Ce texte a été écrit fin mai par des anarchistes madrilènes et a été traduit par anarchistes caennais-es-. Il est important de prendre en compte que ce texte traite uniquement de la situation à Madrid, suite à l’occupation de la Puerta del Sol par le mouvement au nom changeant (democracia real ya,
15-M, AcampadaSol, etc.).
La traduction s’est aussi réalisée dans une relative urgence, au cas où une situation similaire se
développerait en France. Donc excusez-nous d’avance s’il reste des coquilles, fautes ou si certaines
phrases ont encore une structure trop hispaniste. Cette version est un premier jet et on a essayé de
faire de notre mieux.
Dans les respects des auteurs, il convient de préciser que, pour un gain de temps, quelques petites
libertés ont été prises. Certains paragraphes, certaines phrases jugées répétitives ou « plus
qu’évidentes » ont été sautées. Au total, le texte a été écourté d’environ une page.
Il est probable que dans quelques semaines vous trouviez une traduction définitive et peaufiné (sans
les suppressions, totalement féminisé, sans fautes, etc.) de ce texte sur le site du CATScaen (Collectif
Autogéré de Traduction et de Scannerisation de Caen) : http://ablogm.com/cats/
Bonne lecture
Des anars caennais-es
0. Quelques mots pour commencer…
Soyons clairs. Ceux qui signent ce texte sont anars, communistes libertaires, anticapitalistes ou
l’étiquette qui vous plaira. C’est-à-dire que nous sommes pour l’abolition du travail salarié et du
capital, la destruction de l’Etat et sa substitution par de nouvelles formes horizontales et fraternelles
de vie en commun.
Nous croyons que les moyens pour y arriver doivent être le plus cohérents possibles avec les fins que
nous cherchons, et pour autant, nous sommes contre la participation dans les institutions, contre les
partis politiques (parlementaires ou non) et les organisations hiérarchiques. Nous parions sur une
politique basée sur l’assembléisme, la solidarité, l’aide mutuelle, l’action directe,...Parce que nous
sommes convaincus que ces moyens sont les plus efficaces pour nous conduire jusqu’à la révolution.
Si nous disons cela c’est pour éliminer toute suspicion et tracer les orientations (les grandes lignes)
autour desquelles s’appuiera notre contribution. Et maintenant, même si nous sommes pour une
révolution sociale qui détruise le capitalisme, et l’État, et qui suppose l’abolition des classes sociales
(et de tant d’autres choses), cela ne signifie pas que nous pensons que cela peut arriver à courte
échéance, du jour au lendemain. Ce que nous exposons ici sont des fins, c’est-à-dire, des situations
auxquelles, avec de la chance, nous arriverons après un long parcours et un développement
considérable du mouvement révolutionnaire. Penser le contraire ce n’est pas que ce soit utopique,
c’est un exercice de délire et d’illusions de l’immédiateté.
Une proposition révolutionnaire doit se concrétiser dans une stratégie à courte échéance, dans une
série de propositions pour intervenir dans la réalité qui se rapprochent de situations dans lesquelles
se jouent des questions comme l’abolition du travail salarié, l’instauration du communisme libertaire,
la révolution sociale,...questions qui à l’heure actuelle, évidement, ne sont pas, même de loin, sur la
table. Cette intervention ne peut se limiter à répéter comme un automate la rageuse nécessité de
révolution et d’abolir l’État et le capital. Etre anar ne signifie pas être un flic serinant à qui veut bien
l’entendre combien l’État est le mal et que l’anarchie c’est bien. Et cependant, à la racine du
mouvement du 15 mai, dans ces derniers jours nous avons pu lire sur internet des textes et
commentaires proches de ce délire immédiatiste et, ce qui est pire, nous avons entendu des
positions de compagnon-es et ami-es glissant vers l’abîme de l’anarco-chapisme (anarco-dandy,
privilégier l’humour plutôt que le sérieux), qui, avec les meilleurs intentions du monde, rejoignent le
maximalisme des consignes grandioses, des propositions à longues échéances, etc. Nous savons bien
de quoi nous parlons, nous avons tous été dans cette situation et, ce qui est pire nous avons
contribué dans de nombreuses occasions à son extension.
Soyons clair, ce texte concède autant de la critique que de l’autocritique, et qu’il nous serve avant
tout, pour essayer de ne pas tomber nous-mêmes dans ces pièges. Pour terminer, il faut prendre en
compte que ce texte a été écrit rapidement et à toute vitesse, au même rythme que les événements,
avec l’objectif qu’il sorte avant le 28, date à laquelle sont appelées des assemblées populaires dans
différents quartiers et villages de Madrid, ainsi que cela ne vous surprenne pas que sur certains
points se remarque la précipitation.
En résumé, ce texte prétend être une réflexion et une proposition pour rompre avec l’impasse dans
laquelle nous avons été ancrés pendant longtemps, une réflexion pour tenter de clarifier de quelle
manière nous pouvons apporter et participer à ce qui se passe autour de nous.
1. Le mouvement du 15-M : coordonnées basiques
Ce qui arrive autour de nous est, évidemment le mouvement 15-M, qui la semaine dernière a fait
irruption comme un éléphant dans un magasin de porcelaine dans la politique nationale. Que cela
nous plaise ou non, que nous le désirions ou non, le mouvement du 15-M a rompu toutes les
perspectives et a surpris tout le monde : police nationale, journalistes, les « convoqueurs », les gens
courants, les citoyennistes, les gauchistes et bien sur les anars. Au début tout le monde a été pris de
court, et à partir de là, toute une série d’essais a été mené avec plus ou moins de chance pour
prendre position face au 15-M ou à l’intérieur. Nous n’allons pas tenter d’analyser ou de lister les
différentes théories « conspiranoiaques » ou les intoxications qui sont apparus dans son sillage ; ce
n’est pas important par rapport à ce que nous avons à dire.
Nous allons essayer d’expliquer ce que nous entendons par coordonnées basiques dans lesquelles se
meuvent ce que nous appelons le mouvement du 15-M, tout du moins les plus importantes pour voir
si une participation anar ou anticapitaliste est possible. Il est logique que la description soit
fragmentaire, partielle et incomplète, cela nous est égal, les choses vont trop rapidement.
La première chose à dire c’est que le mouvement du 15-M est un réel mouvement social et comme
tel il est très hétérogène et contradictoire. Il y a de tout et en différentes doses. C’est-à-dire que tout
ce qu’on dit ici ne doit pas être pris comme des caractéristiques définitives absolues, sinon plutôt
comme des tendances, nuances,...Expressions d’un mouvement en construction dans lequel il y a des
luttes, tensions, et un changement continu.
Ceci dit, par sa composition sociale et par les consignes qui s’écoute le plus dans les assemblées et
groupes de travail, ainsi que par les opinions publiées constamment sur internet (twitter), on
pourrait dire que ce mouvement est principalement citoyenniste et ouvertement démocrate. Ou
autrement dit, ce sont ce genre de revendication de réformes politiques et sociales (réforme
électorale, démocratie réelle, plus grande participation, critique des partis politiques majoritaires
mais pas du système représentatif ou des partis en général...) qui en général regroupe le plus grand
nombre de personnes et de mains levées.
Cependant ce contenu s’exprime sous la forme assembléiste, qui rejette toute représentation
classique (comme par exemple se convertir en un énième parti politique) et qui renie toute idéologie,
symbole ou forme politique déjà connu (des partis jusqu’aux drapeaux républicains en passant par
les a cerclés.) Une consigne circule sur twitter « esto no va de izquierdas o derechas, sino de arriba y
abajo » (ceci ne va pas de gauche à droite, mais de haut en bas). Pour le moment, le pari est fait sur
l’auto-organisation, l’action directe (non-violente) et la désobéissance civile, bien que ces mots
magiques ne soient pas utilisés. La non-violence est de fait, un autre des mots d’ordre fondamentaux
du 15-M, quelque chose qui est sans aucun doute assumé collectivement sans discussion. Nous
parlerons de ce sujet plus loin.
Tout ceci n’enlève pas le fait qu’en son sein on puisse voir clairement une « lutte de pouvoir » entre
différentes « factions », organisées ou non. Membres et militants de partis politiques de gauche,
membres des mouvements sociaux, libertaires, gens normaux et courants « indignés » qui vont avec
leur propre vision du monde,... Tous se battent à l’intérieur à tous les niveaux, depuis l’orientation
idéologique ou pratique du mouvement, au contrôle (et dans de nombreux cas, manipulation) des
assemblées, commissions,... Dans de nombreux groupes ou commissions, on voit de tout : pertes
occasionnelles de procès-verbaux, personnalismes, des personnes qui s’accrochent au rôle de porte-parole, délégués qui taisent certaines choses dans les assemblées générales, commissions qui ne
respectent pas les décisions, des petits groupes qui veulent assurer la buvette, etc. Beaucoup de ces
comportements sont, c’est sûr, fruits de l’inexpérience et de l’ego ; d’autres, paraissent directement
sortis des vieux manuels de manipulation des assemblées.
Autour de cette lutte, il y a aussi tous ceux qui traînent par là. Ceux qui s’approchent pour participer,
pour écouter, être écouté, apporter de la nourriture ou du matériel, voir ce qui se passe, ou
simplement prendre de photos en mode touriste dans sa propre ville. Sous les tentes de Sol on a
l’impression d’être dans un grand souk où rien ne se vend ni ne s’achète.
D’un autre côté, un des grands problèmes des campements réside dans la difficulté à y participer
pleinement : tout le monde ne peut aller dans le centre tous les jours, ni rester à dormir, ni participer
aux commissions, etc. Cela peut favoriser la création de chefs informels, chambres, choses étranges
et tournures bizarres, que les gens pas cons vont finir par remarquer, en discuter et agir en
conséquence. De fait une possible conséquence du grand poids portée par un petit nombre (ceux qui
sont le plus habitués à proposer des activités) c’est la progressive ghettoïsation dont a souffert le
campement en fin de semaine. En comparaison avec l’ambiance de rencontre et de protestation des
jours les plus intenses (spécialement le vendredi vue la perspective de l’interdiction par la junte
électorale centrale.), en fin de semaine, les choses ont perdu leur souffle et on a commencé à noter
une ambiance plus ludique et moins de protestation, malgré le fait que les commissions et sous-
commissions et groupes de travail continuent à fonctionner. Par moment, Acampadasol semble
reproduire le pire et le plus banal du ghetto squat : atelier, concerts, fanfares, cantines, théâtre,
clowns, etc., au détriment de ses aspects initiaux, beaucoup plus marqués de protestation, politique
et d’ « indignation » (même si c’était limité).
Sur twitter, qui ne l’oublions pas tiens une grande responsabilité dans l’ascension le mouvement du
15-M et du campement de Sol, on note le mécontentement chez beaucoup de gens qui ne voient pas
d’un bon œil cette dérive. Un exemple clair de ce mécontentement a eut lieu en fin de semaine
dernière au sujet de l’apéro. Le samedi une des assemblées a du partir de Sol à cause du trop grand
nombre de gens fortement alcoolisé-es, et au sujet des fanfares, qui le dimanche ont obligés à
repousser des assemblées car on ne s’entendait pas à cause du bruit (même si l’on peut dire que les
fanfares ont été très suivies, tout comme l’apéro).
Il est évident que le mouvement du 15-M n’est pas une révolution.
Le dernier point que nous voulions ajouter c’est que pour nous, le plus important que nous ayons vu
avec l’évident caractère assembléiste et horizontal (avec tous ses défauts) : le changement brutal
d’attitude que nous avons pu voir aux alentour de Sol durant toute la semaine. Récapitulons. Après la
manifestation très suivie du début, le 15 mai, et spécialement après le travail des premiers campeurs,
les gens ont pris massivement nuit après nuit la Puerta del Sol d’une manière qu’aucun d’entre nous
n’avait vue auparavant. Les mobilisations contre la guerre même si certaines ont été très massives,
n’ont pas eut, même de loin, la continuité, participation, l’attitude et l’ambiance que nous avons vu
cette semaine à Sol. C’est comme si soudain, la passivité et le chacun vaque à ses occupations
s’étaient rompu autour du km zéro. Distribuer des tracts à Sol et dans ses rues adjacentes est jouissif,
les gens viennent t’en demander, et ils les prennent avec un sourire, ils te posent des questions et te
remercie... Les premiers jours si tu parlais en petit groupe, les gens s’approchaient pour écouter et
intervenir. Il était normal de voir des gens de tous styles et de toutes tendances discutant en petits
groupes. Les groupes de travail et les assemblées générales sont les évènements majeurs,
rassemblant entre 500, 600 et 2000 personnes (assises, debout, se serrant pour entendre quelque
chose,...) A part cela une ambiance de bonne humeur, de « quelque chose de spécial ». La nuit du
vendredi au samedi a été cruciale, quand a commencé la journée de réflexion. Écouter plus de 20
000 personnes crier « nous sommes illégaux » et de s’émerveiller comme un enfant, d’enfreindre la
loi. Franchement, c’est impressionnant. Il est certain que cette ambiance intense, de participation et
de politique réelle a commencé à décroître à partir de cette nuit là. En partie par la montée du
vendredi soir, en partie à cause de la décision de « ne pas faire de politique le samedi et le dimanche,
la fin de semaine ayant eu un ton beaucoup plus festif que les jours d’avant. Même ainsi, nous ne
nous souvenons pas d’une chose pareille.
2. Ce qui n’est pas en jeu. Une vision stratégique
Ceci étant dit, quel rôle y jouent les anarchistes ? Pour n’importe quel libertaire avec un peu de
jugeote, heureusement une majorité, il est évident qu’il est nécessaire être présent, ne serait-ce que
pour le sujet. Ce qui n’est pas très clair, c’est ce que nous pouvons faire, ce que nous pouvons
apporter et ce que nous pouvons espérer du mouvement 15-M. C’est un questionnement logique,
compte tenu de l’hétérogénéité et des contradictions de ce mouvement . Dans cette section nous
allons essayer d’exprimer comment et dans quel sens nous imaginons qu’il puisse être intéressant de
participer au mouvement. Nous parlons alors de « vision stratégique » parce que c’est la vision
générale que nous tenterons de commenter avec des propositions concrètes et quelques
considérations tactiques.
La majeure partie du processus qui se développe actuellement au sein du mouvement du 15-M
consiste à trouver les lignes directrices et les revendications politiques qui vont le définir. Ce qui a
lieu dans les groupes de travail comme dans les commissions. Dans les premiers, il y a principalement
des débats et des combats idéologiques. Dans quelques commissions, dans celles ou se concrétise et
se résume ces débats, se manifestent les ruses, les manipulations, etc. Pas besoin d’être très malin
pour comprendre où est le problème : les commissions comme celles de communication, interne,
assemblée et politique sont celles où se rencontrent le plus de politiciens par mètre carré, tandis que
dans les commissions infrastructure, alimentation ou respect, ils sont mineurs. Nous ne sommes pas
en train de dire qu’il n’y a que cela dans les commissions, mais ce sont des choses qui se font. Nous
l’avons parfois constaté ou on nous l’a raconté, et cela nous donne du fil à retordre.
Comme expliqué auparavant, les revendications avec les plus d’écho à Acampadasol (lit. campement
Sol, nom donné au campement militant sur la Plaza del Sol, centre de Madrid) sont celles de
réformes politiques et dans une moindre mesure celle d’ordre social, de grand contenu citoyen :
réformes de la loi électorale, loi de responsabilité politique, plus grande participation, loi sur les
hypothèques, etc. Les membres et militants des partis de gauche (IU,IA, etc.) et de mouvement
sociaux essayent d’emmener le bateau vers la gauche pour que soit assumé-es les revendications de
la gauche (sur la rente basique, remise sur la dette extérieure, la nationalisation des banques, etc.) et
en face ils ont ceux qui préfère que le mouvement soit le plus neutre possible (par exemple,
http://twitpic.com/51lyqa) et se concentre sur le consensodeminimos basique (consensus minimum
sur quatre revendications : réforme salarial, lutte contre la corruption, séparation des pouvoirs
publics, création de mécanisme de control citoyen). Selon notre opinion, nous croyons que le plus
probable, que l’objectif final des uns et des autres, certainement sous la forme d’une Initiative
législative populaire, ou de la part d’un parti de gauche comme IU, se présente sous la forme d’une
proposition au congrès et que soit demandé son approbation par un référendum populaire. Dans ce
contexte, les uns et les autres jouent sur le contenu de cette « proposition » et sur la manière de la
construire.
Evidement, les anarchistes sont convaincus que s’ils réussissent, à travers cette action réformiste, à
changer quelques uns des « défauts » du système qui énervent le plus la population, cela ne va pas
changer l’essentiel. Le problème n’est pas la corruption politique, mais la politique comme sphère
séparée de la vie. Le problème n’est pas le manque de transparence des gouvernements ni les
banques et les banquiers, mais l’exploitation capitaliste, la grande et la petite.
Ceci dit, nous croyons que, nous les anarchistes, nous ne sommes, ni devrions être dans ce combat,
celui des revendications grandiloquentes et la politique de haut vol. Nous ne devrions pas rentrer
dans ce jeu, mais voulant être dans les assemblées nous devons assumer le fait que nous devrons
supporter et affronter ceci. Le mouvement du 15-M n’est pas un mouvement anarchiste ou
anticapitaliste, les revendications anarchistes maximalistes ne sont donc pas à leur place. Il n’y a pas
de sens à lutter pour que ces assemblées générales assument des choses comme l’autogestion
généralisée, l’abolition des prisons ou simplement la grève général illimités, parce qu’il est évident
que les gens qui en font partie ou qui suivent le mouvement ne sont pas en faveur de ces choses.
Supposant (et c’est beaucoup supposer) que pour une raison étrange, ou par manigance, s’obtient
que l’assemblée générale ou les assemblées de quartiers acceptent et assument quelques unes de
ces consignes, le plus probable est que le mouvement 15-M se dégonflera rapidement, perdant une
bonne partie de ses appuis et de sa sympathie, et ne resterait qu’un étrange cocktail populaire de
militants gauchistes, citoyennistes, communistes et anarchistes. Quelque chose où nous n’aurions
jamais voulu être. En politique il existe un dicton « voter avec ses pieds », qui signifie que quand tu
n’aimes pas la gestion d’un lieu, tu vas de l’autre côté. Quelques chose de similaire se passe dans
toutes les assemblées, il y a beaucoup de gens qui quand ils n’aiment pas quelques chose ou se
sentent incommodés, se taisent, hochent la tête et arrêtent de s’exprimer, sans refléter son
mécontentement.
Nous sommes conscients de la représentativité des commissions face aux personnes qui intègrent la
mobilisation. Nous l’avons constaté clairement dans la Commission Politique, qui au moment le plus
haut a pu atteindre 350 personnes, avec ses sous-commissions. Et même s’il est clair que les
assemblées sont ouvertes et que tous le monde peut y participer, la commissions politique s’est vu
séparer en deux avec deux postulats bien différents : « réformiste » et « révolutionnaire », entre
ceux qui exigent et légitiment les structures de pouvoir et avec de petites ou grandes réformes et
ceux qui veulent marquer une feuille de route en rupture avec le modèle imposé par le capitalisme.
Ceci est une grave erreur parce que les mesures révolutionnaires ou radicales peuvent aussi bien être
prises à court ou long terme, seulement il faut tenir compte du contexte actuel et des avancements
que nous voulons mener. Pour donner un exemple, dans la Commission à Court Terme se sont posé
la question du changement de la constitution espagnole, et dans la Commission à Long Terme des
consensus comme l’utilisation de la grève générale (comme outils de lutte). Nous ne croyons pas
qu’un changement de la constitution (qui nécessite l’approbation des ¾ des députés du Congrès) soit
faisable à court terme tandis qu’une grève générale si.
Nous croyons nécessaire une réflexion sur nos implications dans les commissions pour essayer
qu’elles soient efficaces et que le gâchis d’énergie soit mieux canalisé. Il ne sert à rien que 200
personnes avec une idéologie « similaire » se rassemble et empreinte une posture qui à la fois ne
peut pas être assumée dans ce mouvement mais aussi qui laissent les mesures à court terme être
une plaidoirie en faveur de l’état providence… Dans cette réflexion nous devrions faire une
autocritique et poser, de forme immédiate, des propositions à court et long terme, que nous
puissions assumer et qui nous fassent avancer, pas à pas vers une vraie révolution sociale, sinon nous
allons passer à côté. Nous devons montrer une certaine intelligence et nous ajouter de forme réelle
au rêve de changement qui respire ces jours-ci à la Puerta del Sol, et voir si avec tout le monde nous
réussissons que ces changement aillent un peu plus loin que quatre arrangements de façades de la
démocratie.
Alors quelles autres options avons-nous ?
Certainement que beaucoup se sont demandés, même sans se rendre compte, ce que nous pouvions
atténuer de notre discours, c’est-à-dire pour édulcorer nos propositions. Par exemple, jouer une
intéressante confusion sémantique qui parle de « démocratie directe » plutôt que d’ « anarchie », ou
encore supporter ce que l’on doit supporter pour maintenir l’histoire dans le temps, etc.
Une autre option est simplement abandonner cette « buvette » réformiste. Mais comme nous le
voyons, ceci nous paraît absurde. Tout simplement parce que, ni actuellement ni au long de
l’histoire, les mouvements révolutionnaires jaillisse du néant ou surgissent seuls, mais que ce sont de
les propres révolutionnaires et les événements, qui avec des efforts, dès fois, réussissent a ce que
des mouvements sociaux ne soient plus réservés aux partis, aux profiteurs, etc.
Bien que nous parlerons de ceci plus loin, laissons clair que notre idées n’est pas de convertir le
mouvement 15-M en un « mouvement révolutionnaire » de masse, une comédie qui laisse présager
que l’anarchie viendra demain si nous le souhaitons très fort. Nous ne sommes pas non plus en train
de dire que nous devrions y être jusqu’à la fin. Nous avons les idées assez claires, si nous ne faisons
pas les choses bien, à un moment donnée nous devrons partir, ou probablement qu’ils nous vireront.
Mais il paraît évident que ce moment n’est pas encore arrivé et qu’il y a toujours une opportunité
d’apport de notre part dans cette histoire, surtout suite à l’appel d’assemblée populaire dans les
quartiers.
Nous ne sommes pas des illuminés, et si certains ont la vue brouillée et ont laissé leur occupations
pour « la révolution » (plutôt marketing), nous sommes des anarchistes qui ont vu une opportunité,
la première depuis des années, de participer dans un mouvement réelle de taille considérable.
3. Pour une participation anarchiste pratique et concrète
Selon notre opinion, ce qui est en jeu dans le mouvement 15M, c’est réussir a ce qu’il soit un point
de départ capable d’activé des luttes quotidiennes avec des aspects concrets et basiques. Une lutte
qui s’organise horizontalement, en assemblée, qui pratique l’action directe et la participation directe,
la solidarité, etc., ce qui fait partie des bases du mouvement 15-M. Que les assemblées ne soient pas
des lieux ou demander (a qui ? comment ?)des lois, réformes er référendums (lesquels ?) mais qu’ils
soient des espaces où les gens peuvent débattre sur leurs propre problèmes et y cherchent des
solutions et se mettent d’accord sur les moyens d’y parvenir par eux-mêmes. Que les assemblées se
convertissent en lieux de rencontres, de communications et participations. Des petits noyaux
solidaires de résistances.
Il est clair qu’une partie importante de ce processus est que les problèmes et solutions vont être
traités, mais quel contenu va être exprimé dans ces assemblées ? C’est une autre tâche que nous
pourrions nous imposer : essayer que les thèmes à traiter en assemblée soient des questions de
classe, de genre, etc. Que l’on approfondisse, depuis la pratique, la critique de l’état, du capital et du
salariat.
Dans l’état des choses et comme nous le voyons, essayer que les gens adopte notre discours n’est
pas notre objectif et ne devrait jamais l’être. Nous n’irons pas rabâcher des consignes anarchistes.
Des consignes qui dans ce cas peuvent ne pas être à leur place. Non pas car elles n’ont aucun sens ou
parce qu’elles sont fausses, mais parce qu’elles ne sont pas sur la même « onde » que ce qui se
déroule en ce moment. C’est comme parler de foot avec quelqu’un et qu’un troisième larron arrive
et parle du cinéma iranien. Ceci signifierait qu’on devrait abandonner l’anarchisme et passer à la
démocratie ? Logiquement non. Nous devons nous cacher ? Non. Mais a contrario, devons nous
exhiber le fait que l’on soit anarchiste ? Pour nous, il n’y a aucun sens à aller plus loin que « être
anarchiste ». Appeler quelqu’un anarchiste ne signifie rien en soit, ce n’est ni mauvais ni bon. Pour
notre part, il s’agit de ne pas se cacher mais pas non plus de nous exhiber, mais de pratiquer
l’anarchisme dans un contexte déterminé. Par exemple, de tous les slogans que quelques copains ont
chantés les premiers jours Plaza del Sol, seul quelque uns ont été repris par d’autres personnes hors
de notre cercle : « Le peuple unis fonctionne sans parti » et « rrrA, anti, anticapitalista ». Pourquoi ?
Non pas parce que ce sont de grands et bons slogans, et non plus parce que ce sont de slogans
ingénieux. Mais nous croyons qu’ils le sont en cet endroit à ce moment car une partie des gens se
sentait touchée, se reconnaissait. Que cela nous plaise ou non, les gens de Sol n’était pas contre la
police, ni contre la destruction de l’état…le travail à faire est de fond. Si nous nous limitons à chanter
ou à proposer dans les assemblée des consignes décontextualisées, ce que nous faisons, c’est tomber
dans la propagande pure et dure, dans le pire sens du mot et donc, nous ne participons plus…
Dans beaucoup d’occasions, on est emporté par l’inertie et au lieu de penser ce que l’on peut et veut
dire, on finit par brailler des choses simpliste comme « la lutte a tout prix », « du nord au sud et de
l’est à l’ouest abattons l’état », « mort à l’état », etc. Un discours un peu hors propos et pour le coup
inefficace. Dans la manif du 15M, le bloc libertaire cria des slogans (bon ou mauvais) critiques sur
tout les thèmes (démocratie, capitalisme, crise, etc.), et des vrai remix du ghetto (liberté pour
Patricia, police assassine), on était retombé dans l’autoréférence, nous nous parlions à nous même…
De faite, à part nous, dans la manif, personne ne savait qui était Patricia… Tout a un moment et un
lieu, et si nous ne savons pas adapter nos discours, ça ne nous aidera pas. Et nous ne croyons pas
qu’adapter le discours c’est le rabaisser, mais il faut le rendre accessible et savoir garder les
technicismes pour ses collègues. Il faut accorder le message, le code, au récepteur. Donner son
opinion « dans notre langue, dans notre dialecte », plein de termes techniques et de jeux de mots,
pratique pour parler entre nous, mais qui génèrent des barrières et des confusions auprès des autres.
4. Quelques objectifs et axes d’actions
Cette proposition de participer depuis la pratique a plusieurs objectifs. Le plus évident étant celui
d’améliorer nos conditions de survie dans ce monde capitaliste. Si certains qualifieront ceci de
réformisme, pour nous il s’agit simplement d’une nécessité. Un autre objectif est d’être capable de
signaler et de déconstruire, durant tout le processus, toutes les contradictions et misères du
capitalisme, de la démocratie et des syndicats, etc. Et ceci sans discours élaborés et préfabriqués,
mais à travers des débats et des réflexions, quelque chose de beaucoup plus compliqué et laborieux
que simplement éditer et distribuer des livres écrits à d’autres moments. Un autre objectif serait
d’étendre une culture de lutte dans la population, d’étendre ce sentiment que des choses peuvent
s’obtenir collectivement par la lutte, les victimes des problèmes trouvant eux-mêmes des solutions,
grâce a la solidarité et l’aide mutuelle, sans faire appel à des professionnels. Un sentiment de
« aujourd’hui pour toi, demain pour moi » afin d’effacer le « chacun pour soi » de la société actuelle.
Enfin, si quelque chose nous est bien apparu clair ses dernières semaines c’est bien que les
anarchistes avons beaucoup à apporter, mais nous avons aussi beaucoup à apprendre, autant des
gens que nous rencontrerons en chemin que des situations auquel nous devrons nous confronter.
Participer à l’assemblée sera l’occasion parfaite de clarifier notre position, notre posture et la
manière de communiquer avec les autres. Et ceci est normal. C’est la meilleure manière de
communiquer avec les autres et de nous rendre compte de nos incohérences. Il s’agira de savoir
expliquer notre position à ceux qui ne la connaissent/comprennent pas.
Nous croyons sincèrement que cela peut être une bonne manière de sortir du piège d’une
intervention uniquement idéologique, qui prétend qu’à long terme devraient s’approuver des
principes et objectifs spécifiquement anarchistes. Des choses que nous avons déjà dites, ne pourront
pas être à l’ordre du jour, que ce soit aujourd’hui ou demain. Nous croyons que cela peut être une
manière de rendre évident et d’éviter les luttes de pouvoirs internes qui auront lieu dans les
assemblées sur des questions de haut niveau (lois, etc.) sans pour autant arrêter de participer à ce
mouvement qui peut aller encore plus loin. Nous mettre dans une guerre épuisante pour que nos
propositions ne soit jamais retenues et pour que nous nous affrontions continuellement et
ouvertement avec tous les gauchistes, citoyens et gens normaux qui veulent seulement un peu de
changement n’en vaut pas la peine. Nous devons être conscient à tout moment d’où nous sommes et
jusqu’où nous pouvons aller. Si nous ne faisons pas ce travail d’analyse et de réflexion
continuellement nous allons nous mettre des battons dans les roues et dégager une forte frustration.
Evidement, en participant au mouvement 15-M, nous allons toujours courir le risque de faire le sale
boulot de la gauche citoyenne. Nous croyons au jour d’aujourd’hui, du point de vue de notre faible
pouvoir de convocation et rassemblement, que ce risque sera toujours présent, dans n’importe
laquelle des mobilisations auxquelles nous participons (grève, conflits anti-développement, etc.)
C’est un risque qui ne peut pas se prévoir, et surement que c’est quelque chose qui, jusqu’à un
certain point, ne peut pas s’éviter. L’unique chose que nous pouvons faire est de rester attentif, ne
pas nous laisser emballer par l’émotion et essayer d’évaluer à quel moment notre participation se
limite à être main d’œuvre des autres. C’est dans ces moments là qu’il faut abandonner le navire.
A parte : Pour finir cette section les auteurs ont vu nécessaire de donner les grandes lignes
thématiques qu’ils estiment prioritaires et comment les traiter. Dans une nécessités d’urgence et
aussi parce qu’elles peuvent relever de l’évidence pour beaucoup de militants anarchistes, elles ont
été réduites à l’essentiel.
Logement : auto organisation pour résister aux expulsions et lutter contre le lobbying immobilier.
Utiliser l’action directe pour mettre la pression aux propriétaires et les succursales bancaires. Rendre
visible les conflits urbains en occupant, en mettant des banderoles aux fenêtres des logements
concernés.
Travail/chômage : Profiter de l’exemple de l’assemblée de la Plaza del Sol pour vraiment parler des
conflits dans le monde du travail, la réalité du chômage. Proposer des aides directes aux salariés
concernés (caisse de grèves) et allez collectivement sur les lieux de travail.
Migration : Essayer d’impliquer les immigrants dans cette luttes où ils sont sous représentés alors
qu’ils sont les premier concernés des mesures sécuritaires. Sensibiliser les gens sur l’existence des
camps de rétentions.
Santé : Essayer d’impliquer les salariés et les « usu-souffrants » de la santé publique dans une lutte
contre la dégradation des services de santé et leur accessibilité. Eviter que les uns s’en prennent aux
autres (« c’est la faute des travailleur qui travaillent peu et cotisent peu », « c’est la faute des vieux
qui nous coûtent cher », etc.)
Genre : Contrer la vague actuelle antiféministe dans la société, et qui est aussi apparue sur les
camps. Lutte générale contre la violence machiste.
Organisation : Essayer d’améliorer le fonctionnement des assemblées, lutter pour une véritable
horizontalité, éviter la formation de groupes de spécialistes avec leurs représentants perpétuels.
Ces thèmes et propositions sont clairement limités, résultats de l’urgence et de notre propre
inexpérience dans ce type de mouvement. Il faut les améliorer, les affiner. Il n’y a pas réellement
d’ordre prioritaire, mais il faut faire un peu de tout, peu à peu, partir de peu pour aller jusqu’au bout
d’une liste qui sera de toute façon questionné/amélioré au fur et à mesure.
5. Assemblées de quartier : proximités et espérances
Dans sa majorité ce texte est écrit avec l’idée qu’il soit sorti avant les assemblées populaires des
quartiers qui ont été appelées le 28 mai, de là l’urgence, la précipitation, et les erreurs qu’il y aura.
L’extension aux quartiers est une extension logique parce que le campement de Sol n’est pas durable
à longue échéance et parce que par ses caractéristiques induisent une participation beaucoup plus
limitée, comme nous l’avons déjà commenté.
En parlant avec de nombreux compagnon-es, nous avons vu que certains d’entre eux ont de l’espoir
avec ces assemblées de quartier. L’idée est « il n’y a plus rien à faire à Sol, allons dans les quartiers. »
Ne nous mentons pas, si le mouvement du 15-M poursuit sa lancée, les quartiers vont être des Sol en
plus petits, avec tous ses bons côtés mais aussi avec tous ses défauts, notamment avec les militants
des partis politiques qui iront à la pêche, les citoyennistes, etc. Dans quelques quartiers et village du
sud de Madrid, de fait, la proportion de militants peut même être plus importante que celle que nous
avons à Sol. Il se peut que le « terrain de jeux » soit plus petit et moins écrasant, mais
l’hétérogénéité, les problèmes, contradictions et conflits vont être les mêmes voire pires.
Nous croyons que les militants gauchistes, comme les personnes qui sont en faveur des quatre
réformes basiques vont essayer de transformer les assemblées populaires en foyers pour faire la
promotion des consignes et revendications pour lesquelles ils se sont battus à Sol. Ils se chargeront
de collecter des signatures et de faire la promotion des mobilisations et d’ajouter des soutiens dans
les quartiers (associations de voisins, de commerçants,...) pour leur stratégie à moyen terme de
mener à bien les changements légaux. Pas beaucoup plus. Il se peut que les citoyennistes essaient de
pousser un peu plus sur des problèmes spécifiques des quartiers, en établissant des liens avec les
associations de voisins qui peuvent, favorisant leur locaux, centres sociaux et bureaux des droits
sociaux où il y en a.
Nous avons dit que nous croyons que cela peut-être une chose intéressante de participer dans ces
assemblées, nous ne nous étendrons pas là-dessus. Nous voulons juste préciser que des thèmes et
propositions n’auront peut être pas les mêmes portées dans tout les quartiers et villages (par
exemples dans certaines zones les arrestations massives d’étrangers sont plus fréquentes que dans
d’autres, le système de santé est pire dans certains endroits.) Il faudra voir ce qui est le plus
important et nécessaire dans chaque cas concret, il n’y a pas de formule magique.
6. Questions tactiques
Le texte va en s’élargissant et nous voulons le refermer par quelques réflexions. Nous essaierons
d’être brefs sur certains aspects que nous avons vus, et que nous continuerons à voir ces prochains
jours.
Violence/non-violence : Comme nous l’avons dit en le décrivant, le rejet de la violence est un point
basique sur lequel repose le mouvement du 15-M. Les précurseurs (démocratie réelle maintenant) se
sont chargés de l’exprimer de la manière la plus dégueulasse possible : se démarquant d’incidents
après la manifestation et signalant à qui ils étaient dus. Ce n’est pas non plus très étrange, vu le
bombardement médiatique sur ce sujet ces dernières années. A travers la police, et des médias
comme la Razon ou Publico qui n’ont guère eu de scrupules à alerter sur les « 400 antisystèmes » qui
ont essayé de contrôler et/ou faire éclater le mouvement. Une semaine plus tard, rien de rien. Il
semble que la grande majorité des anars, nous ayons assumé (avec plus ou moins de problèmes) qu’il
ne se passera rien parce que quelques uns se déclarent non-violent. La violence ou l’auto-défense est
une question qui se posera toujours mais qui est totalement secondaire. Si nous arrêtons de la
considérer comme quelque chose qui peut être utile ou non, bénéfique ou préjudiciable selon les
circonstances et la transformons en quelque chose à laquelle nous ne renonçons pas, nous entrons
dans un cirque ou le 15-M chantera les bienfaits de la violence et sera à l’ouest. Aujourd’hui c’est la
non-violence, un autre jour ce sera autre chose.
Assembléarisme : On entend beaucoup que les assemblées ne sont pas de vraies assemblées, qu’il
n’y a pas d’horizontalité réelle, que quelques-uns essaient de la manipuler, etc. C’est logique parce
que ce sont de vraies assemblées, avec des gens normaux au milieu d’une bataille entre différents
secteurs pour « contrôler » (consciemment ou non) la situation. L’horizontalité, l’égalité, l’efficacité
des assemblées, la communication des assemblées, ce ne sont pas des choses qui viennent de soit
parce que des gens se réunissent sur une place et parlent entre eux. Il faut se battre face aux
manipulateurs, aux politiques et intoxicateurs : il faut construire ça après des années de
démobilisation, de grégarisme et de délégation quotidienne. Si nous n’avons pas ça en tête, nous
sommes aux mains de ceux qui veulent que les assemblées soient les courroies de transmissions se
limitant à approuver ou accepter les propositions cuisinées à la maison.
Lutter contre des monstres : Participer dans des assemblées où des gens sont disposés à faire le
nécessaire (manipuler, mentir, etc.) pour que leurs histoires soit entendue est très compliqué et
frustrant. Tous ceux qui sont passés par ces moments savent que c’est difficile à avaler.
Premièrement parce ce qu’on doit le supporter, deuxièmement parce que tout le monde ne peut pas
le voir. Et si tu lève pour le dénoncer, c’est sur toi que se portent les suspicions. Troisièmement, on
finit par confondre ce qui est de simples erreurs, des essais de manipulations (frôlant la paranoïa).
Enfin, parce que quand tu te rends compte de cela, tu finis par, ou tu as l’impression de devoir, faire
des choses similaires aux leurs. Ces jours-ci nous avons entendu des choses comme « accaparer les
commissions », « prendre les postes de pouvoirs dans les assemblées », « disperser les assemblées,
« faire comme si nous ne nous connaissions pas » et on en passe, de la part de compagnons envers
lesquels nous n’avons aucun doute ou suspicion, et par conséquent envers qui nous n’émettront pas
de jugement. Ces situations sont comme ça, la frustration et la colère contre la manipulation et le fait
de te retrouver le couteau sous la gorge te font dire et faire des choses du même style. Contre cela il
n’y a pas d’autre remède qu’être constamment attentif, faire de l’autocritique et savoir critiquer et
encaisser la critique, sans accusations hystériques ou victimisation stupide. Et aussi assumer que des
fois, on va se salir les mains que nous le voulions ou non. Cela se passe dans les meilleurs des
familles…
« N’ai pas peur, va seulement de l’avant et joue » Ch. Parker : En lien avec ce qui vient d’être dit, il
faut être conscient que participer au 15-M c’est entrer dans un territoire inconnu pour la majeure
partie d’entre nous. Nous assumons le fait que nous allons commettre des erreurs. Les anarchistes, ni
ne sommes, ni ne voulons être parfait, nous avons tout le droit du monde de nous tromper. Nous
résigner d’agir par peur de nous transformer en réformiste, ou pire, que quelqu’un te taxe de
réformiste ou d’avant-gardiste et aussi absurde que de renoncer à penser par peur de se tromper.
Avant-gardisme anarchiste : Deux mots qui juxtaposés peuvent paraîtres contradictoire mais qui ne
le sont pourtant pas. Quelques courants marxistes se considèrent et se vantent d’être avant-
gardistes même si ce n’est pas pour autant qu’on leur prête attention. En tant qu’anarchistes nous
refusons de nous convertir en avant-garde. S’il s’agit d’aller plus vite que le rythme des événements,
nous courrons le risque de nous dissocier de plus en plus des autres jusqu’à rester seuls, loin de la
réalité. Et ce ci ne t’assure pas d’être « en avance », mais par contre il est possible d’avoir pris un
mauvais chemin. Nous ne voulons pas dire aux gens ce qui doit ou qui ne doit pas être fait sur la base
d’une meilleure connaissance de quelconque livre sacré, mais cela n’explique pas qu’en certaines
occasions nous nous croyons meilleur-es que le reste et que nous pensions qu’ils devraient « suivre
notre exemple », et spécialement quand nous participons à ce type de mouvement.
Symbolique et dialectique : Pour que notre participation soit efficace et que nous puissions
construire collectivement quelque chose qui en vaille la peine, il est nécessaire que nous mettions de
côté toute la symbolique, les codes, les mots fétiches et tout le merchandising propre à notre
mouvement-ghetto. Pareil que ce que nous commentions plus haut avec le thème du discours. Ceci
ne signifie pas rabaisser notre discours et manipuler les gens, mais plutôt abandonner les mots
magiques et les idées fortes que l’on à tendance à utiliser. Des concepts comme l’abstention active,
action directe, appui mutuel, révolution, etc., n’ont pas à être compris dès la première fois par des
individus non familiarisés à leurs usages. Il ne sert à rien de s’étiqueter. Il est plus utile d’essayer
d’expliquer dans un langage simple, sans intellectualisme ni technicismes anarchistes. Ceci est
d’ailleurs aussi valable pour l’esthétique de la propagande, qui a tendance à être tant uniforme
qu’elle est éloignée de la majorité de la population. Un exemple clair est le problème que l’on a eu
avec le A cerclé à la Puerta del Sol. Comme aucun symbole ni drapeau n’était permis, des gens de
l’assemblée, à tort ou à raison, ont évoqué que les A cerclés n’avaient pas non plus leur place ici. En
tenant compte que pour les anarchistes le A cerclé n’est pas un signe politique mais son contraire,
certains l’ont très mal pris. D’autres, donnant l’exemple que l’horizontalité et le consensus n’étaient
souvent respecté que quand cela les arrangeaient, ont continué d’utiliser des pancartes et slogans
peints. Dans tous les cas, nous devrions réfléchir si tous ça est notre faute, de ne pas avoir su faire
voir durant toutes ses années que nous ne sommes pas les mêmes que tous les autres, bien que, en
notre faveur il faut dire que la décision de laisser les A en dehors fut discutée. Le sujet, ici, est que le
A cerclé c’est le moins important, l’important sont les messages que nous avons à donner, et si nous
devons arrêter de les porter, cela ne nous affecte pas. Au final, comme disais avec raison un copain
l’autre jour, « nous n’avons rien à vendre ». Pire que l’affaire des A cerclés, ce qui peut par contre
nous faire mal, c’est le cas du féminisme, qui a pu rencontrer certaines oppositions, tant sur les
camps que sur twitter, avec des gestes et des paroles hors de propos.
7. La fin, enfin
Nous terminons enfin faisant une dernière réflexion. Le mouvement 15-M a eu un début et aura une
fin. En étant réalistes et en tenant compte que nous sommes peu nombreux (les anarchistes) et de
notre inexpérience, il est assez probables que nous ne soyons pas déterminants dans le
développement de cette mobilisation. Nous avons un peu de marge et de capacité pour agir en son
sein, afin qu’il ne se limite pas à un mouvement réformiste. L’idée et d’aller un peu plus loin, même si
nous n’avons pas beaucoup d’espoir que ce mouvement change radicalement d’orientation. Si le 15-
M réussit ses objectifs, cela se traduira par une réforme du système démocratique ce qui pourrait
signifier un renforcement temporaire de l’état démocratique. Ceci est le principal motif pour ne pas
rester chez soi. Nous croyons qu’il faut y être car à long terme, notre action peut être bénéfique à
l’anticapitalisme et l’anarchisme.
En premier lieu, nous croyons que le système démocratique et le capital sont comme ils ont, et que
tous les partis, dans le fond, sont similaires. Si le mouvement 15M prospère et réussit à réformer le
système démocratique, en terminant avec le « bipartisme » et la « partitocratie », avec le temps, les
partis minoritaires finiront par rester en évidence, à la traine, parce que le système démocratique et
le capitalisme sont ainsi.
En second lieu, il y a eu chose positive dans tout cela, quoi qu’il se passe. Cela fait un mois que le
sentiment général est « quel merdier tout ça, mais que pouvons-nous faire ? Nous ne pouvons rien
faire, etc. » Aujourd’hui il y a assez de gens qui croient pouvoir changer la loi électorale, et qu’il est
légitime de ne pas écouter ce que dit la Junta electoral quand c’est injuste. Il y a donc une avancée. Si
le mouvement obtient une quelconque réussite en fonctionnant en assemblée, indépendamment du
résultat final, c’est une base à exploiter. En Espagne il ne s’est rien gagné depuis longtemps : L’entrée
dans l’OTAN, rien, le PRESTIGE, rien, la guerre en Irak, rien, les luttes universitaires, rien… De fait,
l’unique sentiment de victoire que des gens ont assumés est quand le PSOE (PS espagnol) a battu le
PP (UMP espagnol et plus à droite encore) après les attentats du 11 mai. Et cela c’est fait en votant !
Ce qui renforça les illusions démocratiques…
En troisième lieu, le mouvement 15M à réussi sortir dans la rue et les pousser à parler collectivement
et publiquement de politique, de problèmes sociaux qui les entourent. Cela faisait longtemps qu’on
ne l’avait pas vu. Même si la majorité des discussions tourne autour de réformes, de changement
minimum, mais comme nous disions auparavant, c’est un début. Cela a ouvert une brèche dans « ne
t’occupe pas de la politique », le « désenchantement » et le « on peut rien faire », les trois petits
cadeaux que le franquisme et la transition démocratique nous ont laissé. Nous critiquons les gens
quand ils restent chez eux, mais quand ils sortent dans la rue nous les critiquons car ils ne
demandent pas la révolution sociale. Ceci n’a pas de sens…
Si quelque chose est obtenu, nous croyons qu’à l’avenir il sera plus facile de convaincre les gens de
descendre dans la rue. Il sera plus facile de remettre en route des assemblées. Nous pouvons espérer
que les grèves soient plus faciles à mettre en place, détruire les plans urbanistiques, etc. Il est donc
bien évident que si les seules réussites s’obtiennent exclusivement à travers de manœuvres
politiques, de votes et de référendums, etc. (chose improbable s’il n’y a pas la pression de la rue),
l’unique chose qui va sortir renforcée, c’est le système démocratique. Là est la question, et c’est la
que nous devons être, nous les anarchistes.
Nous verrons comment termine tout cela, mais le mouvement anarchiste sortira renforcé si ses
pratiques, sa forme d’affronter la réalité et quelques uns de ses points de vue se développent et
prennent racines dans l’idéologie collective. Le mouvement anarchiste sera plus fort si notre
participation dans le mouvement 15M se traduit, après critique, autocritique et analyse publique,
dans de nouvelles expériences collectives. Il est peu probable que nos objectifs à long terme
croissent significativement au niveau social après le 15M, indépendamment des gens que nous
convaincrons quant aux processus de lutte. Cette lutte doit prendre d’autres chemins, par le travail
constant d’ouvrir des locaux, d’éditer du matériel, d’analyser, d’organiser de journées de rencontres,
des débats, etc., qu’en aucun cas nous devrions abandonner seulement pour être dans le 15-M.