« Si les femmes cessaient d’exister, les salafistes, de même, cesseraient d’exister », s’est exclamé un jour une médecin égyptienne (…). Habituellement, les êtres humains sont heureux d’être au cœur des discussions d’autrui. Ce n’est pas le cas des femmes avec les salafistes : elles se sont lassées d’être l’unique sujet de leurs thèses, leur obsessionnelle préoccupation. Toutes les fetwas salafistes consacrent une idée et une seule, que les femmes - et le simple bon sens – rejettent, à savoir qu’une femme n’est qu’un corps, une enveloppe charnelle non douée de raison, un instrument de plaisir, un foyer de tentation ambulant (…).
Allumez la télévision, sélectionnez n’importe quelle chaîne, à n’importe quel moment de la journée et vous verrez un salafiste épiloguer sur les bikinis, les shorts, les cheveux, et promettre d’apprendre aux touristes étrangères les bonnes mœurs, les vertus du voile sur cette terre vertueuse, notre terre. La vérité est qu’une touriste en short ne pense nullement à ce à quoi pensent les hommes atteints du syndrome de la « conscience hypertrophique du corps (féminin) ». (…) Tout ce qu’elle désire c’est communier avec la nature, que sa peau absorbe les rayons du soleil, source de vie. On retrouve ici toute une philosophie du retour à la nature, comparable à celle de la nutrition diététique à base de légumes et de fruits frais et non de conserves, de fritures et autres aliments cancérigènes, qui tiennent une bonne place sur la table des honorables Arabes. (…) Ce qui traverse l’esprit des hommes lorsqu’ils voient le corps d’une touriste en short est le signe de maladies dont les femmes ne soupçonnent pas l’existence et, surtout, dont elles ne portent aucune responsabilité.
Une voiture nous sert de moyen de locomotion mais elle peut aussi écraser des enfants sur les routes. On ne peut, pour autant, interdire les voitures au prétexte qu’elles fauchent les jeunes existences. On peut, par contre, apprendre à bien conduire. C’est pourquoi l’islam nous recommande la pudeur, non pas d’ensevelir vives les femmes. Y a-t-il vertu sans lutte contre soi-même, contre la tentation du péché ? Soignez vos maladies, la concupiscence de vos hommes au lieu d’apprendre aux autres (…) à haïr la nature comme nous l’avons haïe (…) pour nous voir sombrer dans les fléaux du cancer, de l’insuffisance rénale, de l’hépatite, de l’ostéoporose, de l’obésité, des pathologies cardiologiques, des embolies cérébrales et autres maladies de ce tiers-monde qui fait ripaille de junk food et, apathique, se vautre des heures durant devant la télévision, qui hait la marche, la natation, bref toute pratique sportive et n’a pas plus de respect pour l’Autre qu’il n’en a pour la nature.
Il est vraiment triste que la vue des cheveux dévoilés d’une femme tourmente les salafistes alors que ne les tourmente point le spectacle d’un enfant fouillant, pieds nus, les poubelles, avec les chiens et les chats, à la recherche d’un quignon de pain. Nous ne les avons pas entendus émettre de fetwas en faveur des enfants errants qui bondent les rues d’Egypte et qui se reproduisent pour donner naissance à d’autres, comme eux prédestinés à la mendicité et à la délinquance. En revanche, on nous rebat les oreilles, jour et nuit, avec ces vociférations à propos des cheveux des femmes, de l’interdiction pour elles de porter des hauts talons, de l’impudeur de leur voix (sauf quand elles l’accordent à Hizb el Nour !), de leur incompétence, de la nécessite de les battre et de les rabrouer pour les garder sur le droit chemin.
Plus on est obsédé par une chose, plus on l’interdit, enseignait Michel Foucault. Les salafistes sont-ils si hantés par les femmes que leurs fetwas n’ont plus qu’elles pour objet ? N’y a-t-il rien, dans le cerveau d’un salafiste, sinon elles ? Messieurs les salafistes savent-ils combien de femmes, en Egypte, pourvoient aux besoins de leurs enfants, époux et parents ? Pourquoi vous échinez-vous à défigurer l’islam (…), à en donner une image aussi réductrice, comme si son message ne portait que sur les femmes, leurs cheveux et leurs corps ? Taisez-vous donc un peu, vos paroles vous condamnent et font offense à la vie. Ou alors enterrez vives les femmes pour que le monde n’appartienne plus qu’à vous. Ainsi, trouveriez-vous la paix, enfin, et nous aussi.
Fatma Naout