PÉKIN, CORRESPONDANT - L’élimination début mai de Ben Laden par les troupes spéciales américaines à Abbottabad, et les frictions que cela a provoquées entre Washington et Islamabad, qui dénonce la violation de l’espace aérien pakistanais, aura contribué à donner encore plus d’éclat à la célébration de l’amitié sino-pakistanaise lors de la visite en Chine du premier ministre pakistanais, Youssouf Raza Gilani, du 17 au 20 mai. Celle-ci a été « testée par le temps » et « résiste à toutes les bourrasques », a plusieurs fois déclaré M. Gilani, tandis que le président chinois, qu’il a rencontré vendredi 20 mai, célébrait le « legs précieux » de l’amitié transmis « de génération en génération ».
Certes, la visite de M. Gilani coïncide avec l’anniversaire des 60 ans de relations diplomatiques entre le Pakistan et la République populaire de Chine. Mais les Chinois ont promis une coopération élargie en matière de lutte anti-terroriste – alors même que des voix s’élèvent à Washington pour revoir à la baisse les subsides allouées au Pakistan pour ses dépenses de sécurité.
AVIONS DE COMBAT
Le Pakistan est une « victime du terrorisme » a rappelé le 18 mai la porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois, louant les « contributions très importantes » et les « grands sacrifices » consentis par le pays dans la lutte anti-terroriste – un langage qui contraste avec les suspicions américaines.
Pékin aurait décidé de fournir à Islamabad en avance sur l’échéancier, quelques 50 avions de combat JF-17 construit en association avec le Pakistan, dont la Chine est le premier fournisseur d’armes. M. Gilani, qui devant le parlement pakistanais, le 9 mai, avait déclaré (zone Abonnés) que la Chine était « une source d’inspiration pour le peuple pakistanais » a invité les industriels chinois à investir davantage dans son pays.
Il a vanté le « grand potentiel de participation des entreprises chinoises dans le secteur de l’énergie au Pakistan ». La Chine a déjà fourni les réacteurs nucléaires de la centrale de Chashma au Penjab (la deuxième tranche est entrée en ligne la semaine dernière) et livrera deux autres réacteurs pour les tranches suivantes.
« POUVOIR DE DÉCOMPOSITION »
Le quotidien pakistanais anglophone The Nation rappelait de son côté qu’il revenait au Pakistan et à la Chine de « regarder de près » ce qui se passe « tout près de leurs frontières » – notamment la « pénétration indienne en Afghanistan » et les efforts conjoints des Américains et des Européens pour « soutenir l’Inde comme un contrepoids à la Chine ».
Ces grandes déclarations présagent-elles d’une évolution majeure dans les relations entre Chine et Pakistan ? En réalité, signale Jean-François Huchet, chercheur au Centre d’études français sur la Chine contemporaine (CEFC) à Hongkong, la relation sino-pakistanaise peut difficilement être plus avancée qu’elle ne l’est aujourd’hui : « c’est une relation capitale pour les deux pays, l’une des plus fortes existantes », dit le chercheur. [1]
Les signaux envoyés par le Pakistan à destination des Etats-Unis font davantage partie d’un jeu, par le biais duquel le Pakistan monnaie « son instabilité et son pouvoir de décomposition ». « En réalité, je ne pense pas qu’ils laisseraient les Chinois aller beaucoup plus loin qu’ils ne le sont aujourd’hui » conclut M. Huchet.
Brice Pedroletti