Je ne crois pas que les religions soient de bonnes choses, mais il y a évidemment de bonnes gens chez les croyant/es. Le problème des religions c’est qu’elles ne sont pas laïques, évidemment, autrement dit qu’elles ont tendance à vouloir universaliser donc à imposer universellement, ce qui est inadmissible, leurs valeurs et présupposés. Ainsi lorsque le Vatican prohibe l’avortement, il ne le fait pas au nom de la foi des sien/nes, mais au nom du dessein divin. A partir de là, il ne s’agit plus pour les catholiques romains de s’appliquer à eux(elles)même, seulement, cette prohibition mais à tout le monde, de gré ou de force, majoritaires ou minoritaires,. Ainsi protestants, agnostiques, athées et autres ne devraitnpas, elles, eux, qui en veulent, disposer de cette liberté. Lorsqu’il prohibe le mariage civil entre homosexuels (qui ont droit au conformisme après tout) il en va de même, alors qu’il devrait s’en tenir au mariage religieux qui le regarde effectivement depuis son instauration par le concile de Trente.
Le NPA vient de se déchirer autour de la question du voile, hidjab et autres parures religieuses en l’occurrence musulmanes, hélas instrumentalisée par de petites ambitions personnelles et des théorisations politiques discutables qui voudrait voir dans l’Islam, en bloc ?, la religion des opprimés. Passons.
Que des personnes religieuses choisissent l’engagement n’est pas nouveau. Anticapitaliste voire carrément révolutionnaire non plus. Tant mieux. Les voies de l’anticapitalisme sont, elles aussi, insondables et si l’on attend que les 80% de la population mondiale qui se réclament d’une spiritualité deviennent athées, pour changer radicalement le monde, on n’est pas sorti de l’auberge. Ceci dit ce n’est pas si simple car dans ces 80% il y a un peu plus d’une moitié de femmes qui, en cas de changement, ont tendance à le réclamer pour elles aussi... ce que les prêtres, imams, pasteurs, rabbins et autres sages indouistes et bouddhistes, les pères, frères et maris, ne voient pas forcément d’un bon œil. Sans parler de la liberté sexuelle qui vient titiller la fougueuse jeunesse, ni omettre les lesbiennes, gais, transexuel/les et autres bi qui mêlent leur discordance au concert des changements.
Bon.
Qu’à l’occasion une travailleuse en lutte, connue pour son engagement syndical ou associatif, anticapitaliste reconnue soit amenée à porter et son voile et les couleurs de son parti, pourquoi pas, tant qu’on voit d’abord et surtout l’engagement, et dans cette concommittence une exception laïque. Ce qui n’a rien à voir avec l’instrumentamlisation d’une religion pour les besoins d’une cause politique (ou l’inverse !). Ni l’apposition sans autre sur une affiche politique d’une appartenance religieuse. Il semble que le NPA aie choisi d’opter pour cette exceptionnalité : lorsque la militance supplante le signe. Il en serait de même pour un pasteur par exemple engagé dans la défense des sans papiers ou un curé syndicaliste actif. Bref.
Il faut quand même convenir que ce voile ou ces fonctions n’ont pas, quoi qu’en disent les intéressé/es, un sens univoque : spirituel. La question de l’émancipation humaine y est quelque peu malmenée. Par exemple, les un/es et les autres vous dirons avec ferveur qu’ils ont trouvé leur liberté dans leur soumission à leur dieu. Ce qui, quand même, est une singulière conception de la liberté. Une sorte de prosélytisme de la soumission..? En vous chantant la gloire de leur liberté par soumission à un dieu, ils vous disent quelque chose sur la liberté et la soumission pour le moins... équivoque.
De plus leur foi en un « dessein divin » a quelque conséquence en matière de construction de soi donc d’éducation, de représentations diffusées : Dieu a voulu l’homme et la femme avec tout ce que cela peut entendre de ségrégatif et d’injonctions. Les rôles sexués (sexistes ?), le mariage, la fidélité, le couple, la procréation, la démonisation/sacralisation (fétichisation) du sexe (avec le renfort laïc de la psychanalyse)....
Le voile qu’on veut nous présenter comme acte spirituel, renvoie aussi à beaucoup de vieilleries (nous dit-on) pas si vieilles que ça car pour le moins subliminales, qui voulaient que les femmes propriétés des hommes ne soient pas (sou)mises à la vue d’autres que leur possédant, que les femmes porteuses de séduction (plus ou moins impures) ne puissent pas contaminer d’autres que celui à qui elles sont dévolues, qu’une femme se présentant devant dieu doit par soumission (et une histoire d’impureté) se présenter couverte (mantille de Mme Chirac à l’église). Naguère une « femme honnête » ne sortait que couverte (d’un fichu, d’un bibi, d’un châle).Jacques Chirac aurait porté lui aussi la mantille à Bormes les Mimosas, ce ne serait déjà plus pareil.
On pourrait aussi évoquer la circoncision rituelle, indélébile marquage religieux et sexiste. Le baptême sacramentel sensé ne pouvoir être effacé (Catholique un jour, cathoilique toujours, idem pour le musulman). Les religions n’ont de cesse de vouloir marquer, soumettre, assigner.
Mais encore. Ce signe vient renforcer tout un arsenal ségrégatif entre hommes et femmes dont l’habillement, le port du corps, l’apprêt cosmétique et autre, c’est vrai. Mais il n’en est pas une simple composante comme l’argumentent certain/es défenseurs/euses du port du voile comme droit banal : ce n’est pas un simple vêtement pour celles qui le portent et aux yeux de ceux qui les y invitent sinon il ne serait pas l’enjeu qu’elles en font. Pas banal parce qu’il est un rapport spécifique entre les femmes et dieu, un rapport spécifique d’une soumission spécifique des femmes, une condition spécifique des femmes parmi les humains. Problème, non ?
Vieilleries nous dit-on ? dont il ne resterait que la spiritualité ? Non.
Ce ne serait pas (plus) ça que ça veut dire ?
Et pourtant, dans ce monde libéral en perpétuelle régression mysogyne, n’est-ce pas ça quand même que disent entre autres des femmes, ce signe et plus globalement les religions ? D’autant que, si l’on veut bien s’y arrêter, les religions en crise et sur la défensive des années 60/70/80, sont aujourd’hui des religions en contre offensive et sur des bases identitaires, fondamentalistes de réarmement moral. Qu’il s’agisse de l’évangélisme protestant conquérant, du catholicisme romain identitaire de JP II réaffirmé par B.XVI, de l’Islam post Khomeiny, des orthodoxies revanchardes, voire de l’Indouisme nationaliste et du Bouddhisme actuel. Il ya un vent de reconquête/revanche qui anime toutes les religions... quasi en accompagnement de l’offensive libérale, comme par hasard.
Jacques Fortin