Des manifestations dans la capitale ougandaise, Kampala, et leur répression par les forces de l’ordre, ont laissé une atmosphère de place Tahrir dans les rues de la ville. Yoweri Museveni, autocrate sexagénaire au pouvoir depuis 25 ans, se retrouve isolé de ces concitoyens qui lui reprochent son inaction face à l’envolée des prix et sa répression violente des gens qui sont sortis dans la rue s’en plaindre.
Trois semaines de manifestations et de répressions ont fait huit morts et plus de 250 blessés, la plupart au cours de la seule journée du vendredi 29 avril à Kampala. Au moins 600 personnes ont été arrêtées ce jour là. Des manifestants ont bloqué des routes avec des pneus brulants et cassant des véhicules, et les forces de l’ordre leur ont tiré dessus avec des balles et du gaz lacrymogènes. L’intensité des manifestations de vendredi étaient la conséquence directe de l’arrestation un jour plutôt de l’opposant Kizza Besigye.
C’est cet éternel challenger de Museveni durant les élections présidentielles de 2001, 2006 et 2011 qui est à l’origine de l’action « walk to work » (allez au travail à pied), dont la première manifestation a eu lieu le 11 avril. Les participants ont laissé leurs voitures chez eux les lundis et jeudis pour protester contre la hausse des prix de l’essence. Cette marche, et les quatre actions « walk to work » qui ont suivi, ont été réprimées à coups de matraque, et quand Besigye a été arrêté jeudi 28 avril et maltraité par les policiers, il est devenu la figure de proue pour les masses dans la rue, et un exemple pour d’autres opposants.
L’inflation tourne autour des 14% en Ouganda avec un PIB par personne de $500. En plus des problèmes économiques, les ougandais se révoltent contre la présidence de l’autocrate Museveni, au pouvoir depuis 1986 et qui a remporté les élections en février 2011 grâce à un financement de 350 millions de dollars provenant du trésor public selon ses détracteurs. Au lieu de subventionner les denrées de base, le gouvernement aurait budgétisé 1.3million de dollars pour l’investiture officielle du président et 740millions pour l’acquisition des avions de chasse. Comme en Tunisie et en Egypte, les gens voient les proches du pouvoir s’enrichir, pendant que le train de vie du peuple se détériore et que les libertés continuent à être violées.
L’opposition ougandaise a refusé, lundi 3 mai, de rencontrer Museveni pour discuter d’une solution possible à la situation. John Ken Lukyamuzi, président d’un groupe de partis d’opposition, a cité l’arrestation et le traitement « brutal » de Kizza Besigye comme raison de la colère populaire. Museveni pourrait partiellement désamorcer la situation à tout moment en baissant les impôts, comme l’a fait le gouvernement du Kenya voisin. Mais, comme l’ont cru Ben Ali et Mubarak avant lui, il se voit toujours en père du peuple qui considère tout mécontentement comme trahison. En attendant, la rue gronde.
FRANÇOIS CONRADIE, CAPE TOWN