Analyser l’évolution de l’oppression des femmes dans la mondialisation est une tâche complexe, dans la mesure où il s’agit d’une forme de domination dont l’existence est bien antérieure non seulement à la mondialisation comme étape la plus récente du capitalisme, mais également au capitalisme lui-même. De plus, en raison des caractéristiques spécifiques de cette oppression, les conséquences que la mondialisation exerce sur elle ne sont pas données d’avance ni unilatérales : elles sont au contraire très diverses selon les situations, et souvent contradictoires. En effet, la mondialisation libérale se traduit par une extension mondiale mais inégale et différenciée, au Nord et au Sud, des rapports capitalistes de production, et les femmes sont aujourd’hui au cœur de ce processus.
Pour bien appréhender cette complexité, il n’est pas inutile de revenir sur ce qui fait la spécificité de l’oppression de genre, et sur ses modalités particulières d’articulation avec le mode de production capitaliste.
Une oppression transversale à tous les rapports sociaux
L’oppression de genre est transversale à toutes les autres formes de domination et d’exploitation dans les sociétés humaines. Elle dépasse en particulier les oppositions de classe et ne peut être réduite à une simple surexploitation des femmes, comme ont trop longtemps tenté de le faire les partis staliniens. Mais elle traverse également, et on verra que cela revêt une importance particulière en ce qui concerne la mondialisation libérale, toutes les réalités sociales collectives (partis politiques, syndicats, associations), ou communautaires (ethniques, nationales, religieuses, locales). Dans chaque groupe social, le groupe des hommes, si opprimé, si exploité soit-il à un titre ou à un autre, a toujours la possibilité d’opprimer le groupe des femmes. De plus, et peut-être surtout, l’oppression de genre est étroitement imbriquée - et apparemment de façon indémêlable - à la sphère du privé, de l’individuel et du quotidien, ce qui rend son identification, la prise de conscience de son existence et a fortiori l’émergence d’un processus collectif d’émancipation, particulièrement difficile. Chaque femme, isolée, renvoyée à sa situation individuelle, commencera par la considérer comme un cas particulier, et les problèmes qu’elle rencontre comme liés à ses carences et limites personnelles. Enfin, cela devrait être une évidence mais on verra également qu’il n’est pas inutile de le rappeler ici, c’est une oppression socialement construite, qui produit une représentation idéologique de différences le plus souvent naturalisées, renvoyées à la sphère biologique.
Par ailleurs, l’oppression de genre, si elle n’est pas apparue avec le capitalisme ni avec la propriété privée des moyens de production, s’est articulée de façon dynamique avec les différentes étapes de celui-ci : le capitalisme impliquant une séparation croissante des producteurs par rapport aux moyens de production, et une séparation des sphères de production des marchandises et de la reproduction de la force de travail, c’est à lui qu’on doit l’invention du « travail domestique » sous la forme qu’on connaît aujourd’hui, avec son assignation prioritaire voire exclusive aux femmes.
C’est donc en tant qu’étape particulière du capitalisme que la mondialisation libérale doit être examinée dans ses relations avec l’oppression de genre.
On caractérisera donc cette étapes par les tendances suivantes :
– tendance à l’unification de la loi de la valeur et mise en concurrence de tous et toutes les salarié(e)s à l’échelle mondiale (et de tous les producteurs en général, notamment les paysans).- extension voire tentative de généralisation du règne de la marchandise.
– disparition ou transformation radicale des anciennes régulations étatiques et nationales.
– extension des rapports de production capitalistes, dont le salariat, sous le mode le plus précarisé et flexible possible : retour à des formes massives d’augmentation de la plus-value absolue.
– financiarisation, (qui comporte à la fois captation accrue de la plus-value vers la fraction rentière du capital, accélération de la vitesse de circulation du capital-argent, et autonomisation relative de la sphère financière).
Cependant, ces évolutions ne sont que tendancielles, et n’aboutissent pas à un phénomène achevé et clos dans lequel les déterminations nationales auraient cessé de jouer leur rôle. Bien au contraire, les différences nationales, régionales, et géographiques en tous genres, perdurent et les firmes multinationales peuvent les utiliser à leur profit, voire les renforcer (qu’il s’agisse des modalités de fonctionnement des marchés du travail, des modes de consommation, des normes sociales, etc.)La mondialisation libérale n’est pas non plus un phénomène automatique et quasiment naturel : elle est mise en œuvre au travers d’une volonté politique, celle des gouvernements qui sont actifs, même s’ils utilisent la mondialisation comme alibi dans leurs déclarations d’impuissance. Les processus passent donc par de nombreuses médiations. Ainsi, l’extension de la flexibilité du travail dans les pays européens a procédé de politiques gouvernementales volontaristes. En France notamment, où la grande majorité des femmes étaient salariées à temps plein l’extension du temps partiel, qui signifie pour elles la fois perte de leur autonomie financière et un renforcement de la répartition traditionnelle des rôles sociaux, a bien résulté depuis le début des années 80 des choix politiques de tous les gouvernements, de droite comme de gauche, à travers tout une série de décrets et de mesures législatives.
Enfin, ces différents niveaux d’évolution sont étroitement articulés entre eux : ils se traduisent globalement par un renforcement du pouvoir du capital à l’échelle mondiale, et par une précarisation, une aggravation des conditions de travail et de vie de l’immense majorité des salarié(e)s, des chômeur(se)s, des petit(e)s producteurs(trice)s agricoles…. à l’échelle mondiale. En même temps, en provoquant, à une allure peut-être jamais rencontrée jusqu’alors dans l’histoire, à la fois l’extension à marche forcée des rapports capitalistes de production mais également le bouleversement des anciennes hiérarchies, notamment dans les pays dominés, le mode de production capitaliste se met lui-même sans cesse en danger et crée potentiellement ses propres fossoyeur(se)s. Ceci est encore plus vrai si on prend en compte la division sexuelle et sociale du travail qui fonde l’oppression de genre : le mode de production capitaliste tire parti de la gratuité de la reproduction de la force de travail pour augmenter le taux de plus-value, donc utilise et renforce l’idéologie de la différence et toutes les discriminations sexistes, mais il a en même temps un besoin vital de disposer d’une armée de réserve, de pouvoir mobiliser à tout moment une force de travail nouvelle et d’étendre massivement la salarisation. La question des conséquences de la mondialisation sur l’oppression des femmes est au cœur de cette contradiction et de cette nature fondamentalement instable du capitalisme.
On peut donc faire, simultanément, les constats suivants :
1) Parce qu’il existe une division sexuelle et sociale du travail, les conséquences de la mondialisation libérale sur les hommes et les femmes ne seront pas les mêmes, que ce soit sur le marché du travail (les femmes se prolétarisant comme un groupe particulier par rapport aux hommes), ou a fortiori dans la sphère de la reproduction de la force de travail.
2) Dans le même temps, on ne peut pas imputer directement à la mondialisation libérale tous les cas d’aggravation de l’oppression des femmes dans le monde aujourd’hui, dont certains ont des causes beaucoup plus complexes et souvent plus anciennes.
3) Enfin, par sa nature même (expansion des rapports de production capitalistes dans le monde), la mondialisation libérale bouleverse et déstabilise les rapports sociaux antérieurs et les formes traditionnelles de domination. On peut affirmer, avec H. Hirata et H. Le Doaré, (1998 : 19) que « la constitution d’un marché du travail flexible, au niveau international, où les femmes occupent une position stratégique par leur insertion tant dans le salariat que dans l’informalité est à l’ordre du jour ».
Cependant il ne s’agit pas d’examiner ces tendances de façon séparée pour faire la liste, dans deux colonnes séparées, des avantages et des inconvénients de la mondialisation pour les femmes ; il faut bien comprendre que c’est dans un même processus contradictoire et dialectique qu’elles se déploient.
Libéralisation et ajustement structurel : des inégalités accrues
La mondialisation libérale - et les politiques économiques qui la relaient - contribue à aggraver la surexploitation et l’oppression des femmes, dans la plupart des situations ; de nombreuses études montrent qu’on assiste dans le monde entier à une féminisation de la pauvreté, qu’il s’agisse des pays industrialisés ou des pays du tiers-monde : au Nord, les femmes forment la majorité des travailleurs pauvres, en situation de sous-emploi, à qui leur salaire ne permet pas de survivre. Cette situation, déjà ancienne dans les pays anglo-saxons, est apparue depuis plusieurs années en France avec l’extension du temps partiel, très majoritairement féminin. Les femmes forment également, à tous les âges et à tous les niveaux de qualification, l’essentiel des chômeurs, phénomène souvent rendu invisible dans les analyses du chômage (Maruani, 1998).
Elles sont également les premières touchées par les stratégies d’ajustement structurel et de libéralisation des économies, et ce à plusieurs titres. Elles le sont comme principales responsables de la reproduction de la force de travail, dont la socialisation partielle est au cœur des attaques : suppression des crèches dans les pays de l’Est, privatisation des écoles et des systèmes de santé au Sud, dégradation et renchérissement de tous les services auparavant publics, comme l’accès à l’eau courante, à l’électricité, aux transports en communs, suppression des subventions aux produits de première nécessité. Les femmes sont les premières à payer toutes ces évolutions d’une dégradation de leurs conditions de vie et d’un alourdissement considérable de leur charge de travail gratuit. Elles subissent aussi les conséquence de leur position subordonnée dans la famille : lorsque dans les pays du tiers-monde l’éducation ou les soins médicaux deviennent payants, ce sont les filles qui sont d’abord retirées de l’école, ou privées de soins et de vaccination.
Elles sont également touchées de par leur place spécifique sur le marché du travail : les coupures dans les dépenses sociales, les licenciements dans le secteur public, l’éducation, la santé, l’administration, suppriment un grand nombre d’emplois qu’elles occupaient. De plus, souvent, la dégradation générale des salaires réels due à l’ajustement structurel, s’est traduite par une aggravation des écarts de salaires entre hommes et femmes, d’autant plus que les firmes multinationales en tirent justement parti.
Elles sont enfin défavorisées de par la discrimination systématique qui pèse sur elles dans l’accès aux moyens de production agricoles : terre, crédit, formation. Le recul des cultures vivrières face aux cultures d’exportation représente pour les femmes une catastrophe pour plusieurs raisons : menace pour la sécurité alimentaire, pour l’accès à la terre (elles sont repoussées par les hommes vers des terres toujours moins fertiles), alourdissement consécutif de leur charge de travail à la fois sur les terres dont elles ont l’usufruit et parfois sur celles de leurs maris, notamment en Afrique subsaharienne (Bisilliat, 1998). D’une manière plus générale, dans toutes les régions rurales du Tiers-Monde, leur position subordonnée dans la division sociale du travail agricole fait que la modernisation capitaliste de l’agriculture se traduit par une dégradation de leur situation, que se soit en terme d’accès à la terre ou à l’emploi, de revenu montant et régularité, de charge de travail et de maîtrise sur celui-ci (Agarwal, 1985).
Enfin, l’extension à l’échelle mondiale des rapports marchands renforce le système prostitutionnel et les trafics d’êtres humains (nouvelles formes d’esclavages), dont les femmes sont bien sûr les premières victimes.
Des évolutions contradictoires
Cependant, le caractère contradictoire des relations entre la mondialisation et l’oppression des femmes apparaît lorsqu’on s’intéresse plus précisément aux économies du Tiers-Monde.
En effet, au-delà de la diversité des sociétés et des situations, on peut faire le constat que les bouleversements entraînés par la mondialisation sont intervenus à la suite de stratégies de développement qui, dans les années 50 à 70, avaient totalement ignoré la place des femmes, notamment dans l’agriculture (tous les projets de formation ou les réformes agraires ne s’adressaient qu’aux « chefs de famille »…). Ces évolutions contribuent également à déstabiliser des structures sociales qui, loin de représenter un état « originel » des sociétés, dans la mesure où elles avaient été largement transformées par la colonisation et refaçonnées par le capitalisme, n’en utilisaient pas moins l’argument de la tradition pour justifier différentes formes de maintien de la subordination des femmes dans la famille, la communauté, le mariage etc. (ex de l’Algérie après l’indépendance, de l’Inde..) A cet égard on ne peut en aucun cas parler de sociétés « précapitalistes » : il s’agit plutôt de rapports sociaux précapitalistes intégrés à la formation sociale capitaliste. On sait que la spécificité historique du mode de production capitaliste est de pénétrer et de détruire les modes de production antérieurs, mais aussi d’en conserver et d’en reproduire des éléments sous des formes altérées pour les besoins de sa reproduction. A cet égard comment agit le capitalisme de la phase néolibérale ?
Presque partout, on constate une augmentation du taux d’activité des femmes depuis trente ans, y compris dans certaines régions du Tiers-Monde où ils étaient traditionnellement faibles comme l’Afrique du Nord, et où le chômage féminin a fait pour la première fois son apparition. Les seules exceptions à cette tendance sont certains pays de l’Est, où la libéralisation a fait des ravages, et l’Afrique subsaharienne, où les taux d’activité étaient très élevés surtout dans l’agriculture, et les taux de salarisation très faibles, et où les PAS ont eu sur l’activité agricole des femmes les conséquences qu’on a vu plus haut. Plusieurs études, notamment celle réalisée par le Gedisst sur les « paradoxes de la mondialisation » ont pu constater une augmentation des opportunités d’emplois salariés (industriels) qualifiés pour les femmes dans certains pays d’Asie ou d’Amérique latine. (Hirata, Le Doare, 1998 : 10-11), en lien avec les flux d’investissements directs étrangers dans les industries orientées vers l’exportation Mais « cette nouvelle réalité est contradictoire « : même dans les emplois liés aux nouvelles technologies (informatique, électronique) et qui ne se limitent pas aux activités d’assemblage, « les femmes se voient confier les pires services de l’entretien. ». La libéralisation commerciale dans différents pays, notamment en Amérique latine, a provoqué la faillite de nombreuses industries qui étaient auparavant protégées par les barrières douanières et qui employaient surtout des hommes, alors même que les industries de main d’œuvre pour l’exportation ont d’abord embauché des femmes. Les salariées dans ces industries cumulent tous les aspects de la pire surexploitation : absence de droit du travail et de liberté syndicale, horaires très lourds et flexibles, conditions de travail insalubres et souvent dangereuses, sans compter les violences sexistes, le harcèlement, les contrôles exercés sur leur vie privée…
La mondialisation suscite donc de « nouvelles opportunités et nouvelles expériences, mas aussi émergence de facteurs porteurs de risques et de problèmes. Ce caractère contradictoire de l’impact des mutations productives actuelles sur le travail féminin semble un des traits communs à un grand nombre de régions du monde » (Gedisst). En effet, « l’analyse des emplois féminins créés dans un contexte de flexibilisation du travail montre qu’en Asie, en Europe et en Amérique latine, ces emplois semblent, en grande majorité, marchés du sceau de l’instabilité et de la vulnérabilité ».
On observe de la même façon des effets contradictoires de l’extension des droits de propriété individuelle pour la terre (Afrique, Mexique avec réforme de l’ejido). En effet, cette évolution, dont on a vu plus haut les conséquences globalement négatives, remet parfois en cause et rend contingents certains droits propres des femmes qui étaient garantis par la coutume, mais toujours subordonnés au bon vouloir des hommes ou des autorités masculines communautaires.
On retrouve le même aspect contradictoire dans les situations de crise économique et sociale : ainsi une étude des conséquences de la crise asiatique de 1997-98 aux Philippines (Lim, 2000) montre que celle-ci s’est traduite par un appauvrissement général de la population, un alourdissement des heures de travail payé et non payé des femmes supérieur à celui des hommes et une augmentation du nombre de femmes travaillant dans le secteur informel ; mais également une augmentation du chômage des hommes plus rapide que celui des femmes, et une diminution de l’écart entre les deux chiffres, en raison même de la ségrégation sur le marché du travail qui surreprésente les femmes dans le secteur informel et les emplois de service ou de commerce, moins touchés par la crise.
Conséquence : évolution contradictoire du statut des femmes par rapport à la famille et apparition de potentialités de luttes
En même temps, la croissance de l’emploi des femmes s’avère très fragile et réversible, justement dans la mesure où on a affaire à un mode d’accumulation du capital industriel extraverti et instable, susceptible de n’entraîner aucun développement véritable pour l’économie du pays et soumis aux aléas du capital transnational. : parfois au contraire les femmes sont les premières à subir dans leurs emplois un retournement de la croissance. L’industrie de la confection aux Philippines a ainsi subi les conséquences de la suppression des quotas par l’OMC ; dans bien des cas d’évolution des industries d’exportations, notamment électronique, conduit à une éviction des femmes : ces industries deviennent plus intensives en capital et en technologie, et commencent à embaucher de préférence des hommes (Mexique, Philippines…).
Enfin dans bien des cas le capital transnational tirent partie des traditions : c’est ce qu’on observe avec le développement croissant, ces dernières années, de la sous-traitance qui développe le travail à domicile, ce qui présente pour la domination patriarcale le double avantage de permettre aux femmes d’assumer simultanément « leurs » tâches ménagères et éducatives en l’absence de crèches ou de garderies ou même d’écoles, et dans les pays où existe une tradition d’enfermement, comme en Asie du Sud, de concilier ordre capitaliste et ordre patriarcal chargé lui-même d’assurer la discipline industrielle. L’extension des relations marchandes peut aussi contribuer à renforcer des formes d’oppression liées à la religion ou la tradition, comme la dot en Inde.
Des potentialités de luttes
En dépit de tout cela, les éléments d’instabilité introduits par la mondialisation peuvent contribuer à faire évoluer le statut des femmes dans le famille, même si c’est de façon relativement limitée. De nombreux exemples montrent que c’est le cas en Amérique latine lorsqu’elles sont les seules dans un ménage à conserver un travail rémunéré. En Inde, l’expansion de l’industrie de la chaussure dans une ville du Tamil Nadu depuis les années 1980, avec le recrutement d’une main d’œuvre féminine jeune importante, conduit à un ensemble de bouleversement par rapport aux traditions : mixité au travail et brassage social qui remet en cause la division en castes, liberté plus grande de circulation dans l’espace public pour les jeunes filles qui parviennent ainsi à modifier leur rôle et leur position dans l’unité domestique et à retarder l’âge de leur mariage, voire à ne plus le considérer comme un avenir inéluctable (Venou, 1999).
Mais surtout, l’entrée massive des femmes dans le salariat, même flexible, même précaire, et plus généralement dans activité économique rémunérée hors de l’espace domestique, leur ouvre, dans ces conditions, extrêmement difficile, la possibilité de commencent à s’organiser, à faire reconnaître leurs droits comme femmes travailleuses. Ainsi, alors même que les firmes multinationales comptent sur l’extension de la sous-traitance et du travail à domicile pour intensifier la surexploitation des travailleuses, en Inde depuis le début des années 1970 l’Association des travailleuses indépendantes (SEWA) s’efforce de les organiser et de leur faire reconnaître le stat de salariées (Verschuur, 2000). Dans les maquiladoras mexicaines, les salariées participent à la lutte pour un syndicalisme indépendant. (Valadez, 1998).
Conclusion
Deux écueils sont donc à éviter pour appréhender correctement l’évolution de l’oppression des femmes dans la mondialisation : d’un côté voir dans les effets de la mondialisation une sorte de progrès linéaire et inconditionnel pour les femmes ; c’est ce que fait la Banque mondiale qui, instrumentalise la perspective de genre dans une optique libérale et individualiste (la mondialisation offrant davantage d’opportunité à l’individu) - tout en continuant à compter sur le travail gratuit des femmes pour adoucir les effets les plus brutaux de l’ajustement structurel. D’un autre côté, au nom de la lutte contre l’impérialisme et la marchandisation du monde, envisager avec nostalgie des sociétés traditionnelles mythifiées, en occultant leur dimension fondamentalement oppressive pour les femmes. Pour sortir de ce dilemme, il est indispensable d’envisager les luttes des femmes comme partie prenante à tous les niveaux des luttes contre la mondialisation libérale.
Bibliographie
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Disponible sur ESSF : Féminix, oppression des femmes et féminisme – Document 1 – « L’oppression des femmes et la lutte pour leur émancipation »
Cahiers du féminisme : toute la collection….