Nous sortons d’une expérience inédite que le débat stratégique ouvert par Phénix, me paraît passer par pertes et profits, sans guère d’esquisse de bilan ! Quoi qu’il en soit et quelles que soient les suites, ce fut une expérience inouïe et exaltante dont celles et ceux qui l’ont vécue garderont mémoire. Une fois « retombée la poussière », nous en mesurerons certainement mieux la fécondité et le savoir faire militant qui fut le nôtre. Nous pourrons en tirer des enseignements que nous ne soupçonnons sans doute pas. D’ores et déjà, en dépit des rognes, des grognes, des récriminations subies, nous avons respecté celles et ceux qui sont venus, et vécu avec eux ce drôle de lancement « par en bas ». Le projet avait de l’audace.
Si l’expérience est cuisante pour les équipes qui ont assumé l’idée et la direction de l’expérience, aujourd’hui explosées, elle doit être aussi source de réflexion et d’enseignements pour l’avenir. Trop de questions se sont posées, trop de tensions se sont révélées, trop de limites ont été touchées pour que cela ne donne pas à penser. Et puis les temps changent avec l’ampleur de la crise du capitalisme, sous tous ses aspects et le déchaînement anti-social comme antidémocratique des bourgeoisies mondiales qui ne peuvent pas ne pas conduire des affrontements majeurs qu’on voit se profiler déjà.
Les révolutions démocratiques arabes, les soulèvements d’indignés, de révoltés et d’émeutiers sont là. Est-il abusif de dire que le projet NPA et ses premiers pas cahoteux ou chaotiques ont une parenté, au moins une co-incidence, avec ces sursauts de protestations inattendus ? La question de « refaire parti » se posera peut-être plus vite que nous ne pensons. Notre expérience ne préfigurerait-elle pas un peu ce que pourrait être le processus (à chaud SVP !), de fondation du large parti révolutionnaire qui viendra bien un jour ? Avec ce qui, dans ce type de processus, se concentre de dynamismes, d’obstacles à surmonter, de tensions explosives et d’adversité politique [1].
Malgré l’échec actuel, quelques milliers de personnes militantes ou non, ont bel et bien répondu à l’appel : « Dans et autour de ces partis de la gauche institutionnelle, nombreux sont celles et ceux qui n’ont pas renoncé à changer radicalement la société. Avec eux, comme avec l’ensemble des travailleurs/euses, nous voulons construire sur d’autres bases, en rupture avec les capitulations et les reniements de cette gauche pour créer une nouvelle représentation politique des exploité-e-s, un nouveau parti anticapitaliste, un parti qui se bat jusqu’au bout contre le système, un parti pour la transformation révolutionnaire de la société. » [2] Et c’est précieux, exaltant de l’avoir connu.
Cet échec, on l’attribue à bien des causes, j’en vois quelques-unes : l’extrême hétérogénéité des participants, l’impréparation de la LCR, un lancement « à froid », des échéances électorales répétées dans une situation politique vite calamiteuse, mais aussi l’offensive de la gauche institutionnelle via le FdG pour enrayer le processus.
Sur l’impréparation
Faute de travail d’analyse sérieux de l’état du prolétariat et des tensions qui le travaillent, d’un encadrement institutionnel de plus en plus « dé-démocratisé », d’une politique spectacle de plus en plus mystificatrice et « désabusante », des évolutions dans la gauche de plus en plus « libéralisée » et usée par des rapports de force détraqués… la LCR s’est révélée naïve et même un peu légère. Et puis elle était embourbée depuis dix ans, en interne, dans un débat stérile qui, figé sur le vieux, (la recomposition) empêchait de penser sérieusement le neuf (NPA). Enfin la médiatisation du porte-parole donnait une vision déformée de ce qu’elle était comme de ce qu’elle pouvait, tout en lui permettant d’être et de pouvoir !
Si la volonté de lancement du NPA était osée mais juste, si même certains d’entre nous [3] en étaient impatients tant ils ressentaient la LCR avec son sempiternel débat d’initiés sur la recomposition, au bord de la sclérose, nous ne l’avons pas assez pesée.
On rétorquera qu’il fallait le faire pour le voir. On l’a fait, et c’est tout à notre honneur. Pour ce qui est de voir, on a vu.
Il aurait vraisemblablement fallu que coexistent la LCR et les « comités pour un NPA » durant suffisamment de temps pour que les initiateurs (LCR) conservent leur lieu de réflexion collective d’où avait émané l’appel, et que les comités (le public cible) puissent s’approprier, décanter et mutualiser la démarche autrement que par la discussion forcée des seuls principes fondateurs, sommaires, dans l’urgence d’une séquence électoral mal maîtrisée et sous le feu (à venir) des gauches institutionnelles.
L’hétérogénéité politique que nous espérions féconde se doublait de phénomènes qui n’avaient pas été anticipés.
Ceux qui sont venus (que nous espérions) issus des gauches syndicales, de mouvement, politiques, associatives, restaient pour beaucoup chargés de la nostalgie d’une gauche plus raisonnable (présentable ?) ou amers de ce que la gauche dont ils venaient, n’aie pas su être plus radicale. Or plus radicale n’est pas synonyme d’anticapitaliste jusqu’au bout « pour la transformation révolutionnaire de la société ». Avec les difficultés le « raisonnable » reprend le dessus, et la nostalgie.
Beaucoup ont été tentés (y compris des C. Autain, JL. Mélenchon…), sans sauter le pas, en tout cas interpellés.
Pesaient aussi les méfiances que ces gauches de la gauche (politiques, syndicales, intellectuelles associatives) nourrissent traditionnellement envers la LCR, envers la radicalité « à la base » et la révolution. Séduits par le projet mais depuis une rupture fragile avec la gauche de la gauche institutionnelle qui avait certes beaucoup déçu mais pas forcément vacciné d’elle, beaucoup restaient encore à (se) convaincre.
Or, autre ambivalence de l’attractivité liée à la médiatisation d’Olivier : si elle conférait une crédibilité à l’expérience, elle mettait aussi la barre de la réussite aussi haut (trop) que sa notoriété.
D’autres, sans doute moins « politisés » moins organisés, sont venus avec « chacun ma colère », l’espoir que le NPA la légitimerait, en validerait les réponses, et même la prendrait en charge telle quelle [4], sans penser que dans ce processus chacun aurait son mot à dire à tous, sur tout et qu’il faudrait s’accorder sur ce qui serait partagé. La fécondité du processus impliquait de réussir non la « juxtaposition » des colères, mais leur « mutualisation » puis leur « combinaison ». Le phénomène « chacun ma colère » a été source de bien des polémiques et de frustrations ultérieures alors que le pari était de « composer » un parti. L’attractivité singulière du NPA était perçue moins comme celle d’un pôle anticapitaliste qu’on rejoignait, que comme une page blanche « plus radicale » que le reste sur laquelle chacun écrirait son texte.
Le travail de mutualisation des colères aurait dû entrer dans la fondation du parti lui-même, par un processus qui fut en fait hâté (bâclé ?). Une situation « à chaud » pourra mieux dans « le feu » de l’action dynamiser ces colères, comme emporter la conviction des transfuges des gauches traditionnelles et de lutte (avec toujours cette bombe à retardement des colères centrifuges et des accès de scepticisme « raisonnable »). Nous avons peut-être réalisé, dans le lancement du NPA, plus qu’un processus constituant mené à son terme… un quasi-coup de force que nous avons cru « tour de force » [5], en fait nouveau tour joué par cette foutue « dynamique », spectre pabliste [6] qui hante l’inconscient LCR.
Au bout du compte, contrairement aux optimistes (sic) qui ont une vision extensive de l’anticapitalisme, celles et ceux qui à froid n’ont pas renoncé à changer radicalement la société, à qui nous nous adressions, ne sont pas si nombreux. Cf. Le relatif engouement, en de ça des 10 000, pour le NPA, qui l’atteste. Ils sont régulièrement surestimés (fantasmés) dans nos débats, ou naturalisés anticapitalistes pour les besoins de la cause. L’anticapitalisme jusqu’au bout « large » est bien affaire de situation « chaude » de confrontations et d’auto activité de masse. Tout comme il faut convenir avec Samy, qu’un parti révolutionnaire se construit en période (pré)révolutionnaire et qu’il est stupide comme présomptueux de l’autoproclamer.
Sur la gauche de la gauche… institutionnelle !
Il faudrait dire « les gauches » tant elles sont composites et volatiles. Une frange relève sans doute du « centrisme », hésitant entre l’anticapitalisme jusqu’au bout et la réforme. Mais de là à voir du centrisme dans l’hésitation à s’allier avec le PS ou à un soutien critique…
L’illusion sur la dite « gauche de la gauche » a gangrené les débats de la LCR, et a importé le poison de l’unité qui vaut bien le « poison de la division », jusque dans le NPA. Du coup la formule sans confusion « Dans et autour de ces partis de la gauche institutionnelle » qui ne disant pas « avec et par ces partis » rompait avec ces illusions dans un processus « par en bas », hors des « recompositions » entre appareils, a glissé dans certains textes en « avec ces partis ».
La gauche de la gauche compte évidemment des réformistes rêvant de peser à gauche sur le social libéralisme (et de policer la sauvagerie du capitalisme), projet qui n’est ni veule ni méprisable si ce n’est qu’il est éculé et irréaliste. Dans de multiples fronts sociaux, ils sont non seulement actifs mais à l’initiative et de précieux partenaires pour construire des rapports de force. Le réformisme est un produit logique de la diversité du prolétariat, pas une maladie honteuse. Mais il privilégie les appareils (sur les militants), les mandats électifs (sur les électeurs dans la rue), les postes de gestion sur l’initiative de masse qui doit se contenter d’être en support. Le PCF en est l’archétype.
Pour ceux « qui n’ont pas renoncé » et que la démarche NPA a interpellés, croyants plutôt que pratiquants, « à froid » ils restent sceptiques en pratique sur la possibilité de ruptures. Sceptiques sur l’intervention populaire conduisant un changement, sceptiques sur une démocratie non délégataire, sceptiques sur un processus politique radical. Ce qui se comprend compte tenu de la terrible dégradation des rapports de force, des reculs sociaux inimaginables depuis trente ans, de l’effondrement des modèles de socialisme, et de l’état de « la gauche » confite dans sa culture élitiste.
Du coup, ils se concentrent sur les résistances de terrain (associations, syndicats, collectifs de lutte), puis en appellent aux institutions à portée de suffrage, même s’ils se doutent que tout effort de changement s’épuisera sur le mur institutionnel. En leur sein, avec l’essor passé de l’altermondialisme, bien des réflexions ont été poussées vers « l’autre monde possible » même si elles ont toujours buté sur le mur radical du « comment y parvenir ». Ainsi se résignent-ils au ralliement utilitaire au PS honni en même temps, quoique, dans sa définition « parti ouvrier bourgeois », ils sachent le curseur situé depuis longtemps côté bourgeois. Et le possible reste imprégné trop souvent de nostalgie de l’ancien qu’il faudrait restaurer (la République, la laïcité bourgeoise, les nationalisations, le conseil de la Résistance…).
On pourrait dire que ces gauches sont structurés par une sorte de caste militante, une gauche de la gauche institutionnelle, enkystée dans son incapacité à rompre (avec le PCF, les directions syndicales, les institutions, le PS, le passé, le parlementarisme, leur propre statut de radicalité raisonnée etc). Elle colonise l’espace critique tout en portant les résistances tandis que les révolutionnaires lui sont comme une écharde attractive et répulsive fichée dans leur espace politique.
Leur vraie capacité de résistance, leur critique souvent solide du capitalisme, leur implication militante donne le sentiment d’un gâchis à ne pas les voir aller plus loin dans l’engagement politique radical, et suscite chez nous des illusions. Prenant nos désirs pour des réalités, et des concessions à leur scepticisme pour de la pédagogie, nous rêvons de les entraîner dans des fronts politiques et sociaux radicaux auxquels ils ne croient pas et répugnent ! Pis même, l’affirmation qu’ils seraient en voie de rompre avec le PS et les pièges institutionnels ne repose sur aucun fait décisif réel et sérieux, au contraire. Que dans l’acmé unitaire des collectifs du 29 mai, ils se soient aussi peu intéressés au choix entre « sous domination sociale libérale » et « pas avec le PS » signe l’inverse. Des positionnements très clairs comme ceux de Mélenchon Il y a plusieurs gauches, il faut les réunir, et MG Buffet il n’y a qu’une seule gauche, il faut la rassembler, ne les ont même pas fait tiquer au sortir de la leçon de chose éclatante du référendum, alors que Besancenot ripostait : il y a deux gauches, elles sont incompatibles !!
S’adresser à celles et ceux qui composent cette gauche de la gauche institutionnelle doit tenir compte de ce que ceux-ci peuvent tout bonnement être d’accord avec une orientation de collaboration conflictuelle avec l’ordre bourgeois, sans plus (et ne chercher l’unité que pour nous y convertir).
Sans doute faudra-t-il à cette gauche de la gauche institutionnelle un choc majeur pour se décider si elle se décide.
L’opération FdG lui va comme un gant.
La riposte de la gauche
Il était prévisible que la gauche, du PS à la gauche de la gauche, ne resterait pas l’arme au pied devant le projet NPA. Nous ne l’avons pas prévu [7]. Il n’était pas envisageable pour elle qu’un pôle indépendant de ses alliances et tactiques institutionnelles se stabilise, susceptible de perturber l’accès aux postes de gestion, qui sait l’alternance gouvernementale et, imposés par le libéralisme, les recentrages syndicaux, associatifs et politiques en cours. Face à cette riposte nous avons été des enfants de chœur.
Le départ de Mélenchon du PS, son lancement du PG puis du Front de Gauche, se sont effectués sans susciter grand émoi hostile au PS. Cela tombait à pic dans une période où Besancenot était désigné comme le seul opposant à la droite et le NPA crédité d’un avenir pharamineux pour un groupe d’extrême gauche.
Toute la logique de la démarche était simplissime : le PCF ne parvenant plus à être la voiture balai de l’électorat hostile ou déçu, le NPA risquant d’en être le réceptacle peu maniable, il fallait tenter autre choser. C’est-à-dire rassembler les gauches, vieux projets des uns et des autres, dans la LCR aussi celui de Piquet, avec en fond d’écran cette idée d’une gauche « à rééquilibrer » allant du PS à la LCR. Le chien de berger était l’unité, ses mythes (dont le front pop et le conseil de la Résistance), sa république, ses flous sentimentaux, l’urgence sociale. C’était aussi le seul moyen de pression, apolitique, sur la dynamique NPA. Apolitique parce qu’évitant de débattre du fond et des alliances, on ne discutait en gros qu’unité sur l’air des lampions.
Si l’on en revient aux collectifs unitaires post référendum, nous y avons été entraînés sans nous battre. Nous avons accepté de parloter « contenu » pendant plus d’un an sans avoir en préalable posé la question des questions préalable sur l’indépendance vis-à-vis du PS (et non du « social libéralisme », trompe couillons du PCF) qui seule pouvait structurer une unité et donner sens au fameux contenu. Faute d’avoir tranché cette question dans la LCR, une partie de ses militants a déserté les comités, d’autres s’y sont pris au jeu « unitaire » du « contenu ». Nous avons in fine été battus (voire ignorés) au nom de l’unité, faute d’avoir mené en préalable la « bataille des batailles ». Des camarades « pris au jeu » dans les collectifs ont fini en faisant une autre campagne présidentielle que la nôtre !
C’était le premier temps qui, de magouilles en faux-semblants des autres, s’est néanmoins soldé par la (relative) réussite électorale présidentielle en notre faveur. La suite n’a pas manqué. Il fallait systématiser le coup de l’unité, sauver le soldat PCF, enrayer la montée du NPA, diviser ses rangs. Le sénateur à vie franchit un Rubicon tardif, puis comme le boa de Kipling, roula des yeux en susurrant « n’aie pas peur » au PCF à la dérive, et à une partie du NPA aujourd’hui fascinée (hier par Besancenot) par des perspectives électives alléchantes et le chant unitaire doux en ces temps difficiles.
Mission accomplie ! Le PS le remerciera de quelques circonscriptions de plus ou de moins selon le score obtenu (le retour sur investissement).
Nous avons été naïfs et présomptueux. Sans doute avons-nous fait une erreur majeure aux élections européennes [8] où nous avions le rapport de force. Nous pouvions alors proposer, libérés d’alliance avec le PS, une union sur une plateforme qui aurait été bonne (celles qui n’engagent que ceux qui y croient) avec notre promesse si les résultats étaient probants, de proposer de poursuivre dans la même voie : indépendance vis-à-vis du PS, constitution d’une gauche indépendante et ainsi de suite. Bref, en inversant en gros notre démarche d’alors, en posant le piège au lieu d’y tomber ! Qui sait comment auraient réagi nos partenaires ? Quelle réussite électorale ? Quel effet unitaire radical sur leur base et les appareils ?
Cela aurait été à la hauteur du score de la présidentielle et de l’audace du lancement du NPA.
Le poison de l’unité
L’unité est un poison lorsqu’elle est inoculée sans ce qui l’active : le rapport de force, ou dans un contenant vénéneux : les institutions. Elle n’a pas de dynamique automatiquement positive : cf. le vote utile. Elle est une arme redoutable pour étouffer la radicalité à qui elle est opposée pour imposer les renoncements par exemple au nom de l’urgence sociale : cf. les gens souffrent tellement. Elle culpabilise qui y met de l’exigence, au lieu de politiser… Bref le fétichisme de l’unité est un poison insidieux.
Autre chose est l’objectif d’unification des couches diverses du prolétariat entre elles et contre le capital… qui se recherche par des tactiques d’unité ciblées.
Ce sont les revendications unifiantes (à travail égal salaire égal, 300€ pour tous…), l’exigence de l’égalité des droits, la lutte contre les discriminations etc.
Ce sont les cartels unitaires, qui se négocient avec les « facilités » que l’on sait, sur le dénominateur commun le plus élevé atteignable, au service de la lutte en tâchant d’écarter les ambiguïtés.
Ce sont les collectifs ouverts où sur la base d’une plateforme ou d’un mot d’ordre (non au TCE) on mobilise le plus largement possible les organisations comme les personnes.
Ce sont les comités de grève, les coordinations…
Sur chacun de ces fronts dits « sociaux », l’accord se limite à sa propre gestion. Si tout n’y est pas satisfaisant rien de ce qu’il entraîne, n’outrepassera les limites communément convenues. Ainsi doit-on tenter d’y inclure toutes les forces qui y sont disposées (sans se soucier de leur degré de réformisme ou autre) dès lors qu’elles viennent renforcer le front social et s’y tiennent loyalement.
Il en va tout autrement du front politique qui engage l’insertion dans les institutions, leur carcan et leurs logiques, la gestion du système capitaliste et son lot obligé de « service du capital », l’étroitesse quasi infinitésimale de ce qu’il reste possible d’y réaliser en faveur des travailleurs. Les plateformes programmatiques n’engagent que ceux qui y croient, la conception des autres partis étant que ça se renégocie une fois élus. L’attraction des postes exécutifs se mesure à l’aune des finances qu’ils procurent et ainsi de suite.
L’argument « unitaire » que ce serait l’occasion de faire la démonstration de la fourberie d’un allié est alors le révélateur de la nôtre (on les attend au coin du bois) ou de notre légèreté. Si on est convaincu que les accords ne seront pas tenus alors autant le dire plutôt que de semer confusion, illusion et désillusion !
S’il s’agit de faire bouger des lignes, encore faut-il savoir quelles lignes vont bouger. Ainsi dans le Languedoc-Roussillon, l’accord unitaire arraché grâce à l’effet répulsif du président de Région et aux atermoiements du PS, a convaincu nos camarades des bienfaits de l’unité alors qu’à l’échéance suivante, cantonale, le PCF est retourné à ses amours gestionnaires et socialistes. Qui cette unité a-t-elle fait bouger ?
S’il s’agit d’avoir des élus en l’absence de proportionnelle, et c’est une question sérieuse que notre électorat ait droit à sa représentation et notre parti à ces armes-là, qu’on le dise clairement. Pourquoi, dans certains cas, ne pas chercher une coalition électorale à but électif ? Chaque partenaire y défend ses seules propositions en s’assurant que celles des uns et des autres restent acceptables. Et chacun y garde son indépendance. « On ne joue pas à l’unité ». Ce serait tout à fait concevable entre partenaires qui se retrouvent régulièrement unis dans les fronts sociaux tout en ne suscitant pas d’illusion sur une unité politique fictive. « Nous ne sommes pas d’accord sur tout mais nous sommes souvent ensembles dans l’action. Nous faisons des propositions divergentes, mais nous estimons que chacun de nos partis a droit au maximum d’élus même si, dans la défense des travailleurs, nos voix divergent. C’est pourquoi, dans l’indépendance de chacun nous nous coalisons pour solliciter vos suffrages ».
Ces petits moments d’unité sur un contenu ciblé montrent le chemin d’une unité plus large mais sur critères et limites lisibles. Dans ces difficiles négociations, nous avons à cœur d’obtenir des termes sans ambiguïtés quitte à les limiter, et des modalités sans chausse-trappe. Là encore tout reste question de rapport de force, que nous ayons une assise suffisante pour n’être ni noyés ni annexés par nos partenaires et nous serons plus souples.
Le front unique n’a jamais été ni partiel ni entre appareils, il repose d’abord et surtout sur l’unité d’une mobilisation à la base autour de revendications essentielles, dont la force contraint les appareils à s’y joindre. La grande grève de 2003 ou la lutte contre le CPE furent des Front Unique typiques.
La question unitaire ne doit pas être prise de façon angélique sans analyse sérieuse de la nature et de la politique des partenaires éventuels, et surtout sans réflexion sur leur évidente et nécessaire visées agressives, destructrices envers un parti anticapitaliste à vocation révolutionnaire. Le « déplacement à gauche » de certains éléments peut n’être et n’est souvent qu’une posture tactique et donc un trompe-l’œil. Suivez mon regard. Il faut le prendre au conditionnel : « si… alors… ».
Il y a dans la « pédagogie » revendiquée par les camarades « unitaires » une certaine arrogance envers nos partenaires, qui conduit à un aveuglement sur ce qu’ils disent, veulent et sont. Ce ne sont pas par des concessions ou des illusions qu’on fait bouger les lignes, mais par la vérité dans le débat, de l’audace quand on a le rapport de force, et la continuité dans l’orientation même si on est conduit à des périodes d’isolement.
L’unité est un combat pas un échange de bons sentiments.
Vous avez dit « anticapitaliste ? »
Le NPA a suscité un vrai espoir et de l’intérêt. Sortir du « communisme révolutionnaire » (qui avait du sens en miroir critique du communisme contre-révolutionnaire stalinien) pour inviter à l’anticapitalisme avait de quoi intéresser. Mais… ?
L’anticapitalisme une fois proclamé s’est trouvé à court de contenu. Et ce ne fut pas une moindre déception pour nombre de celles et ceux (pas intello ni bavasseurs) qui ont quitté le projet, en même temps qu’une frustration légitime pour celles et ceux qui militent jour après jours sur ce terrain qui à Attac, Copernic, la Cadac, dans des revues, l’édition, la presse, l’opinion publique, la recherche, le syndicalisme. L’une et l’autre, déception et frustration sont ce qu’on reproche sans doute le plus au NPA devant sa coquille quasi vide, son projet de société supplément d’âme remis à plus tard, et son dynamisme émancipateur résumé à l’interdiction des licenciements sur un programme d’urgence qui, en gros, rassemble les principales revendications issues des mouvements sociaux des dernières années.
Nous en avions l’expérience récente à la LCR, le processus NPA, rassembleur de diversités cacophoniques, aurait dû développer aussi son processus autour d’un « manifeste anticapitaliste » par lequel mutualiser ses diversités. Et cela reste urgent à faire à condition que ce soit fait de façon intelligente : par en bas, via les comités ouverts aux sympathisants, par le travers via les intellectuel/les, responsables de mouvements, syndicats, associations, avec un conseil scientifique qui se charge d’animer et d’ordonnancer cette révolution culturelle pacifique et démocratique, à côté du CPN (qui tremblera de cet apparent détournement de pouvoir).
Un congrès refondateur interviendrait in fine.
Il nous faut doter l’anticapitalisme d’un contenu qui éclaire, donne envie, mobilise, ces trois niveaux du militantisme. Notre anticapitalisme est sommaire, décevant. Il doit surmonter la dimension protestataire et esquisser les prémices de la dimension émancipatrice.
Logique de l’émancipation
Nos programmes sont largement frappés d’une approche économiste, autrement dit ils s’efforcent à juste titre de donner des réponses à la misère, au chômage, à la remise en cause des acquis sociaux. Mais il y a manière et manière : économiste c’est penser problème => réponse. Émancipation c’est tenter de formuler une réponse dans laquelle l’initiative, la prise en charge, le contre-pouvoir prolétaire se dessinent.
Si on prend l’exemple de notre mot d’ordre fétiche « interdiction des licenciements » il est aussi juste qu’incantatoire, paradoxalement sa déclinaison décriée « dans les entreprises qui font des profits » a plus de dynamique émancipatrice car elle incite à mettre son nez dans les comptes des capitalistes, à la fois à l’auto-activité et à un travail de contrôle à portée de comité de grève, de section syndicale, d’équipe radicale. C’est donc dans ce sens qu’il faudrait reformuler le mot d’ordre avec sans doute moins d’ambition mais plus de dynamique. De même pourrions-nous chercher du côté de l’augmentation des salaires proportionnelle à la distribution de dividendes, de l’implication des donneurs d’ordre dans le reclassement à même salaire de salariés licenciés, bref de revendications qui poussent le regard des luttes, des travailleurs vers les bureaux capitalistes.
À première vue c’est plein d’ambiguïté, ça demande de la réflexion mais la logique émancipatrice, la dimension émancipatrice de nos mots d’ordre et programme est décisive.
Nous n’avons par exemple pas de réflexion sérieuse sur les institutions ni sur ce que serait un élu anticapitaliste que je résumerais comme un dissident dans l’institution, quelqu’un qui n’y jouerait pas le jeu, transgresserait celles-ci, non par posture ni par principe mais très concrètement parce qu’il n’y a aucune marge de manœuvre pour procéder à autre chose qu’enrayer autant que possible le ronron préformaté des attributions et des contraintes acceptées par le reste de la gauche.
Cela ne peut procéder que d’une analyse sérieuse des institutions actuelles comme absolument pipées, inaptes à accomplir autre chose que la feuille de route libérale que lui imposent l’empilement d’autres instances, un budget préréglé, une constitution perpétuellement amendée, une législation obstinément durcie, des directives et des traités même pas soumis aux arbitrages électoraux. Il nous faudrait avoir un débat sur ceci et le débat sur les alliances comme la question électorale en serait modifié
Autre exemple concernant les questions LGBTI que je trouve très illustrative : ces milieux exigent aujourd’hui le mariage, l’adoption, l’homoparentalité, la transexualité etc. Toutes choses compréhensibles mais qui relèvent de l’aménagement du système, d’un réordonnancement du droit… réellement existant. Il nous faudrait penser tout ça « hors système », en sortant de ces logiques pour voir si une autre logique émancipatrice elle, n’est pas envisageable qui conteste et transforme ces institutions du système que sont le couple, le mariage, la parentalité, la dualité des genres comme fondatrice de l’identité sociale etc. Et qui du coup dessineraient un autre vivre ensemble, une autre conception de la personne et des relations qu’elle peut tisser, un autre droit qui au lieu de codifier les relations s’ouvrirait à en accompagner le libre arbitre.
Lorsqu’Olivier parle à juste titre de révolutionner la société est-ce vraiment dans la direction de l’interdiction des licenciements qu’il faut se lancer ou dans celle de l’ouverture des livres de compte et de la répartition des bénéfices ?
Il y aurait à fouiller du côté de l’économie dite solidaire et du mouvement coopératif, pour dynamiser sous un angle transitoire des expérimentations qui sinon restent confinées dans ou en marge du système.
Le retour chez certains de notions comme la « centralité ouvrière », un concept plombé de déformations staliniennes visant à diviser le prolétariat, au pire totalement fermé à l’analyse des évolutions du prolétariat depuis cinquante ans, atteste de la pauvreté de notre élaboration. Le désarroi accouche de vieilles lunes sclérosées quand notre pensée surfe vaguement à la surface des choses, parfois agitée par l’air du temps ou à l’inverse crispée sur de prétendus fondamentaux.
Alors, le désistement d’un Besancenot montre que le roitelet est nu. Ce devrait être l’occasion d’apprécier exactement ce que nous sommes et où nous pouvons aller, de nous réorganiser rationnellement, de colmater les voies d’eau et souder l’équipage. Au lieu de cela panique à bord, les uns veulent réduire encore plus la voilure sur de prétendus fondamentaux, les autres voguer au grand large de l’unité à gauche alors que nous en sommes largués pour l’heure et n’y obtiendrions que le privilège de renoncer un peu plus à nous-mêmes.
Unité dans l’action
S’il est une tradition qui se retrouve chez ceux qui ont convergé au NPA, comme naguère à la LCR, c’est l’animation de mouvements, syndicats, collectifs de solidarité, de résistance etc. C’est ce que nous savons faire de mieux et ce dont nous débattons le moins. C’est l’espace le plus à même de développer un vrai travail d’unification en même temps qu’un travail unitaire. Il est urgent que nous mettions ces activités au centre de nos préoccupations et de nos débats.
Nous devons être un parti qui se replace dans ce qui s’expérimente, quartiers, collectifs sur l’eau, l’habitat, la vie locale, la défense des hôpitaux etc, mouvement coopératif, économie solidaire, et le pense. Un parti qui soit capable de pousser (nous le faisons à l’occasion) à ce que de cette trame de résistances dispersées apparaissent des motifs nationaux, centralisateurs, des évènements de convergence. Bref que nous aidions à faire des résistances diverses des moments politiques centralisateurs.
Aujourd’hui nous le faisons « à la base », mais ne le pensons pas collectivement. Le NPA est une somme d’individus dans ces actions, il n’est pas une force nationale de réflexion, d’innovation et de proposition.
Nous y sommes de bons petits soldats ou les animateurs/ices du coup politiquement neutralisés. Sur tous ces fronts, une parole propre du parti est à diffuser avec quatre pages, brochures, conférenciers. Le CPN doit en débattre. Des campagnes doivent en sortir proposées dans ce tissus de luttes.
Les élections à leur place.
Les élections sont des moments politiques de la démocratie bourgeoise, un parti n’y échappe pas. (d’autres moments sont les grandes mobilisations). Tout parti y a trois objectifs : s’y faire entendre, se mesurer aux autres dans le cadre déformant de cette forme de démocratie dévoyée, obtenir des élus (et, pour nous, que nos électeurs bénéficient de représentants officialisés). Un parti sans élu dans le système politico médiatique actuel est un parti handicapé d’une part, pas de moyens, pas de représentation, et un parti privé d’aller à la fois connaître mieux et perturber le fonctionnement normal des institutions. Ce n’est pas pour autant un parti inexistant ni comateux s’il met ses priorités à l’action de masse (syndicale), à l’auto-activité des travailleurs, à la constitution de collectifs de lutte. C’est d’autant moins comateux s’il a pour visée non tant d’occuper des postes de pouvoir, que de subvertir le pouvoir existant pour en susciter un autre fondé sur l’auto organisation de la population. Néanmoins c’est un parti handicapé s’il ne parvient pas à prendre pied sur le terrain électoral.
Pour certains de nos camarades, la question électorale est décisive. Non qu’ils soient devenus (tous) électoralistes mais pour eux c’est dans ces moments politiques qu’à travers la politique unitaire, se jouent la construction du front anticapitaliste, la recomposition politique qu’ils appellent de leurs vœux, et la construction du NPA. C’est respectable mais erroné.
Depuis des années (y compris à la LCR) plutôt que de discuter de leur orientation politique, de ses difficultés, de ses avancées, les majorités s’appauvrissent en se laissant enfermer dans des débats qui ne sont pas les leurs, en ne débattant, en gros, que de ces questions. Sur quelles autres grandes questions nous sommes-nous divisés ?
Une politique unitaire
Oui, mais une politique agressive ! Autrement dit, qui ne s’en laisse pas compter et porte le fer là où c’est décisif. Ainsi, dans les collectifs unitaires à l’automne 2005 nous n’aurions pas dû nous laisser embarquer dans des élaborations de contenu. Nous aurions dû sortir à une dizaine de milliers d’exemplaires, largement diffusés dans les collectifs, un « quatre pages » très argumenté sur les enseignements du Non (les deux gauches inconciliables), sur la question du PS et des institutions.
Et nous y tenir.
Si le PS l’emporte en 2012, pas de pseudo pédagogie (démagogie). La question des questions sera de populariser, ne serait-ce qu’à partir de la campagne qu’il aura menée, l’idée que des comités de refus de cette politique est l’urgence afin de constituer un front vigoureux, justement à cause de l’urgence sociale. L’idée de « proposer » un tel front au PCF sera absurde dans la mesure où dès aujourd’hui il se donne comme perspective explicite la constitution d’une majorité avec le PS, et où il y aura eu dans l’entre deux tours des répartitions de circonscriptions, donc une forme de majorité voire plus si programme commun. (Quant au reste du FdG, cela se jugera sur les attitudes). Il faudra certes déplorer son positionnement mais ne pas rejouer au jeu de con. Autrement dit ne pas semer de confusion sur des proximités possibles entre leur position et ce que nous proposons.
Toute pseudo pédagogie ne fera que renforcer dans la sphère communiste et autres, qu’après tout un arrangement serait possible, entre autres tirer le PS à gauche (genre eux, PCF, au gouvernement et nous dans la rue). Déjà une partie du NPA est aspirée vers la gauche institutionnelle à l’approche de 2012, il ne faudra faire aucun compromis (genre dedans/dehors ni « peser sur ») si cela débouche sur un gouvernement social libéral surtout d’union. Il ne s’agira pas de dénoncer abstraitement, il faudra constituer des axes et des modalités de résistance et appeler les ralliés à sortir du gouvernement en invitant les militants à se joindre aux comités de refus de cette politique.
Autrement dit tourner enfin nos énergies vers les luttes et cesser le strabisme luttes/recomposition qui nous tétanise.
Une culture de la majorité
Il faut enfin, en interne, sortir de la culture des subtiles motions de compromis nocturnes dont les subtilités subtilement pesées par les quelques subtils protagonistes échappent totalement au parti et le privent en fait du débat qui a eu lieu, de ses zones d’ombre et de ses aspérités gommées. Le dernier congrès avec la résolution PF1 qui brillait surtout par ce qu’elle ne disait surtout pas a été un modèle lamentable du genre, et n’a tenu que le temps d’un vote. Il faut savoir avoir des textes majoritaires, avec des amendements rejetés sans êtres contradictoires au vote des textes. Ce que nous aurions dû faire au congrès dans la PF1.
Il faut laisser les congrès/CN arbitrer les débats majo/mino et ne pas laisser le travail majoritaire être parasité et bridé par l’orientation minoritaire sans cesse remise sur le métier. Pour cela il ne faut pas non plus chercher à tout pris CPn après CPn la motion miracle qui unifierait (le temps d’un vote). Sinon on dévoie les congrès [9] et on appauvrit la réflexion majoritaire.
Bien des compromis dûment négociés jusqu’à point d’heures ont sombré dans un goût d’amertume, tant ils avaient de double ou triple lectures.
Souvenons-nous dans la LCR du fameux « œuvrera à lever les obstacles à une candidature unitaire » sur laquelle s’étaient accordés aussi bien ceux [10] pour qui cela se résumait à constater ces obstacles, ceux pour qui il fallait faire preuve de bonne volonté et voir, et ceux pour qui il fallait consentir à des compromis.
Tout cela n’a fait qu’envenimer les relations chacun accusant les autres de manipulation et de duplicité.
L’état actuel du NPA.
Il faut commencer dès maintenant à mettre deux chantiers en route :
– Comment préparer l’élaboration d’un manifeste anticapitaliste qui, par exemple, pourrait sortir juste après les élections de 2012. Quel comité scientifique pour piloter le processus qui doit aboutir à un débat de congrès.
– Comment centraliser les investissements militants dans les divers fronts de masse avec des débuts de coordinations régionales. On dira qu’en l’état actuel du parti… hé bien justement ! Priorité aux luttes t à leur centralisation politique dans le parti.
Reste l’urgence d’avoir notre candidat à la présidentielle, ce n’est pas secondaire, ça ne doit pas relativiser le reste. Un parti doit se faire entendre dans ce moment politique et les désaccords sont trop vifs avec tout autre candidature pour renoncer à la nôtre. Notre candidat creuse son sillon. La collecte de signature va peser lourd.
Encore une fois certains courants s’exonèrent du soutien au candidat de la majorité du parti dont ils se réclament. C’est ainsi, ça ne pourra pas se perpétuer sempiternellement, mais l’échéance 2012 rebattra de toute façon les cartes, profondément, que la gauche soit élue ou battue.
J’ai trouvé déplorable la dramatisation infrapolitique que la PB a introduite dans le débat de la CN. J’ai trouvé déplorable que nous en soyons réduits à une majorité de circonstance.
Par contre dans l’état de division où nous nous trouvons la majorité de circonstance qui a désigné notre candidat ne doit pas sortir de son caractère circonstanciel ni vouloir se poser une majorité nouvelle (ce à quoi la campagne de la B a poussé !). Il nous faudra un congrès pour cela.
Nous sommes boiteux, il faut avancer en boitant et en préparant, les uns et les autres s’y consacrent à leur façon, l’avenir d’un courant anticapitaliste en France. Pour ma part je trouve une équivalence de désavantages aux positions les plus antagoniques : fondamentalistes doctrinaires et « urnitaires » angéliques. Ni l’ouverture ni le radicalisme ne sont des vertus.
Le courant que j’aimerais maintenant voir se structurer, j’en ai esquissé des repères. J’estime qu’à trop vouloir incarner le point central des partis successifs, celui auquel je me suis longtemps référé en a oublié de penser. Il est mort, il doit renaître et se structurer non pour animer une fraction de plus, mais pour se battre sur une conception du parti : un parti de la diversité politique et des majorités pour l’action capables de présenter au parti la diversité des positionnements qui les constituent tout en lui offrant une plateforme d’action entre deux congrès. Des minorités respectées mais soucieuses de permettre à la majorité choisie par les militants de conduire son action.
Avec ensembles deux tâches : aboutir à un contenu de l’anticapitalisme émancipateur, un manifeste de l’anticapitalisme à l’étape actuelle de la crise, et conduire une politique active de rassemblement dans les mille et une luttes qui se formulent afin de changer la donne dans les gauches, par le poids de ces mobilisations sur les consciences, les traditions et les appareils.
L’essence du Front unique.
Est-ce possible ?
Jacques Fortin
Addendum
Le 21 août 2011
Prenons garde à ne pas exacerber nos divisions jusqu’à cette rupture larvée qui se profile. Les cartes peuvent être rebattues très vite dans la conjoncture.
Avec l’amplification de la crise et son accélération probable, on entend le PS glisser quasi ouvertement vers une « papandréouïsation ». Lui non plus, dans la perspective présidentielle, sous la pression « des marchés », ne peut rester dans le flou et devra prendre de plus en plus ouvertement position pour une « austérité » qu’il aura du mal à teinter de « souci social ». Déjà il fait sien le retour rapide (2013 ?) au 3% du PIB de déficit, ce qui, irréaliste, annonce une régression sociale extrême. (voir par exemple l’article de L. Boyer dans Mediapart, et bien d’autres). Les marchés risquent ainsi d’intervenir très fort dans le débat présidentiel à gauche.
Si cela s’accélère à la rentrée comme il semble inéluctable, cela peut susciter de très fortes tensions entre les partenaires d’une future gauche unie qui se concocte, voire au sein du FdG. Cela sera vite inassumable par la direction du PCF, cela peut même le mettre dans une situation électorale très inconfortable car comment prendre ses distances avec les engagements libéraux du candidat PS et négocier des répartitions de circonscriptions ? Cela rendrait la vie difficile à tout le Front de gauche bien plus vite que prévu, malgré les positions très critiques de Mélenchon (voir son blog du 16 août sur le « tournant stupéfiant » du PS !!) et l’axe « social-républicain », trop récent, qui se dessine avec Montebourg autour de la démondialisation (voir le même billet de JLM et celui de Montebourg dans son blog tout neuf et non participatif, de Mediapart).
D’autre part, les directions syndicales se sont bien organisées pour ne pas présenter de front uni à la rentrée. Tout indique que la situation contraindra Sarkozy à prendre vite de sévères mesures économiques et sociales. Il dépendra de leur ampleur et du moment de leur effet direct sur les populations, pour qu’on les voie se traduire en mobilisations populaires.
Il peut donc y avoir du roulis dans la gauche institutionnelle si la crise oblige le PS à se dévoiler trop crûment, et du tangage sur la scène sociale, avant même l’élection.
Du coup il nous reviendra de nous investir évidemment à fond, mais, qui sait, nous serons peut-être amenés à prendre des initiatives autres que le refus, incontournable dans la configuration politique actuelle, de toute convergence. Il nous faudra peut-être alors une tactique unitaire claire sur le contenu, audacieuse par rapport à la fermeture actuelle susceptible de s’insérer dans des tensions réelles cette fois aussi bien au sein du PCf que du FdG, et même dans l’espace syndical.
Ceci peut provoquer un dépassement des tensions présentes entre nous.
Jacques Fortin
NB. Je n’ai rien dit à propos de notre ex-porte parole médiatique. D’une part s’il est médiatique, c’est que nous l’avons voulu et choisi pour ça, ce fut conscient et organisé. Ensuite la personnalisation est une donnée incontournable de tout groupe, et très utile tant qu’elle ne confère pas de pouvoir personnel indiscuté à la personne, ce qui est le risque. Un/e « leader » est souvent une « plaque sensible » d’un groupe bien plus qu’un patron potentiel, quand il peut être un porte parole dans lequel les gens communs se reconnaissent et perçoivent un discours, alors il est très utile. Le reste est du baratin moralisateur, et il est dommage qu’OB n’ait plus supporté de porter cette lourde tâche, ce qui se comprend dans les circonstances.... De là à le théoriser…
Si les évènements sociaux se précipitent, il sera bien utile, y compris en n’ayant plus de représentation « partidaire ».