Un nouveau séisme ravive le cauchemar du 11 mars au Japon
OTSUCHI (JAPON), ENVOYÉ SPÉCIAL - « C’est le retour du cauchemar… » En pyjama, le patron de l’auberge est sorti en trombe de sa chambre. Il est un peu avant minuit et la maison de bois s’est mise à trembler de toutes ses parois. Il y a d’abord eu un bruit sourd – « le grondement de la terre », dit-on ici. Puis les vibrations ont monté en puissance, pour atteindre une magnitude de 7,1. C’est la plus forte réplique depuis le séisme du vendredi 11 mars. Mais cette fois-ci pas de vague géante, pas de tsunami.
A Otsuchi (15 000 habitants), une ville au bord de la mer dans la préfecture d’Iwate, ce nouveau tremblement de terre a provoqué l’effroi parmi les sinistrés. Otsuchi a été l’une des villes les plus ravagées par le tremblement de terre du 11 mars.
Il ne reste rien, que des décombres et des ruines de débris. On compte 600 morts et plus d’un millier de disparus. Et 9 000 personnes ont été évacuées. « C’était comme le 11 mars et on s’est précipité pour évacuer », dit cette mère de famille sinistrée qui vit dans un centre d’accueil de Shiroyama sur une colline qui surplombe la ville.
Du cimetière un peu en contrebas mais suffisamment haut pour ne pas être touché par les vagues s’offre un paysage de désolation. Une jeune femme assise sur l’escalier fume une cigarette en pleurant silencieusement. « Ma famille est quelque part là-bas », dit-elle en montrant la ville qui n’est plus.
Après la réplique, certains sont partis en hâte, en pleine nuit. Sur les routes, on pouvait voir des centaines de phares de voiture briller. Pour aller où ? Quelque part, plus en hauteur.
« JAMAIS ON AURA DE RÉPIT »
D’autres restent stoïques. Comme ce vieux couple affairé, près d’un tuyau dans les ruines d’où coule de l’eau douce sans discontinuer. Ils font leur lessive. « Nous sommes habitués aux secousses mais, cette fois, elle a été très forte », dit l’homme. « On a pensé : encore une fois. Jamais on n’aura de répit… » « La maison ? Emportée le 11 mars. Elle était là-bas. » La préoccupation immédiate de tous ? L’avenir, s’il en existe un. « Que va-t-on devenir ? On n’a plus rien, ni maison, ni bateau pour mon mari qui était pêcheur », dit une femme en pleurs.
Par sa force, cette nouvelle réplique a rappelé que rien n’est fini et que la terre gronde toujours, faisant tomber d’un cran l’espoir que peu à peu les sinistrés construisaient. La plupart pensent à refaire leur vie. « Ici » pour certains, « loin de la mer » pour d’autres. Tous s’efforcent de trouver un équilibre. « Mourir, finalement c’est quoi ? Moi j’ai survécu, lui est mort. Personne ne peut critiquer le destin. Mais pourquoi lui et pas moi ? », s’interroge le vieil homme en continuant à essorer son linge.
Frêle et pâle dans son survêtement trop grand, Kayo Iwama, 73 ans, a tout perdu. De sa maison, il ne reste qu’une plaque de béton. Le 11 mars elle était chez elle. « J’ai senti que quelque chose de terrible allait se produire », raconte-t-elle. Elle a enfourché son vélo et a pédalé de toutes ses forces : « C’était comme dans un film d’horreur, la vague était juste derrière moi. » Et l’a engloutie. Pendant trois heures, elle a surnagé, et a été sauvée.
D’un belvédère dominant la majestueuse baie au fond de laquelle se nichait une vue qui n’est plus, un couple d’amoureux solitaire s’étreint. La vie repart, envers et contre tout…
Philippe Pons
* Article paru dans le Monde, édition du 09.04.11. 08.04.11 | 12h41 • Mis à jour le 08.04.11 | 14h19.
Fort séisme au large des côtes nord-est du Japon, alerte au tsunami
Un fort séisme de magnitude 7,1 sur l’échelle de Richter s’est produit, jeudi 7 avril, à cinquante kilomètres des côtes nord-est du Japon, selon l’USGS (Institut américain de surveillance géologique). Cette forte secousse, qui survient près d’un mois après le séisme qui a dévasté le nord-est de l’île, peut provoquer un nouveau tsunami, a mis en garde l’Agence. Selon l’USGS, le séisme s’est produit à 25,6 kilomètres de profondeur. Il a été ressenti jusqu’à Tokyo, à 400 kilomètres au sud, où les immeubles et les maisons ont tremblé pendant des dizaines de secondes.
Des vagues pouvant atteindre 2 mètres de haut sont attendues sur les côtes de la région, selon les autorités japonaises. Selon l’Agence météorologique, les personnes habitant le long des côtes de la préfecture de Miyagi doivent se réfugier dans des endroits plus élevés. Le séisme du 11 mars, d’une magnitude 9, avait provoqué un tsunami d’au moins 10 mètres. Près de 28 000 personnes sont mortes ou portées disparues.
LES CENTRALES DE FUKUSHIMA ÉPARGNÉES
Les autorités japonaises ont immédiatement déclaré que les deux centrales nucléaires de Fukushima, qui se trouvent dans la région, n’ont pas été touchées par le tremblement de terre. Cependant, les techniciens du gérant Tepco, qui étaient sur place pour tenter d’empêcher une fusion du cœur des réacteurs et une catastrophe nucléaire dans la centrale de Fukushima 1, ont été évacués.
Près de quatre semaines après avoir été atteinte par le tremblement de terre et le tsunami qui l’a suivi, la centrale Fukushima 1 suscite encore de très grandes inquiétudes. Des volutes de fumée blanche, probablement de la vapeur d’eau radioactive, continuent de s’échapper de trois des quatre réacteurs accidentés. Les barres de combustible dans le cœur du réacteur et dans les piscines de refroidissement doivent être arrosées jour et nuit à l’aide de pompes de secours, en attendant que l’alimentation électrique et les circuits de refroidissement soient rétablis.
Jeudi, le gérant Tepco a été contraint d’injecter de l’azote pour éviter une explosion dans un des réacteurs endommagés et empêcher une aggravation de l’accident nucléaire le plus important depuis Tchernobyl. Auparavant, près de 11 500 tonnes d’eau faiblement radioactive avaient été rejetées dans la mer, selon Tepco. Cette eau polluée contient notamment de l’iode 131, dont la radioactivité se réduit de moitié tous les huit jours, et surtout du césium 137, qui lui reste actif pendant des décennies.