Brûlures, attaques de la moelle osseuse... les impacts sanitaires de la contamination
Citant des sources officielles japonaises, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) indiquait, dimanche 27 mars, que deux techniciens qui sont intervenus à la centrale de Fukushima souffraient d’une contamination cutanée « significative » au niveau des jambes. Trois jours plus tôt, équipés de simples bottines en plastique, ces deux hommes, accompagnés d’un troisième, avaient pataugé dans une eau fortement contaminée.
Ils auraient subi, au niveau des jambes, une exposition située entre 2 et 6 sieverts - en deçà du seuil des brûlures radiologiques -, selon les examens médicaux pratiqués à l’Institut national des sciences radiologiques de la préfecture de Chiba. « Bien que l’état des patients ne nécessite pas de traitement, les médecins ont décidé de les garder à l’hôpital au cours des prochains jours », précise l’AIEA.
Deux types d’accident peuvent survenir lors de fuites radioactives : l’irradiation et la contamination. « L’irradiation se produit lorsque la source est située à distance du corps, de la même manière que nous sommes exposés aux rayons ultraviolets du Soleil », explique le docteur Patrick Gourmelon, chef du département de protection de la santé de l’homme à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
« La contamination est externe quand des radionucléides se collent sur la peau, sous forme de particules. Si ces dernières restent trop longtemps, elles peuvent brûler la peau et devenir internes. Les radionucléides peuvent aussi être absorbés, soit en raison d’une blessure leur permettant de franchir la barrière cutanée, soit en étant inhalés, passant ensuite dans les bronches et l’intestin », ajoute-t-il.
Deux produits efficaces
Le scénario le plus redouté dans ce cas est celui d’un syndrome aigu d’irradiation. Il apparaît systématiquement au-delà d’un seuil de dose de radiations reçue. Il est calculé en grays (Gy), qui est l’unité de dose d’énergie absorbée par kilo de matière vivante. Un Gy est égal à 1 sievert, mais « il s’agit d’une dose physique effectivement reçue alors que le sievert évalue l’impact biologique d’une dose », précise Patrick Gourmelon. Lorsqu’une personne est exposée à une dose dépassant 1 Gy, sa moelle osseuse est atteinte. Cela peut entraîner une aplasie, c’est-à-dire la mort des cellules sanguines produites dans la moelle, à commencer par les lymphocytes.
L’importance de l’aplasie est fonction de la dose : « Une dose de 5 à 6 Gy provoque une aplasie mortelle, rapporte Patrick Gourmelon, mais comme une partie du corps peut avoir été moins exposée, il existe des moyens thérapeutiques qui font repartir la production de cellules sanguines par la moelle osseuse. C’est ainsi qu’en collaboration avec l’équipe de l’hôpital d’instruction des armées Percy, à Clamart, nous avons sauvé un patient belge qui avait reçu une dose de 5 Gy. »
Si la dose dépasse 5 ou 6 Gy, un syndrome gastro-intestinal se développe, avec une atteinte des cellules souches présentes dans la muqueuse intestinale. A 8 Gy, les complications pulmonaires apparaissent et à partir de 10 à 12 Gy, la mort est inéluctable.
Si les trois hommes en observation à l’Institut national des sciences radiologiques de la préfecture de Chiba étaient victimes d’une contamination interne importante, ils auraient besoin d’un traitement médical avec des « décorporants » afin d’éliminer les éléments radioactifs. Les décorporants agissent en formant un complexe avec l’élément radioactif, permettant son élimination par les voies naturelles.
« Parmi les différents produits proposés, deux sont efficaces : l’un est le DTPA, injectable par voie intraveineuse, qui piège principalement l’américium et le plutonium dans le sang et les élimine dans les urines ; l’autre, le bleu de Prusse, fait de même avec le césium, alors excrété dans les selles. Mais ce décorporant ne parvient à épurer qu’un tiers du césium qui a pénétré dans le corps », détaille Patrick Gourmelon. Les décorporants ne sont pas utilisés, comme l’iode, auprès des populations, mais chez des intervenants fortement contaminés, présentant donc un risque majeur de cancer, nuance le spécialiste.
Paul Benkimoun