A la différence de la France, le Japon n’est pas une puissance atomique militaire ; sa population a subi dans sa chair le feu des bombes d’Hiroshima et de Nagasaki, les plus graves des crimes de guerre. Cependant, dans le domaine « civil », elle a été comme en France victime d’un « consensus nucléaire » des élites qui a marginalisé toute critique et interdit tout choix démocratique. Elle se retrouve comme nous otage de la nucléocratie.
Tchernobyl avait montré, en 1986, ce qui se passait quand un État nucléaire entrait en crise. Fukushima montre aujourd’hui où conduisent les mille petits et grands mensonges de la gestion du nucléaire le jour où l’événement inattendu se produit. Or, tout État entre un jour ou l’autre en crise ; et l’imprévu est inévitable. Si nous n’y mettons le holà, Tchernobyl et Fukushima sont notre avenir.
Face à l’épreuve, la solidarité internationale est celle d’un combat commun contre un danger commun, pour briser ensemble le « consensus nucléaire » des élites, pour sortir ensemble du nucléaire. C’est ce sur quoi concluent nos camarades japonais dans un appel dont nous reproduisons ci-dessous des extraits.
Les populations des zones sinistrées par le tremblement de terre, le tsunami et la catastrophe de Fukushima se retrouvent par millions dans des conditions extrêmement précaires. En cela aussi, elles ont besoin de notre appui. D’importantes ONG en France ont décrété qu’il n’était pas utile de collecter des fonds de solidarité, le Japon étant un pays riche. L’aide financière ne se justifierait alors que pour pallier un État défaillant du tiers monde. Elles n’ont apparemment tiré aucune leçon du drame social de la Nouvelles Orléans frappée par l’ouragan Katrina en 2005. Même dans les pays « développés », les plus démunis sont les moins bien secourus, les travailleurs doivent payer la facture de la crise. Qui peut en priorité quitter les zones à risque, recevoir du carburant ou des médicaments ? Qui retrouvera demain un emploi parmi celles et ceux dont les entreprises ont été détruites – et à quelles conditions ?
Nous voulons apporter un peu d’aide matérielle de plus dans une situation où les besoins sont immenses. Nous voulons que cette aide aille en priorité à « celles et ceux d’en bas ». Nous voulons ce faisant contribuer à renforcer les mouvements sociaux militants, pour qu’ils puissent être les acteurs de la sortie de crise et défendre les intérêts des sans-pouvoirs à l’heure de la reconstruction. Nous voulons ainsi lier l’action dans l’urgence à l’action dans la durée, le combat humanitaire au combat social.
C’est dans cette optique que l’association Europe solidaire sans frontières a lancé un appel international à la solidarité financière. ESSF a des liens avec divers groupes au Japon. Pour l’heure, l’argent collecté sera envoyé en priorité à une coordination syndicale indépendante active dans la région de Miyagi/Sendai et de Fukushima, particulièrement sinistrée : le Zenrokyo (Conseil national des syndicats). Ce centre syndical a notamment noué, en France, des rapports avec Solidaires (en particulier avec Sud-PTT). Nous souhaitons collaborer avec d’autres initiatives engagées dans le même type de démarche, avec Via Campesina ou Attac, par exemple.
Pierre Rousset, Danielle Sabai
Un appel reçu du Japon (extraits)
« Le 11 mars 2011, à 14h30 (JST), la vaste zone du Japon oriental comprenant les région du Nord-Est et de Kanto a été frappée par un tremblement de terre extrêmement violent, d’une magnitude 9. Ce séisme a donné naissance à un très puissant tsunami qui a dévasté de nombreuses agglomérations le long de la côte pacifique […].
[Les] réacteurs de la centrale de Fukushima No. 1 – symbole du Japon comme « grande nation et puisance nucléaire » – appartenant à l’entreprise Tokyo Electric Power Co. (TEPCO), ont été endommagés et fragilisés. [Des] situations terribles se sont succédée, tels qu’explosions de gaz, incendies de bâtiments d’habitation, fonte du noyau de réacteurs, fuites de radiation et épanchements. Le risque d’assister à une catastrophe de type Tchernobyl semble devenir de plus en plus possible. Les résidents ont déjà reçu l’ordre d’évacuation dans un périmètre de 30 km autour de la centrale.
Dans ce Japon capitaliste riche et développé, il y avait des chômeurs et travailleurs précaires en nombre croissant. Les inégalités sociales se creusaient entre riches et pauvres. Les communautés rurales d’agriculteurs et de pêcheurs se désintégraient. Les politiques néolibérales du capital détruisaient les protections sociales. Ce sont aujourd’hui les secteurs sociaux victimes de ces évolutions qui sont les plus frappés par le tremblement de terre et le tsunami. […]
Dans la zone de Miyagi et Fukushima […], nos camarades et leurs co-travailleurs syndicalistes ont déjà commencé à agir en aide aux populations souffrantes, pour défendre leurs vies et leurs droits sociaux. La priorité la plus pressante et de procurer nourriture, carburant et abris pour les victimes et d’assurer un emplois à celles qui ont perdu leurs lieux de travail. Nos camarades et leurs collègues s’engagent pour initier et étendre des initiatives populaires et autonomes au sein des masses laborieuses et les résidents locaux, toujours par leur auto-activité.
Nous appelons tous nos camarades et amis internationaux à apporter leur solidarité financière [à ces] activités […].
De plus, nous en appelons à nos camarades et amis dans le monde à se mobiliser contre le nucléaire. […] Intensifiez s’il vous plaît les campagnes globales pour s’opposer à l’énergie nucléaire […]. Vos succès en ce domaine apporteront certainement un encouragement aux Japonais en souffrance et aux personnes évacuées, ainsi qu’à la résistance des travailleurs et des masses populaires ici.
Avec nos remerciements pour vos encouragements et pour la solidarité que vous avez manifestez à notre égard. »
17 mars 2011,
Ligue communiste révolutionnaire du Japon (JRCL),
Conseil national des travailleurs internationalistes (NCIW)
* Le texte complet des appels à la solidarité sont sur le site d’ESSF (articles 20666 et 20746) :
Japon : un appel urgent à la solidarité financière
Appel à la solidarité financière envers les victimes et personnes déplacées à la suite du pire tremblement de terre/tsunami dans le nord-est du Japon et de la catastrophe nucléaire de Fukushima
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