MAYOTTE : LA RÉVOLTE GRANDIT
mercredi 12 octobre 2011
Cela fait plus de quinze jours que se développe à Mayotte un puissant mouvement de protestation contre la vie chère avec grève générale, blocage des ronds-points, manifestations, et maintenant fermeture de tous les commerces.
Le pouvoir a réagi comme il le fait toujours dans ses colonies, par la violence, en envoyant des renforts de gendarmerie et des blindés qui patrouillent dans les rues. En ce moment même, un enfant est entre la vie et la mort, touché par un tir de flashball.
Quelle qu’en soit l’issue, cette séquence marquera. Elle est indéniablement le début d’un processus de prise de conscience par la population de la nature de l’État et du système auxquels elle se sera confrontée.
Dans cette île, occupée par la France au mépris du droit international, des résolutions de l’ONU et de l’Union africaine, on avait promis aux Mahorais, en échange du statut de département d’outre-mer, l’égalité et le progrès social.
Ils n’ont eu ni l’égalité avec les autres citoyens français ni le progrès social.
En guise d’égalité, ils n’ont rencontré que le mépris et les propos racistes de certains hauts fonctionnaires, dans un territoire où la quasi-totalité des cadres de l’administration et de l’économie viennent de la métropole.
La population y est totalement otage, pour ses besoins essentiels, des trusts de l’alimentaire, comme le groupe Casino qui contrôle, par l’intermédiaire de sa filiale Vendémiaire, l’hypermarché Jumbo-Score ou de Total pour ses besoins en énergie.
C’est ainsi que le carton d’ailes de poulet, base de l’alimentation, coûte 24, 21 euros les 10 kg contre 15, 90 euros à La Réunion et que la bouteille de gaz est trois fois plus chère qu’en métropole. Par contre le RSA qui va bientôt être instauré est lui 25 % plus bas et ne pourra être augmenté que dans cinq ans !
Cela fait des mois que le mécontentement grandissait et qu’éclataient périodiquement des mouvements de protestation déterminés. Mais chaque fois le pouvoir parvenait à reprendre la main par de nouvelles promesses et, surtout, en utilisant l’arme de la division en tentant de dresser la population contre les « clandestins » venus des autres îles de l’archipel.
Cette fois, ils ont bien essayé en faisant courir des rumeurs sur une « régularisation massive des clandestins » [sic], cela n’a pas fonctionné, bien au contraire. Mardi, le Collectif des réfugiés africains a appelé à rejoindre le mouvement. Dans une déclaration, Abdallah Akishuli qui dirige ce collectif, a exprimé l’accord des réfugiés africains avec les revendications contre la vie chère. Il en a profité pour rappeler « la situation de précarité qu’ils endurent au vu et au su de tout le monde ».
Jeudi, pour la première fois, la population des quartiers les plus pauvres – les jeunes et les femmes en particulier – s’en est pris directement à un convoi de gendarmes mobiles, symbole de l’État colonial, de la répression et de la chasse aux réfugiés.
Vendredi, l’accord signé par le préfet, les chefs d’entreprise et l’intersyndicale a été rejeté massivement par les manifestants réunis sur la place principale de Mamoudzou.
Pendant tout le week-end, les manifestations et les affrontements ont continué, des élus locaux qui réclamaient le départ des forces de l’ordre se sont même fait matraquer à leur tour !
L’île est paralysée, la population est exaspérée. Elle a besoin d’une solidarité politique active.
Alain Castan
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 119 (13/10/11).
COMMUNIQUÉ DU NPA. LA GRÈVE EST GÉNÉRALE À MAYOTTE
vendredi 14 octobre 2011
Trois semaines après le début de la lutte contre la vie chère, la situation est bloquée à Mayotte et la violence de la répression ne se dément. Il y a quelques jours, une fillette de 9 ans a perdu un oeil suite à un tir de flash-ball d’un gendarme.
La grève est générale. Plus rien ne fonctionne. Les magasins sont fermés. Le ministère de l’Outre-Mer ne semble pas avoir pris conscience de la gravité de la situation.
A Mayotte, devenu département français le 31 mars dernier, la population souffre tous les jours de la vie chère, de la faiblesse de ses revenus et de l’importance du chômage.
Alors que le coût de la vie a augmenté de 60%, le chômage touche 30 000 personnes pour une population totale de 186 000 habitants, le revenu moyen s’élève à 370 euros, le Smic ne représente que 80% de la valeur fixée et que le RSA, prévu pour 2012, pointera à 25% de son taux.
Le 13 octobre, une grande manifestation organisée par l’intersyndicale a regroupé plusieurs dizaines de milliers de manifestants à Mamoudzou.
Le NPA renouvelle tout son soutien à la population qui mène une lutte courageuse contre la vie chère.
Il faut que le gouvernement, les pouvoirs publics locaux mettent un terme à la répression.
L’urgence c’est d’accepter les exigences formulées et de baisser les prix des produits de consommation courante.
Le 14 octobre 2011
COMMUNIQUÉ DU NPA. SOUTIEN À LA GRÈVE GÉNÉRALE À MAYOTTE
vendredi 30 septembre 2011
Le NPA dénonce le déploiement des blindés dans les rues des principales villes de Mayotte et l’arrivée de renforts de gendarmerie pour s’opposer à la grève générale déclenchée par tous les syndicats et les associations de consommateurs contre la vie chère. Il apporte tout son soutien aux travailleurs mahorais.
Face à des manifestants qui bloquent des ronds points au simple cri de « Mabawas nachouké ! » (« les ailes de poulet moins chères ») la réaction gouvernementale est totalement disproportionnée, comme chaque fois que des mouvements sociaux se déclenchent dans un département ou un territoire d’outre mer, autrement dit dans l’une des « dernières colonies françaises ».
Avant tout, il s’agit d’une manifestation du mépris des autorités coloniales pour les Mahorais qui fait suite à d’autres interventions policières, aux propos racistes de certains hauts fonctionnaires, à la chasse aux comoriens « clandestins », aux tentatives de dresser les Mahorais contre les migrants africains venus du continent.
La population est à juste titre exaspérée. Nous appelons toutes et tous à la soutenir sans réserve.
Le 30 septembre 2011.
« INDIGNES »
lundi 2 août 2010
Le 30 juin, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a rédigé un rapport consternant après la visite par ses services du centre de rétention et de la maison d’arrêt de Mayotte. Parmi les nombreuses aberrations constatées dans les deux établissements, « les conditions de vie des personnes retenues et détenues sont indignes. […] Les conditions d’hébergement et d’hygiène portent d’évidence atteinte aux droits fondamentaux »
Le centre de rétention ne dispose même pas de lits et les bébés et enfants retenus ne sont pas mieux traités que leurs parents (quand ils sont ensemble). Le contrôleur recommande « sans délai » le respect du droit d’asile, des conditions d’hygiène et d’hébergement décentes, le maintien des liens familiaux, la scolarisation des mineurs, etc. L’application du droit commun, en somme. Difficile à appliquer dans un territoire illégalement considéré comme un département français.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 66 (29/07/10).
EXPULSIONS EN MASSE À MAYOTTE
samedi 24 avril 2010
Le gouvernement s’apprête à battre un triste record à Mayotte : celui des interpellations et des expulsions de personnes en « situation irrégulière ». En effet, selon la préfecture, depuis le début 2010, « les contrôles quotidiens effectués par les forces de sécurité sur le territoire de Mayotte ont permis l’interception de 5 000 personnes en situation irrégulière ». Un nouveau record. Durant le premier semestre de 2009, donc sur une durée double, 6 116 personnes avaient été « interceptées ».
En 2009, les services de l’État avaient déjà procédé à 19 972 éloignements dont 3 246 mineurs. Ce que ne dit pas la préfecture c’est le nombre de personnes qui ont trouvé la mort entre l’île d’Anjouan et Mayotte, passage rendu d’année en année plus périlleux par les contrôles renforcés par radars et embarcations de police ou de gendarmerie spécialisées. Ce qu’elle ne dit pas non plus, c’est que le gouvernement français se trouve en « situation irrégulière » au regard du droit international.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 52 (22/04/10).
SARKOZY PASSE 4 HEURES À MAYOTTE.
samedi 23 janvier 2010
Le 18 janvier, Sarkozy a passé quatre heures à Mayotte, dans les îles des Comores (océan Indien), occupées par la France pour affirmer la maîtrise de la puissance coloniale sur ce territoire qui va devenir un département en 2011.
Lors de la décolonisation des Comores en 1974, 90 % de la population s’était déterminée pour l’indépendance, la population de Mayotte s’étant prononcée contre, la France a maintenu son occupation sur ces îles des Comores. L’ONU qui s’est prononcée contre l’occupation et pour le maintien de l’intégrité territoriale des Comores a confirmé, en 1994, l’appartenance de Mayotte à l’État comorien. « Près de 20 000 étrangers en situation irrégulière ont été éloignés en 2009 ! C’est presque autant que pour tout le territoire métropolitain ! », s’est réjoui Sarkozy. Les étrangers en question sont des Comoriens, aussi étrangers aux Mahorais que le sont les Parisiens pour les Bretons ou les Alsaciens.
L’administration de l’île n’hésite pas à expulser des mineurs. Ainsi, en novembre 2008, 2 194 enfants avaient été expulsés sur l’année en cours, 628 avaient moins de deux ans. Ces pratiques avaient été dénoncées par la défenseure des enfants, fonction qui a été supprimée depuis par le gouvernement.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 39 (21/01/10).