Nous avons eu droit pour ce début de l’été à deux temps forts de la réaction : une mobilisation des associations catholiques contre l’introduction dans les manuels scolaires de la théorie du genre et un rapport de députés UMP contre le mariage homosexuel et l’homoparentalité.
Dans les deux cas, les vieux raisonnements homophobes (chute de la natalité, dépravation, diffusion de maladies…) ne sont quasiment plus utilisés. Ils apparaîtraient sans doute comme complètement à côté de la plaque face à la réalité de notre société : familles recomposées, famille monoparentales, familles homoparentales. Ces arguments écartés, reste dans leurs écrits le raisonnement fondamental : la théorie du genre comme l’homoparentalité remettent en cause cette représentation ancestrale que les femmes et les hommes disposeraient chacun d’une essence propre, qui leur donnerait des caractéristiques spécifiques et surtout complémentaires. Le féminisme et le combat pour la reconnaissance de l’homoparentalité heurtent de plein fouet cet essentialisme.
Le principe de la complémentarité des femmes et des hommes, de l’existence au-delà de nos personnalités propres d’un féminin et d’un masculin desquels nous ne pourrions, ni devrions, nous défaire est sacré car il est consubstantiel de la création divine. Monseigneur Ginoux, évêque de Montauban, le dit d’ailleurs très sincèrement dans une interview récente : « Ce sujet pose les principes d’une société qui, refusant la nature et donc la création, fait de l’être humain son propre créateur ». L’enjeu est de taille mais il est loin de se limiter à un échange entre les catholiques de droite et les chercheuses féministes, qui ont répondu à Christine Boutin dans une pétition publiée par l’Institut Emilie du Chatelet. Cette question de l’existence de pseudo essences féminine ou masculine nous concerne en réalité toutes et tous. La déconstruction des rôles sociaux que l’on attribue à chacun des sexes est déterminante pour construire une société d’égalité réelle. C’est d’ailleurs pour cette raison que les rencontres d’été « Féministes en mouvements » organisées par plus de 40 associations féministes début juillet avaient débuté par une plénière intitulée « Femmes – Hommes, du pareil au même ? ».
Ces dernières décennies, l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, leurs prises de responsabilités économiques ou politiques – encore insuffisantes comme l’investissement – encore partiel – des hommes dans les tâches ménagères ont participé à une évolution sans précédent les mentalités. Les travaux scientifiques ont permis également de grandes avancées. Ceux de Catherine Vidal, neurobiologiste à l’institut Pasteur, sur le cerveau ont démontré deux choses. Nos cerveaux sont tous différents et rien ne permet de considérer que les caractéristiques propres à chaque sexe sont suffisamment importantes pour avoir des conséquences universelles sur nos comportements, caractères, désirs ou rôles sociaux. Deuxième élément : nos cerveaux sont plastiques. Dès notre naissance, particulièrement pendant l’enfance et jusqu’à notre mort, ils évoluent en fonction de notre éducation, de nos rencontres, de nos études. Et non du fait que nous disposions ou non des chromosomes XX ou XY.
La question essentialiste se pose aujourd’hui pour le sexe mais elle n’est pas très éloignée de celle que l’on pouvait se poser il y a un siècle ou deux sur la couleur de peau. Etre noir ou blanc, être femme ou homme : il s’agit à chaque fois de caractéristiques physiques, inscrites dans nos gènes et dans nos corps. Et c’est justement parce que la gauche considère l’être humain non pas en fonction de ses caractéristiques « naturelles » mais en tant que citoyen à part entière, doué d’une raison, et qu’elle veut garantir la possibilité à chacune et chacun de faire ses propres choix de vie indépendamment de où et comment nous naissons, qu’elle légalisera le mariage et l’adoption pour tous les couples.
Ces mesures seront un pas essentiel pour les droits des homosexuels, qui restent la dernière population de citoyennes et citoyens officiellement discriminés dans les textes de lois, mais ils seront également une avancée pour les droits des femmes et pour l’égalité. En déconstruisant la soi-disant complémentarité des sexes pour construire celle des êtres, on cesse de mettre les femmes et les hommes sur des niveaux différents. Depuis des millénaires, cette différenciation permanente entre le masculin et le féminin, entre les hommes et les femmes, a toujours servi à l’oppression de ces dernières. Ne nions pas les différences entre les êtres, mais devenons indifférents aux différences : nous ferons ainsi un grand pas en avant vers l’égalité.
par Caroline De Haas, chargée des droits des femmes dans l’équipe de campagne de Martine Aubry