Salut,
Voici ma réaction à ton Phénix. Cela n’a pas du tout l’ambition d’être un texte répondant à un autre texte, simplement une réaction sur quelques points. Evidemment, il y a (grosso modo) accord avec ce qui n’est pas évoqué. Pendant que le monde s’effondre, le débat continue entre gens sérieux.
Page 1. A mes yeux, ce qui a fait faillite, c’est un modèle qui a mis deux siècles à s’élaborer (c’est-à-dire un modèle dont le point de départ est 89), c’est donc bien plus que le modèle d’Octobre. D’ailleurs, le modèle d’Octobre n’est pas seulement celui de l’insurrection, mais aussi de ce qui a suivi. Or, ce qui a suivi n’a pas été totalement inventé « chemin faisant » : il y avait de grandes lignes directrices déjà données par la tradition marxiste (par exemple la dictature du prolétariat, le silence sur les droits de l’homme, les illusions sur l’abolition des rapports marchands, les hésitations sur le traitement de la petite production, etc.). On recommence par le milieu, peut-être, mais beaucoup de choses sont à reprendre à zéro.
Page 1. En note, est évoquée une « période de recul de l’engagement dans les partis », mais sans développer, et sans rajouter ce constat aux raisons qui expliquent les difficultés de lancement du NPA. Or, il y a là à mon avis quelque chose de fondamental. D’une part, on n’a toujours pas inventé quelque chose d’autre que les partis pour concourir à la formation du pouvoir politique. De l’autre, le même mot (« partis ») recouvre désormais une réalité très différente. Sans doute les partis concourent-ils toujours à la constitution du pouvoir politique (donc, un mouvement de bas en haut), mais en réalité ils sont de plus en plus des prolongements de l’appareil d’Etat (donc, au contraire, un mouvement de haut en bas). Ils le sont : de par leurs modalités de financement ; de par l’insertion de plus en plus massive de leurs membres dans les institutions (locales, départementales, régionales, nationales) ; de par la présence d’une alternance mais l’absence d’alternative au sein de l’aire du pouvoir, ce qui confirme que le pouvoir appartient toujours aux mêmes, lesquels se contentent de se refiler le jouet, donc qu’au fond, il y a identité entre appareil d’Etat et forces politiques. A gauche, le NPA est le seul parti militant. Le PG l’est aussi, mais pour combien de temps ? Quant au PC, il l’est encore, mais c’est parce qu’il a de beaux restes.
Page 2. Entre le PS et le NPA, dis-tu, il y avait des forces, mais elles étaient sans projet. Pas d’accord. Fondamentalement le projet du PG (ou du FG) est le même que celui du PC. C’est-à-dire marcher sur les deux jambes : une à l’extérieur du champ institutionnel, donc dans le champ des luttes, des revendications, de la radicalité (et donc celui de la critique véhémente du PS) ; l’autre dans le champ institutionnel, celui des élections et donc de la subordination au PS. Il s’agit de maîtriser l’articulation entre les deux : utiliser le champ institutionnel pour fournir des points d’appui aux luttes mais surtout utiliser les luttes, la radicalité, etc., pour « tirer à gauche » le champ institutionnel et en particulier le PS. Cette tactique a eu avec le PC le succès que l’on sait. C’est pourquoi l’insensibilité du PS à la crise m’a tellement frappé : on peut y aller tant qu’on voudra, pas question qu’ils changent de position sur le social-libéralisme. Conclusion : ce qui manquait à ces forces intermédiaires entre PS et NPA, ce n’était pas un projet, mais un leader. Tant il est vrai que, sous la Ve, un projet n’existe que s’il est porté par un candidat crédible à la présidentielle.
Page 3. « A l’archéo-sectaro-gauchisme des dirigeants (même s’il n’en est pas de même, et de loin, pour tous ceux qui l’ont choisie) fait écho chez beaucoup des votants pour eux un déracinement politico-social, où la logorrhée révolutionnariste est inversement proportionnelle à la pratique effective ». C’est là une critique qui quitte le terrain politique pour mettre en cause des comportements personnels, elle est inutilement blessante, ne peut satisfaire que son auteur, sans convaincre personne.
Page 4. Oui l’ébranlement que représentent les révolutions arabes est de portée historique. Mais peut-il entraîner des changements qualitatifs en France et, plus largement, en Europe ? Je ne le crois pas. En Europe, l’impact de ces révolutions est de montrer qu’au bout du compte les puissants ne l’emportent pas, que ce sont les peuples qui décident. Mais on sent bien que ce qui est à l’ordre du jour dans ces pays, c’est une révolution démocratique (bourgeoise) et non la sociale, même si la révolution purement démocratique a de très importantes retombées dans le champ social.
Page 5. Sur le plan politique, il faut, nous dit-on « passer correctement le cap de la présidentielle, avec une candidature anticapitaliste totalement indépendante du PS comme des alliances gouvernementales et parlementaires avec lui ». Peut-être n’est-il pas trop tard pour mener dans la gauche la bataille de la présidentielle, avant d’annoncer une candidature ?
Isaac Johsua