Note de travail du NPA sur la LGO (avril – juin 2011)
Par la commission Maghreb du NPA et la délégation du NPA en Tunisie.
Dans son interview du 16 mars à Inprecor, Ahlem Belhadj, une de ses principales représentantes explique notamment :
* A propos de l’auto-organisation
"Il y a plein de choses qui se font dans le domaine de l’auto-organisation car il y a eu la dissolution des municipalités et ce sont les conseils, autoproclamés par la population, qui sont en train de gérer les municipalités. (...). Le danger c’est que ceux, nombreux, qui prennent en charge l’auto-organisation à la base laissent la « grande politique » à d’autres… Car avec l’annonce d’élections le 24 juillet à l’Assemblée constituante (...) il s’agit bien d’aller à l’encontre de la dynamique d’autogestion. Parviendra-t-on au cours de ce moment intermédiaire — entre maintenant et le 24 juillet — à ce que les comités d’auto-organisation ne soient pas exclus du débat sur la forme de gouvernement et sur la forme de Constituante, à ce qu’ils s’emparent de ce débat ? Saura-t-on jouer le rôle de lien entre ce débat qui démarre « en haut » et ce dont débattent les masses auto-organisées ? En tout cas c’est l’enjeu actuel. Le Conseil national de la protection de la révolution (CNPR) jouait un peu le rôle de coordination des comités locaux. Mais il a été affaibli par la mise en place (le 14 mars par le gouvernement) du « Haut comité pour la réalisation des objectifs de la révolution, pour la réforme politique et la transition démocratique ».
* « Une poussée d’institutionnalisme ».
La création du Haut comité... "avait en quelque sorte pour but de remplacer le CNPR, de lui tirer le tapis sous les pieds… Les principales constituantes du CNPR — c’est-à-dire l’UGTT, les Avocats et la Ligue des droits humains — étaient partantes pour ce « Haut comité ». Ainsi, en ce moment, il n’y a plus de direction nationale légitime de la révolution.
La gauche est présente au sein de ce « Haut comité », ce qui fait que la décision de le boycotter ou non est plus difficile à prendre, car certains pensent que la gauche a peut-être la possibilité d’agir pour que cette instance ne soit pas complètement institutionnalisée et coupée de la base, qu’elle pourrait peser pour que ce « Haut comité » ait des liens avec les comités révolutionnaires locaux. Des personnes en son sein sont de gauche ou de l’extrême gauche.
La grande difficulté tient aussi au fait que les partis qui constituent le Front du 14 janvier ne sont pas allés collectivement — en tant que Front — pour discuter de cette proposition. Certains groupes, fractions ou partis ont accepté d’y être indépendamment des autres et trois partis y sont représentés officiellement" (NB : Le PTPD de Jmour, le Mouvement Patriotes démocrates de Chokri, et les nassériens du Mouvement des Unionistes libres).
"Bref, c’est un moment où la confusion est grande. On est poussé pour faire partie de ce « Haut comité », parce que le CNPR cesse d’exister — l’UGTT et les avocats l’ont de fait lâché.
Les nouvelles autorités ont réussi à voir un à un les candidats sollicités pour faire partie de ce « Haut comité » et de ce fait le camp de la révolution, qui s’organisait, n’est plus très net. Même un leader reconnu du bassin minier est maintenant dans ce « Haut comité » ainsi qu’une personnalité représentative de Kasserine… Bref, pour le constituer ils ont brassé assez large au niveau des personnalités politiques, afin de les avoir plutôt à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Je pense donc qu’à l’avenir il faudra mener à la fois une bataille à l’intérieur de ce « Haut comité » et à l’extérieur et qu’il deviendra clair assez rapidement qu’il s’agit d’une tentative d’instrumentalisation, dans le but de contrecarrer toute la dynamique de la révolution qui échappait jusque-là aux institutions. C’est une manœuvre assez perverse, car si on ne peut pas dire du mal sur le profil des personnalités sollicitées pour participer à ce « Haut comité », il y a beaucoup à dire sur ce cadre-là".
La première conférence nationale de la LGO
Elle s’est tenue à Tunis le 23 avril en présence de plusieurs camarades du NPA. Cette première réunion nationale de la nouvelle organisation a rassemblé une soixantaine de participants venant de presque toutes les régions, dont plus d’une douzaine de femmes.
A l’origine de cette formation des militants ayant appartenu à deux anciennes organisations clandestines de la IVe Internationale, antérieurement souvent en conflit, et de nombreux jeunes arrivés grâce à la révolution.
Encore peu connue, la LGO regroupe une série de miltant(e)s ayant une audience de masse dans leur milieux notamment dans le syndicat de la Poste et des télécoms, chez les enseignants, les étudiants, dans le mouvement altermondialiste, RAID-ATTAC et le mouvement des femmes. Une camarade, Ahlem Belhadj s’est retrouvée désignée à la « Haute Instance » en tant que personnalité.
La journée de débats a d’abord permis aux camarades de faire connaissance, et pour certains après des années de clandestinité, de prison, de tortures. Les débats ont porté sur l’étape et les difficultés de la révolution tunisienne, le devenir des comités d’auto-organisation comme celui des Fronts unitaires de la gauche progressiste dont la LGO est partie prenante, le type de participation à la prochaine élection de la Constituante (retardée à octobre).
La Conférence a pris la décision de demander aux nouvelles autorités la reconnaissance légale de la LGO et a élu une direction nationale.
Bref, une espèce de congrès pour des camarades qui n’en avaient jamais connu. La dimension internationaliste fait partie intégrante de cette nouvelle organisation avec notamment la présence d’invités de France, Suisse, Algérie, Pakistan, Brésil, Italie et de la IVe Internationale.
Voir :
Nizar Amami (25 janvier), ESSF (article 19983) : Révolution tunisienne : « Le peuple veut dissoudre ce gouvernement ».
Jalel Ben Brik (19 février), ESSF (article 21069) : Tunisie, une révolution en marche
Ahlem Belhadj (16 mars), ESSF (article 21068) : Tunisie : Un gouvernement dans la continuité… mais capable de reprendre l’initiative.
Alain Krivine et Cédric Bottero (4 mai), ESSF (article 21472) : Tunisie. Conférence de la Ligue de gauche ouvrière.