Ce mercredi 7 septembre, la Commission de l’énergie du Conseil des Etats se prononçait sur le nucléaire. Faisant suite aux votes déjà fort modérés de la session d’été du Conseil national, elle proposera au parlement de mettre beaucoup d’eau dans le vin de ses décisions « antinucléaires » votées dans la foulée de la tragédie de Fukushima.
En effet, les sénateurs en question se sont majoritairement prononcés en faveur de quelques points qui seront soumis fin septembre au plénum de la Chambre des Cantons.
Premièrement, ils proposent de ne donner aucune autorisation de construire à des réacteurs atomiques « de la génération actuelle ». Or ceci est une escroquerie intellectuelle particulièrement détestable, digne des esprits tordus mais pleins de ressources des lobbyistes du nucléaire.
Les centrales nucléaires ne font, en effet et heureusement, pas de petits… le concept biologique de générations est dans ce domaine évidemment purement arbitraire. Chaque constructeur de chaudière à plutonium – comme chaque fabricant d’auto ou de machine à laver – peut prétendre que son modèle suivant est d’une « nouvelle génération ». Ce concept ne représente ainsi aucune espèce de contrainte juridique, c’est du pur chewing-gum.
L’idée de classer les centrales atomiques par « générations » a d’ailleurs été inventée il y a une dizaine d’années pour vendre les réacteurs qu’on projette de construire aujourd’hui. Ceci alors que leur technologie fondamentale – comme les risques et les problèmes liés aux déchets qui y sont associés – n’ont pas évolué d’un pouce… Relevons qu’on pouvait parler avec plus de sérieux de « nouvelle génération » de réacteurs pour les réacteurs surgénérateurs à neutrons rapides comme le Superphénix de Creys-Malville, dont on sait l’échec et le danger aigu qu’il représentait et dont nous sommes fiers d’être venus à bout.
Mais même si on accepte cette classification-bidon, les réacteurs comme l’EPR d’Areva sont classés par leurs promoteurs comme étant de « troisième génération » (voire d’une génération « trois plus » ou quatre disent certains) alors que les actuels chaudières à plutonium en exploitation dans ce pays relèvent de la deuxième génération, soit des réacteurs construits entre 1970 et 1998…
Le deuxième point voté indique – généreusement - que les centrales qui ne respecteraient pas les exigences de sécurité doivent être arrêtées. Ah bon ! Ça n’est pas déjà le cas ? Le problème évidemment c’est qu’à la veille de la catastrophe de Fukushima, les réacteurs de la centrale en question respectaient – aux yeux de l’exploitant et des autorités japonaises – toutes les « prescriptions de sécurité ». Au même titre que la centrale bernoise de Mûhleberg aujourd’hui, qui, moyennant quelques rustines et malgré la kyrielle de défauts qu’elle manifeste, est considérée par les autorités et les FMB qui l’exploitent, comme pouvant continuer à fonctionner vu sa conformité aux « prescriptions de sécurité ». Ce deuxième point est donc tout aussi bidon que le premier !
Le troisième point prévoit non pas d’arrêter un seul réacteur... mais d’élaborer une stratégie pour l’approvisionnement électrique futur du pays qui ne dépende pas de l’étranger, qui ne mette pas en danger la place économique et la position de la Suisse sur le plan de la recherche … et qui se passe de l’atome en développant les renouvelables et l’efficience énergétique. Ça ne représente aucune décision mais une simple invite au gouvernement, le seul danger évoqué n’est pas celui du nucléaire pour les populations, mais celui qu’il faut éviter... pour la place économique.
Enfin, les sénateurs précisent que la formation, l’enseignement et la recherche doivent être soutenus dans le domaine de toutes les technologies énergétiques. Ainsi le texte demande explicitement que notre pays soutienne dans le développement technologique du nucléaire...
Pour préparer les « nouvelles générations » de réacteurs ? Ce point met en tous cas strictement sur le même plan le nucléaire, le solaire, l’éolien, etc. En deux mois, la reculade parlementaire est impressionnante.
C’est pourquoi il n’y a qu’un seul point d’appui sérieux pour espérer sortir du nucléaire vraiment et vite, c’est un engagement et une mobilisation citoyen·ne·s, conçus non comme force d’appoint de manœuvres parlementaires, dont on mesure ici les limites, mais comme étant l’essentiel. C’est pour cela que l’action non-violente directe du week-end dernier, visant à bloquer le chantier de Mühleberg, est exemplaire et prometteuse, aussi modeste soit-elle…
Pierre VANEK