façon de réserver les meilleures chambres, dans des hôtels près des stades. Beaucoup sont déjà sur place, notamment à Hambourg, grâce aux faux mariages et aux fausses familles. Il faut agir pour que le Mondial ne fasse pas la promotion publique de la traite et de la prostitution des femmes.