Il est notable qu’enfin des membres de directions se risquent à un bilan sans s’exonérer de ce qui, à leurs yeux, furent des erreurs, même si c’est pour fonder une réorientation qui, à mon sens, en génère de nouvelles. Il serait bienvenu que d’autres retours critiques paraissent. La crise d’une tentative quand même inouïe, de créer un nouveau parti « par en bas » en tentant qu’il soit d’un nouveau genre, le vaut bien. D’autant que cette crise exacerbe deux visions archaïques du mouvement ouvrier et du parti.
Pour vous 7 et vos alliés, l’unification stratégique de la classe passe essentiellement, bien que vous vous en défendiez, par l’unité de ce qui serait « ses » organisations. Comme si elles n’étaient guère plus soit qu’avatar, passé corps et âme du côté bourgeois, pour les social-démocraties. Et des « laisses de mer », en déshérence, issues des reflux définitifs du stalinisme et d’une social-démocratie plus du tout « ouvrière bourgeoise ». Tandis que le tout est porté par des générations nostalgiques et percluses de défaites, à bout de souffle.
De plus, à y bien regarder, ce caractère « stratégique » que vous donnez à la question unitaire, résulte pour beaucoup d’une distorsion antidémocratique du système électoral français qui nous marginalise. Enfin, vous n’abordez ni même n’évoquez les mutations considérables du prolétariat (aujourd’hui un peu sans feu ni lieu, sans foi ni loi), ni la résurrection de la révolution comme acte collectif de changement social. Elle surgit sous la forme de soulèvement démocratique (et non d’insurrection armée) dont la confiance voire la référence envers les organisations historiques est des plus ténues (même en Tunisie avec la UGTT).
Même chose pour votre antithèse symétrique dans le NPA, pour qui le prolétariat semble rester ce bloc pur et dur de « bastions » ouvriers d’antan. Ces bastions sont aujourd’hui disloqués, délocalisé, intérimérisés, et en perte accélérée de conscience de classe. Leur idée de l’unification se résume à l’autoproclamation révolutionnaire du parti à laquelle les travailleurs sont sommés de se rallier. Et toute idée de pratique unitaire systématique (de la base au sommet) sur les fronts de lutte qui secouent la société, leur paraît « faire le jeu » de réformistes à l’affût de velléités radicales à étouffer. Leur programme se concentre sur la grève générale (insurrectionnelle ?). Celle-ci débouche par brusque mutation sur un « gouvernement des travailleurs ». Le tout orchestré, si on les lit de près, par ces bastions auto organisés qui seraient ipso facto « la direction » du mouvement social (lequel serait sans doute immature et pas auto organisé, lui), cf. les thèses P2 [2]. Et… ces bastions seraient eux-mêmes orchestrés par LE parti révolutionnaire, forcément révolutionnaire ?
Entre la nostalgie et le simplisme, pas facile
Les 7.
Commençons par votre fin et somme toute, l’essentiel. Vous vous affirmez convaincus que, dans l’articulation recomposition-reconstruction, le curseur doit être clairement du côté de la reconstruction. Bon, mais tout votre texte est (im)pensé quasi exclusivement versant recomposition. Vous restez bien court sur le versant reconstruction, et vous vous en tenez à la « stratégie unitaire » centrée sur les forces politiques plutôt que sur des forces sociales. Avec pour obsession de s’adresser aux forces politiques, ce qui est nécessaire, mais avec l’illusion que cela (seul ? surtout ? d’abord ?) permet de s’adresser aux masses. Or, cela fait un bail que ces forces n’ont plus guère l’oreille des masses.
Même lorsque les forces sociales sont convoquées (cf. plus loin), ça reste sous l’impulsion (la maîtrise ?!) de forces politiques dont vous zappez les atermoiements politiques, le peu d’implantation, le bureaucratisme et la faiblesse énergétique.
Si, développer sur la reconstruction après l’échec que nous venons de subir, n’est pas facile, cela implique-t-il pour autant de rester stratégiquement scotchés sur l’unification politique des formes atrophiées du vieux mouvement ouvrier ?
D’autant que, pour un courant comme le nôtre qui a plutôt bénéficié du soutien de la jeunesse et d’une image de rénovation politique et d’indépendance institutionnelle, c’est assez contre pédagogique. C’est faire accroire que ces courants, malgré leur engluement dans les logiques institutionnelles et les (en)jeux politiciens, sont susceptibles de rupture et donc de redressement. De votre propre aveu, vous n’en pensez rien ! Comment ne pas voir que donner le sentiment qu’ils le pourraient, c’est inciter leurs membres à s’y enkyster ?
Il ne s’agit pas d’écarter les « pratiques unitaires » avec la gauche de la gauche institutionnelle, au contraire sur tous les terrains de luttes elles doivent être systématiques, et l’unité est alors un combat politique (et non une danse du ventre) sur les réponses aux enjeux de ces luttes, seul vrai fil à plomb. Mais, malgré les pokers menteurs des débats entre partis transfigurer ces pratiques unitaires systématiques en une stratégie unitaire… c’est, pour la pensée, au détriment de quoi ?
Quand on pense ça à quoi ne pense-t-on pas ?
Ainsi, pour être logique avec votre affirmation certes il n’y aura pas d’avancée significative de notre projet sans une nécessaire auto-activité des masses, la priorité des priorité est-elle de carambouiller ce « débouché politique » (car ce doit être de cela qu’il s’agit, non) ? Et surtout, d’en faire le point de rupture dans la construction de notre parti ? Ne faudrait-il pas plutôt mettre nos forces (et nos débats) dans ces commencements de nécessaire auto activité des masses et leur développement ?
Et ce débouché pourrait s’avérer plutôt un… bouchon comme ce fut la cas dans la bataille au sein des collectifs du 29 mai autour de la candidature présidentielle.
Quant à la nécessaire auto activité des masse, vous semblez en négliger le potentiel évoqué quasiment « pour mémoire », au profit de combinaisons « unitaires » dont nous avons éprouvé les impasses, depuis l’épisode référendaire. À vous lire et à suivre nos sempiternels débats de congrès qui ne se préoccupent que marginalement de l’analyse des luttes et des mouvements sociaux l’essentiel de nos débats restent… politiciens. Et relier dans votre bilan, notre crise à l’affaiblissement de l’auto activité des masses semble être évoqué pour l’orthodoxie, tandis qu’obsessionnellement votre argumentation se déporte sur l’absence de « vision unitaire stratégique ».
Ne peut-on pas estimer plutôt que notre impasse actuelle provient aussi et beaucoup de notre incapacité à penser le neuf qui se trame au sein des masses, à mettre nos forces dans le suivi des luttes, dans des initiatives protestataires propres et/ou unitaires, tout occupés que sont nos débats par ces questions politiciennes ? Et que le temps passés en conciliabules pourrait être utilement occupé à des actions de terrain ? De nombreuses sont conduites par beaucoup de nos camarades, mais en direction, quelle attention avez-vous porté à leur centralisation, à leur coordination, à leur développement ? Actions écologistes, sur la guerre, les grèves de résistances, les violences faites aux femmes etc, bref tous ces terrains où se « mature » l’auto activité des masses que vous invoquez.
Au moins la P3 [3] fait porter au NPA la responsabilité de ces impasses pour avoir privé les masses impatientes de leur débouché politique…
En êtes-vous là ? Pas loin ?
En effet vous notez : il existe cependant des éléments de résistance dont les potentialités anticapitalistes sont réelles. Le mouvement des indignés représente à cet égard une excellente nouvelle même s’il faut convenir de ses limites. En effet, il recèle une dynamique planétaire mais celle-ci est contrebalancée par un fort sentiment anti-parti et anti-organisation.
On ne peut s’empêcher de trouver significatif, comme un lapsus votre chagrin devant ce fort sentiment anti parti et anti organisation ! Et pourtant, si cette dynamique devait s’en remettre à ou nourrir un tant soit peu de bienveillance envers les partis et organisations existantes, où en serait-elle ?
Serait-elle ?
Quoique qualifié de bonne nouvelle vous me semblez donc bien restrictifs sur ce qui se cherche de neuf : les Indignés, les « del plirono » grecs, Occupy Wall Street, les révolutions démocratiques arabes. Et plutôt que de convenir (comme votre antithèse symétrique dans le NPA) de leurs limites, ne faudrait-il pas en apprécier les promesses ?
En quoi le fort sentiment anti parti, anti organisation contrebalancerait-il la dynamique ? N’en serait-il pas, à l’inverse une condition pour pouvoir surgir, exister, s’exprimer, mûrir, demain se structurer ? N’est-il pas une bonne chose, en l’état actuel des dits partis et des dites organisations dans le monde que de s’en dégager avec un fort sentiment de devoir le faire de toute urgence ?
Votre tropisme stratégique ne nourrirait-il pas là encore vos réticences ?
Ces indignés divers disqualifient les pratiques, les discours, les inhibitions, les ruses d’un mouvement ouvrier dont vous rappelez que dans ses branches syndicales comme politiques, (il) subit sur la longue durée un mouvement d’adaptation au capitalisme et aux politiques libérales. Or en appelant à s’insurger contre la folie capitaliste, ces 99% rallient des couches sociales. Ils créent une dynamique d’unification dont l’ancien mouvement ouvrier est bien incapable sauf lorsqu’il y est poussé et contraint. Ce qu’il fait (cf le CPE) souvent pour contenir la mobilisation dans les marges fixées par le système.
Malicieusement, constatons ensemble que défiants envers les « représentants » et les formes organisationnelles verticales, se posant hors système, même explicitement anti-système, avec toutes les limites qu’on voudra (mais la radicalisation n’est pas plus un fleuve limpide que tranquille), ces indignés, occupants, 99% et autres « del plirono ! » ou « dégage » rappellent furieusement nos, déplorables à vos yeux, développements sur le parti des anonymes. Celui qui, selon vous auraient traduit non seulement une extériorité vis-à-vis des autres forces politiques, mais en réalité vis-à-vis de l’ensemble de la société.
Jugement téméraire de votre part, qui, à l’époque des indignés ne me semble pas si pertinent…
Hein ?
Que vous pensiez recomposition bien plus que reconstruction votre texte le trahit de bout en bout. Dans votre conclusion sur la nécessité d’un bloc anti-crise indépendant du PS, vous prônez : Une politique qui devra se développer sans exclusive vis-à-vis de forces politiques mais aussi envers les associations et les militants du mouvement social. Et vous voilà, dans votre tropisme « stratégique unitaire » subordonnant le mouvement social aux forces politiques : « mais aussi », mettant la priorité dans la constitution par le partidaire plutôt que l’ancrage au sein de mouvement social. Pourquoi ne pas écrire une politique qui devra se développer « d’abord » envers les associations et les militants du mouvement social comme vis-à-vis des forces politiques sans exclusives. Le choix du levier n’est pas secondaire, et c’est un fort indice du côté où on penche : recomposition ou reconstruction, donc d’une vision et du mouvement ouvrier actuel (y compris les mouvements sociaux dont les indignés et autres) et des tâches.
Il semble bien que pour vous le verrou de la situation sociopolitique en France, comme de la construction du NPA soit l’unité politique, et que le levier, sauf erreur, soit le fameux débouché politique jusqu’à le chercher dans le trou d’aiguille quasi groupusculaire des bouts de « non ralliés » au Front de Gauche (honorables) que vous sollicitez (à juste titre).
Au fait, pourquoi ce « développer sans exclusive » ?. Il paraît superflu, si la délimitation est bien de formaliser un bloc indépendant du PS sans ceux qui participeraient ou soutiendraient son gouvernement. Vous écrivez à ce propos avec un bel optimisme vis-à-vis des ruses de l’Histoire et… de nos partenaires de gauche : Une séparation s’opérera entre ceux qui iront ou soutiendront un gouvernement socialiste et les autres. Sera-ce si automatique donc si simpliste ? Soit dit en passant une force comme le PG peut fort bien la jouer soutien critique dedans dehors, un soutien dans les antichambres une critique dans la rue. Le PCF aussi. Comment jouerez-vous le « sans exclusive » dans ces cas de figure ? Pas facile.
D’où l’importance, même si c’est moins évident que l’élaboration d’une énième plateforme interpartis élaborées en chambre d’ancrer le front du refus des politiques libérales sur le mouvement social plutôt que le centrer sur la (re)composition entre partis. Non ?
Regarder côté indignés ou ce genre de chose plutôt que s’obnubiler sur le FDG. Car, si voir le monde tel qu’il est et assumer la confrontation politique c’est devoir gérer sans exclusives, les dedans dehors prévisibles du FDG tout ou partie, nous sommes mal barrés et ce me semble plutôt porter de vieilles œillères.
Lorsque vous affirmez que sans même attendre le résultat des élections, il nous faut commencer à regrouper les forces disponibles pour construire un bloc de gauche indépendant du PS méfiez-vous encore. Car ce front que vous préconisez en l’ancrant d’abord sur le politique, connaîtra de sérieuses turbulences entre ceux qui crieront avec la rue « del plirono ! » (je ne paie pas) et ceux qui déjà laissent entendre que pour « ne pas se mettre à dos » les marchés, il faudra… « faire payer les riches ». S’il faut faire payer les riches doit-ce être pour leur payer la dette, ou pour répondre aux besoins sociaux ? Nous partageons la même réponse.
Mais seul le rapport de force dans un front social construit d’emblée, peut y pourvoir, pas les palabres unitaires entre partis travaillés par le « réalisme ». Non ? L’un peut-être le levier les secondes un frein voire un engluement.
Même si, encore une fois, ce n’est pas si facile à faire.
Ceci dit oui notre stratégie doit inclure une pratique unitaire systématique. Contrairement aux visions sectaires qui prétendent ne pas l’être parce qu’elles consentent à participer aux collectifs unitaires existants. Mais elles le sont, sectaires, parce qu’il n’est pas dans leur politique d’y avoir recours de façon systématique, offensive, en étant à l’initiative de ces fronts, comme outils stratégiques de politisation, d’unification, de mise en mouvement de l’auto organisation. Non, en l’état actuel du mouvement ouvrier, l’unité entre partis n’a pas de caractère stratégique, elle est tactique comme lors de l’épisode référendaire, et d’une tactique pesante. Elle ne polarisera pas le mouvement social avec des appareils (sclérosés et marginalisés) comme le PCF ou (d’opportunité discutable) comme le PG dont les accords de façade cachent mal les divergences stratégiques.
Et si vous priorisez bien la reconstruction, alors en quoi votre caractère stratégique de la question unitaire est-il opératoire ? Ou alors il s’agit bien de recomposition, et vous nous proposez de nous insérer dans le concert de la gauche, le « bon grain dans l’ivraie », le « levain dans une pâte » d’une gauche pleine d’avenir, dont nous serions le flanc gauche anticapitaliste ?
Penseriez-vous sérieusement que nous appartiendrions à cette gauche institutionnelle, arrimée au PS et aux institutions par « réalisme national-républicain », porteuse d’un utopique capitalisme d’Etat, et ne supportant l’auto activité des masses qu’en support de leurs propres visées ?
Enfin, question un brin vicelarde mais de bon sens : et si la proportionnelle existait en France ? Si, avec LO nous n’avions pas raté les européennes de 0,3% ? Si nous pouvions avoir des élus dans les diverses institutions par le simple jeu de la démocratie, qui donnerait des élus aux votants comme au Danemark ou au Portugal au lieu d’écrémer au profit des partis institutionnels et de leurs ralliés ? Que resterait-il du caractère stratégique de la question unitaire, telle que vous la posez ? Devrions-nous chercher des accords, ou tout simplement présenter nos propositions et nous allier avec celles ceux qui les partageraient ?
Nous adresserions-nous directement aux masses, ou pas ?
Ensuite, on ne peut qu’être surpris par le passage suivant : (lors des élections) politiquement, l’essor d’un bloc anti crise nécessairement conflictuel, avait une fonctionnalité, une utilité et la possibilité de trouver un large écho dans les classes populaires. Au lieu de cela nous nous sommes focalisés sur les questions tactiques liés à la gestion de l’institution.
D’abord, vous allez un peu vite sur « le large écho » dans les classes populaires. Ensuite vous passez très très vite sur le forcément conflictuel en zappant le « jusqu’à quel point… de rupture ! Mais surtout vous réduisez le fond du débat à la gestion de l’institution qui serait tactique alors que la question était celle de la gestion AVEC le PS.
Vous semblez quelque peu désinvoltes à brader, pour quelques élus et un large écho de masse putatif, une question qui, depuis les politiques conduites en Europe sous la crise, s’est avérée, pour le coup, bel et bien avérée, et ne finira pas de l’être, une question stratégique que nous étions les seuls à tenir ferme : pas d’accord avec les PS ! Avec subsidiairement, (mais pas si subsidiairement pour les mouvements d’indignés et autres) le refus de la logique infernale des institutions.
Fallait-il se focaliser sur le refus d’accords avec le PS, et de participation aux institutions ?
L’actualité montre plutôt que oui. Non ?
Aux Européennes, l’erreur fut tactique (nous aurions dû proposer l’unité, nous n’étions sans doute pas en position interne de le faire), mais son motif stratégique.
Un mot, maintenant sur votre perception singulière du champ politique à gauche. On n’y voit pas qu’il est l’espace de grandes et petites manœuvres, d’offensives destructrices, de défaites et de victoires fragiles. Vous soulignez : l’incroyable difficulté de la tâche (… de ) construire un parti anticapitaliste ou révolutionnaire capable de s’inscrire dans la durée sans être happé par la bureaucratisation et l’institutionnalisation doit être pris à sa juste mesure. Ce qui est indubitable, et dont nous avons fait l’exaltante et amère expérience. Par contre, vous n’évoquez jamais, ni quant à l’émergence du Front de gauche, ni à propos de la candidate portant foulard (et non le voile), la part que peuvent avoir dans cette incroyable difficulté les offensives politiques que nos adversaires de gauche et de droite (bureaucraties et institutions) conduisent contre nous.
En ce qui concerne les Européennes comme les Régionales il y a eu le changement des lois, qui rendit la tâche encore plus difficile aux partis qui ne disposent ni de « sortants » ni de moyens financiers liés aux mandats divers, ni d’accords avec le PS. Sous les lois précédentes nous aurions eu des élu/es au parlement européen, ce qui aurait changé la donne en terme de dynamique du parti pour les élections suivantes, et inversé le climat interne !!! La politique unitaire, à mon avis fétichisée que vous présentez comme stratégique, est aussi et beaucoup relative aux contraintes des institutions en matière électorale. Imaginons qu’il ait existé ne fût-ce qu’une dose de proportionnelle nous n’aurions pas pensé les élections dans les mêmes termes. Nous n’aurions pas été pris par la nécessité d’accords unitaires (ni certains esprits hantés par elle). Auriez-vous appliqué avec autant de ferveur l’impératif unitaire à ces élections ?
Vous écrivez encore à la fin de l’année 2008 et au début de l’année 2009, nous avions la main pour hégémoniser la gauche radicale. Mais la dite « gauche radicale » se laisse-elle hégémoniser comme ça ? Le champ politique est un champ de bataille. Vous omettez de dire que dans l’affaire des comités, nous avons renoncé à nous battre d’emblée et en préalable sur la question de l’indépendance envers le PS, en acceptant le trompe nigaud dilatoire (un an !) des élaborations sur les contenus programmatiques (qui n’engagent que ceux qui y croient). Nous avons ainsi ouvert la boîte de Pandore du chantage unitaire (celui qui fait renoncer à tout au profit d’une unité mythifiée). Et, dans cette incapacité à la confrontation politique que vous reprochez, sur cette question du PS dans les comités, il semble que certains d’entre vous n’aient pas été les derniers à appuyer le trompe nigaud dilatoire.
Nous y avons en partie échappé grâce au forcing du PCF autour de sa candidate, et de la concurrence entre professionnels de la personnalité de la gauche de la gauche. Mais le ver était dans le fruit. Nous avions lâché sur les deux gauches.
Il y a dans cette absence de regard critique sur le champ politique et ses manœuvres la même hypnose par le tropisme unitaire qui vous fait zapper les coups reçus et ne voir que nos coups ratés.
Il est à craindre que, tout à ce tropisme, vous ne voyiez guère le monde tel qu’il est ou en tout cas devient ni ne soyez mieux à même d’y mener les confrontations politiques envers nos « partenaires et adversaires » ! En parlant de ce trouillomètre, vous n’êtes pas mal placés dès qu’il s’agit de se trouver seuls contre le reste de la gauche de la gauche.
Un dernier mot sur un grand absent de votre réflexion : ce laps de dix ans durant lequel nous nous sommes adressé directement aux larges masses (n’est-ce pas !) par le biais d’O. Besancenot. Expérience que vous semblez passer par pertes et profits. De même, LO avec Arlette, qui n’en a rien fait ni tenté. Ce qui laisse à penser que c’est possible lorsque se conjuguent des circonstances qui nous en offrent l’occasion et qu’on sait la saisir ! Ce sont des circonstances dans lesquelles il n’y a plus rien à recomposer, puisque la rupture entre les masses et le mouvement ouvrier traditionnel est profonde. Or ces circonstances pourraient fort bien se reproduire, et très vite !!! Si elles ne sont pas déjà inscrites dans l’actualité !
Avoir vécu cette expérience pourrait s’avérer précieux : du capital accumulé, quoi, plutôt que pertes et profits.
Fraternellement
Jacques
NB. Vous n’employez pas la formule sacramentelle « faire bouger les lignes », mais elle est sous jacente à votre démarche. Jamais on ne nous dit quelles lignes doivent bouger, ni dans quel sens. Et pour finir ce sont à nos lignes qu’il est demandé de bien vouloir bouger, et pas exactement vers la gauche.
De même pour revenir sur le parti des anonymes, il vous faut convenir que la formule, même lapidaire en l’état, touchait juste à l’ère des révoltes/révolutions indignées, ou du moins quelque chose de juste à propos duquel vous ne pouvez pas maintenir l’agacement condescendant sous lequel vous l’enterrez.